La pensée tautologique

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Sommaire

[modifier] Introduction

Nous allons, dans cet article, nous intéresser de manière formelle à un type de raisonnement très commun que nous nommerons pensée tautologique. Nous couvrirons une définition formelle de ce type de pensée ainsi que certaines des conséquences de ce type de pensée.

[modifier] Définitions

[modifier] Qu'est-ce qu'une tautologie ?

Le dictionnaire TLF donne les définitions suivantes de la tautologie :

  • procédé rhétorique ou négligence de style consistant à répéter une idée déjà exprimée, soit en termes identiques, soit en termes équivalents,
  • proposition identique, dont le sujet et le prédicat sont un seul même concept (exprimé ou non par un même mot).

[modifier] Définition de la pensée tautologique

Nous étendrons le concept de tautologie en définissant la pensée tautologique.

On nommera pensée tautologique une pensée raisonnante ayant les caractéristiques suivantes :

  • une pensée tautologique est fondée par un ou plusieurs axiomes, donnés a priori, souvent non exprimés clairement en tant que bases au raisonnement ;
  • une pensée tautologique s'illustre par deux types de raisonnements logiques :
    • des raisonnements tautologiques qui consistent à reformuler, de manière voulue ou non, un des axiomes pour mener à des tautologies ;
    • des raisonnements qui sont les conséquences logiques du jeu d'axiomes donné a priori[1].

Conséquences :

  • la pensée tautologique se confond avec la tautologie dès lors qu'un seul axiome est présent dans le raisonnement ;
  • la pensée tautologique s'écarte de la tautologie si plusieurs axiomes sont à la base du raisonnement.

[modifier] Relations entre raisonnement « standard » et raisonnement tautologique

On pourrait argumenter qu'un raisonnement fondé sur plusieurs axiomes n'est pas obligatoirement un raisonnement de type tautologique. Nous dirons que cette assertion est indéterminée a priori et qu'elle doit être examinée au cas par cas. En effet :

  • si le raisonnement enchaîne les axiomes sans apporter de sémantique particulière à l'axiomatique initiale, nous dirons que nous sommes dans un cas de pensée tautologique ;
  • si le raisonnement enchaîne les axiomes en apportant une sémantique particulière, nous dirons que nous ne sommes pas dans un cas de pensée tautologique.

Ce point est important pour distinguer l'apport d'une pensée. Nous tenterons, dans les articles usant de la terminologie « pensée tautologique », de s'assurer formellement de ce point, voire de le préciser logiquement dans le futur.

[modifier] La pensée complexe d'Edgar Morin, une variante de la pensée tautologique

Edgar Morin a inventé une variante de la pensée tautologique, variante qui s'exprime comme suit :

  • Prenez un problème à analyser ;
  • Identifier le pour et le contre ;
  • Juxtaposez le pour et le contre en donnant des arguments pour les deux options ;
  • Terminez le raisonnement par un laïus sur la pensée complexe qui voit toutes les dimensions du problème.

Ce raisonnement est parfaitement tautologique dans la mesure où il n'est que l'occasion de faire un inventaire des idées reçues sur le problème en question :

  • sans prendre position ;
  • sans faire progresser le raisonnement.

Cette variante intéressante est utilisée par Edgar Morin pour faire du prosélytisme scientiste.

[modifier] Utilité d'identification de la pensée tautologique

Travailler sur la pensée tautologique revient à identifier les axiomes sous-jacents aux raisonnements. Lorsque ces axiomes sont exprimés, la tâche est plutôt facile, mais généralement, ces axiomes ne sont pas exprimés. Une pensée tautologique doit donc souvent être déconstruite afin d'exhiber les axiomes qui la fondent. Ce n'est donc ni le raisonnement, ni les conclusions du raisonnement qui sont analysées, mais les prémisses, les axiomes eux-mêmes.

Une fois les axiomes exhibés, la pensée peut être qualifiée de pensée tautologique ou non, et le lecteur de cette pensée peut se positionner dans un cadre clair dans lequel on a :

  • une axiomatique définie et précisée ;
  • un jeu de raisonnements dont la logique n'est souvent pas à remettre en cause ;
  • un jeu de conclusions.

