Aphorismes XIV, de l'objectivité

Un article de Caverne des 1001 nuits.

L'objectivité n'existe pas ; c'est un concept creux.


L'objectivité, c'est ce qui n'est pas subjectif ; c'est donc ce que pense tout le monde ; c'est donc une manifestation de l'inconscient collectif, un poncif, une idée reçue.


Si le discours de l'objectivité sous-tend le discours des sciences dures, il sous-tend aussi et surtout le discours de la morale sociale, celle qui part du principe que l'on peut juger une personne qui se permet de ne pas faire - objectivement - comme tout le monde.


L'objectivité est la loi de la masse.


Tout dogme prône l'objectivité ; la multiplicité des dogmes montre que cette objectivité est très relative.


L'objectivité, il y en a autant que de personnes.


Quand on s'approprie une idée, on la subjectivise ; toute idée non subjectivisée n'existe qu'au stade de conditionnement : les gens nomment cela de l'objectivité.


L'objectivité, c'est ce qu'il faut penser hic et nunc ; une décennie plus tard, on est toujours "objectif" en pensant différemment.


Quand on n'est pas d'accord avec quelqu'un, on tente souvent de lui démontrer qu'il n'est pas objectif.


L'objectivité est un crédo social, supporté par les sciences dures, parfois par une religion.


Les tenants de l'objectivité ont un comportement religieux : ils veulent aligner tout le monde sur le même moule en faisant croire que, eux-mêmes, en tant que personnes, n'ont pas de subjectivité, ou ont réussi à s'en abstraire.


L'image du sage est souvent celle d'un homme objectif ; c'est une absurdité car le sage, en s'intéressant aux hommes, ne s'intéresse qu'à leurs subjectivités.


Les raisonnements logiques sont peut-être parfois objectifs, mais ils s'appuient sur des axiomes subjectivement choisis, qu'ils ne font souvent que reformuler.


Même les mathématiques sont subjectives ; d'où l'intuitionnisme.


Si je parle d'objectivité, c'est pour mieux imposer ma subjectivité à l'autre.


L'objectivité est le cœur de l'argumentaire de la personne qui projette.


Vouloir que l'autre soit objectif, c'est vouloir qu'il se range à notre subjectivité ou à celle de nos idoles.


Accepter sa subjectivité, c'est s'accepter soi dans la misérable humilité de son état et la très grande relativité de ses opinions ; viser à l'objectivité, c'est s'ériger en juge et en être humain désincarné.


La morale de l'objectivité est l'instrument de la dictature.


Dans une société de l'objectivité, les comportements préférés sont le statisme social et la coercition des personnes dites subjectives.


Etre objectif, c'est n'assumer aucune idée personnelle.


Etre objectif, c'est refuser d'avoir senti une faille dans l'objectivité supposée des autres.


Viser à l'objectivité est un signe névrotique.


Etre subjectif ne veut pas dire ne pas raisonner.


La raison est subjective ; Kant, même, mettait en doute l'existence de la « raison pure ».


Les concepts étant affectivement chargés, l'objectivité chez l'humain est un leurre.


L'objectivité est un dogme et une croyance, au sens strict, car elle est à la fois un acte de foi profond et une vision du monde ; elle a cependant une différence profonde par rapport aux religions monothéistes : elle exhibe une hypertrophie de l'intellect et une atrophie de l'empathie.


Le dogme de l'objectivité est un voile sur le monde ; comme tous les dogmes, il se proclame être le seul dogme « lumineux ».


L'objectivité implique le refus de voir la différence.


Il n'y a pas d'analyse objective ; il n'y a que des gens qui assument leurs analyses, et d'autres qui, ne les assumant pas, cherchent des cautions chez ceux qui les ont un jour assumées.


La volonté d'objectivité écarte de soi ; elle est tissée de mensonge sur soi et sur le monde.


On ne peut voir la vérité du monde qu'en assumant sa subjectivité, alors que le contraire est souvent cru à tort.


Il est beaucoup plus difficile d'assumer sa subjectivité que de viser à être objectif, car assumer sa subjectivité veut dire faire face à son Soi.


On confond souvent subjectivité et non démontrabilité de l'opinion ; c'est une assimilation simpliste, car encore faudrait-il croire que l'on puisse démontrer de manière univoque quoi que ce soit.


Quand on a compris que l'on peut tout démontrer ainsi que son contraire, on est bien parti pour assumer sa subjectivité.


L'objectivité est fondement de la croyance de l'athée et de certains religieux.


L'objectivité est le dogme archétypal des croyances sociales.


L'objectivité est inaccessible à l'homme qui la recherche ; à moins que l'on ne parle d'autre chose...


Se vouloir objectif est un moyen commode d'être orgueilleux tout en ne l'assumant pas en cherchant des cautions chez les autres ; être subjectif, c'est savoir que ce qu'on pense est, au mieux, relatif à son expérience limitée du monde.


La logique de l'objectivité est structurellement projective : en effet, mettez un objectif et un subjectif l'un en face de l'autre, le premier accusera le second d'avoir un avis qui ne peut correspondre à tout le monde, ironie d'une personne qui ne peut comprendre que même ce reproche est l'émanation d'une pensée teintée du dogme de l'objectivité.


Les personnes ne sont pas symétriques : celles soumises au dogme de l'objectivité ne comprennent pas que l'on pense différemment d'elles-mêmes et celles qui ont accepté leur subjectivité comprennent le comportement des personnes objectives, même si elles ne le partagent pas.


La volonté de tout symétriser est un avatar de l'objectivité.


La personne croyant à l'objectivité ne peut comprendre qu'une autre personne ait une opinion personnelle qui n'engage qu'elle.


Objectivement, je suis pure subjectivité.


Il n'y a qu'une seule objectivité, c'est Dieu ; et encore cette objectivité ne peut être perçue que subjectivement.



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