Quarantième nuit, histoire du second calender, fils de roi

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Dinarzade, ne doutant point qu’elle ne prit autant de plaisir à l’histoire du second calender qu’elle en avait pris à l’autre, ne manqua pas d’éveiller la sultane avant le jour :

Si vous ne dormez pas, ma sœur, lui dit-elle, je vous prie de commencer l’histoire que vous nous avez promise.

Scheherazade aussitôt adressa la parole au sultan, et parla dans ces termes :

Sire, l’histoire du premier calender parut étrange à toute la compagnie et particulièrement au calife. La présence des esclaves avec leurs sabres à la main ne l’empêcha pas de dire tout bas au vizir :

« Depuis que je me connais, j’ai entendu bien des histoires, mais je n’ai jamais rien ouï qui approchât de celle de ce calender. »

Pendant qu’il parlait ainsi, le second calender prit la parole, et l’adressant à Zobéide :

HISTOIRE DU SECOND CALENDER, FILS DE ROI

« Madame, dit-il, pour obéir à votre commandement et vous apprendre par quelle étrange aventure je suis devenu borgne de l’œil droit, il faut que je vous conte toute l’histoire de ma vie.

« J’étais à peine hors de l’enfance, que le roi mon père, car vous saurez, madame, que je suis né prince, remarquant en moi beaucoup d’esprit n’épargna rien pour le cultiver. Il appela auprès de moi tout ce qu’il y avait dans ses états de gens qui excellaient dans les sciences et dans les beaux-arts.

« Je ne sus pas plus tôt lire et écrire que j’appris par cœur l’Alcoran tout entier ce livre admirable qui contient le fondement, les préceptes et la règle de notre religion . Et afin de m’en instruire à fond, je lus les ouvrages des auteurs les plus approuvés et qui l’ont éclairci par leurs commentaires. J’ajoutai à cette lecture la connaissance de toutes les traditions recueillies de la bouche de notre prophète par les grands hommes ses contemporains. Je ne me contentai pas de ne rien ignorer de tout ce qui regardait notre religion : je me fis une étude particulière de nos histoires ; je me perfectionnai dans les belles lettres, dans la lecture de nos poètes, dans la versification ; je m’attachai à la géographie, à la chronologie et à parler purement notre langue, sans toutefois négliger aucun des exercices qui conviennent à un prince. Mais une chose que j’aimais beaucoup et à quoi je réussissais principalement, c’était à former les caractères de notre langue arabe. J’y fis tant de progrès que je surpassai tous les maîtres écrivains de notre royaume qui s’étaient acquis le plus de réputation.

« La renommée me fit plus d’honneur que je ne méritais. Elle ne se contenta pas de semer le bruit de mes talents dans les états du roi mon père, elle le porta jusqu’à la cour des Indes, dont le puissant monarque, curieux de me voir, envoya un ambassadeur avec de riches présents pour me demander à mon père, qui fut ravi de cette ambassade pour plusieurs raisons. Il était persuadé que rien ne convenait mieux à un prince de mon âge que de voyager dans les cours étrangères, et d’ailleurs il était bien aise de s’attirer l’amitié du sultan des Indes. Je partis donc avec l’ambassadeur, mais avec peu d’équipage, à cause de la longueur et de la difficulté des chemins.

« Il y avait un mois que nous étions en marche lorsque nous découvrîmes de loin un gros nuage de poussière, sous lequel nous vîmes bientôt paraître cinquante cavaliers bien armés. C’étaient des voleurs, qui venaient à nous au grand galop... »

Scheherazade étant en cet endroit, aperçut le jour et en avertit le sultan, qui se leva ; mais voulant savoir ce qui se passerait entre les cinquante cavaliers et l’ambassadeur des Indes, ce prince attendit la nuit suivante impatiemment.


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