Il va de soi que si les raisonnements sont logiques, et si le lecteur accepte l'axiomatique initiale, alors il accepte naturellement les conclusions de ces raisonnements. Cependant, il accepte les conclusions de ces raisonnements en toute connaissance de cause, soit dans un cadre clarifié de manière logique.

[modifier] Présence de la pensée tautologique dans notre monde

[modifier] Identifier la pensée tautologique

Notre monde, ainsi probablement que tous les autres mondes humains de toutes les époques, valorise la capacité de raisonner a priori. Or cette valorisation est incomplète car la seule faculté de raisonner ne prévient pas d'évoluer dans des raisonnements qui sont conditionnés par des axiomes discutables. C'est pourquoi il est nécessaire de s'intéresser aux axiomes qui fondent ces raisonnements et de juger juger les raisonnements à l'aune des principes qui les fondent (les axiomes).

Ainsi, l'analyse des pensées tautologiques éclaire les raisonnements d'une autre façon, ce type de pensée n'étant, au final, qu'une reformulation d'un jeu d'axiomes limités qui, une fois formulés, se révèlent souvent d'une simplicité soulevant des questions, notamment en termes de représentations véhiculées par ces axiomes.

[modifier] L'illusion de la liberté de penser

La pensée tautologique est souvent sous-jacente à la diffusion des lieux-communs, des poncifs. Elle donne l'impression de laisser la liberté aux personnes de penser. Or cette liberté est uniquement une liberté de raisonner sous la contrainte d'une axiomatique définie. Cette pensée sous contraintes est souvent une pensée de type pensée tautologique. Aussi, il convient d'identifier les axiomes sous-jacents à cette pensée afin de savoir quelles contraintes se posent au raisonnement. Identifier les axiomes revient alors à identifier les contraintes du raisonnement.

L'homme est très souvent capable de raisonner de manière logique ; mais il ne s'intéresse que rarement aux axiomes qui fondent ses propres raisonnements. Ces axiomes le font penser, souvent à son insu, dans un cadre clos qui, s'il évoque la liberté de l'activité cérébrale, n'en est pas moins porteur la plupart du temps d'une certaine stérilité de la pensée. Ainsi, la pensée tautologique est une pensée stérile qui donne l'illusion de la liberté de penser, en raison du caractère non exprimé, ou inconscient, des contraintes de cette pensée.

[modifier] Les conséquences de la pensée tautologique

La pensée tautologique, en ce qu'elle brasse des axiomes non exprimés, est souvent une pensée qui censure a priori au travers du jeu de contraintes axiomatiques que nous avons évoqué. Elle devient facilement une pensée morale, alors même que les axiomes fondant cette morale peuvent être inconscients.

Nous pouvons lister un certain nombre d'effets de cette pensée lorsqu'elle se généralise :

  • l'établissement d'une confusion dans la façon de raisonner, confusion entre arguments licites, arguments moraux, mauvaise foi et avis personnel ;
  • la banalisation du manque de logique, un raisonnement pouvant être qualifié de logique alors qu'il n'est qu'une pensée tautologique donc une reformulation stérile d'une axiomatique de départ ;
  • la favorisation d'un raisonnement affectif et non plus intellectuel, ce qui a pour objet de supprimer la perception de la différence entre subjectivité et objectivité ;
  • la caricature des positions de chacun et l'effacement des nuances, notamment au travers d'une logique binaire ;
  • la généralisation de représentations standardisées.

La pensée tautologique a cette conséquence importante d'enliser l'homme dans des certitudes qui ne sont pas les siennes, tout en l'éloignant de l'étude de lui-même, et par conséquent en l'éloignant de l'autre avec qui il construit chaque jour la société.

[modifier] Conclusion

Nous nous attacherons, dans un certain nombre d'articles de ce site, à identifier les pensées tautologiques et à les déconstruire.

[modifier] Liens internes

[modifier] Notes

  1. Cf. la machine de Turing.