Le tsunami médiatique

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Un exemple de lavage de cerveaux moderne

Sommaire

[modifier] Introduction

Le but de cet article n'est pas ici de parler de la catastrophe, il est surtout inverse : surtout ne pas en parler. Je dirais presque surtout ne pas voir. Je préfère imaginer l'horrible que d'avoir des images de personnes charriés comme des poupées, vomies sous mes yeux ou sous ceux de mes enfants par Saint-Téléviseur. Cessons d'en parler car tout le monde ne parle que de ça, que ce soit dans les journaux, à la télévision ou à la radio, tout le monde nous gave de tsunami comme des oies, nous le sert à toutes les minutes au point que l'on se sent habité d'un état d'écœurement incommensurable.

[modifier] Les médias dans la colle

Car, que veulent les médias ? La même chose que d'habitude : vendre des bons sentiments, jouer leur rôle moralisateur[1], faire culpabiliser, horrifier, faire de l' entertainment et vendre de la publicité.

Alors bien entendu, des amis à moi sont dans la douleur car ces derniers ont perdu certains de leurs amis dans cette catastrophe. Mais est-ce une raison pour se repaître médiatiquement de la sorte des cadavres de ces derniers ? Est-ce une raison pour proposer de s'apitoyer sur des victimes occidentales en tourisme sexuel en Thaïlande ? Est-ce une raison pour oublier tout le reste ? Est-ce une raison pour se laisser emporter à notre tour par le « tsunami médiatique » ?

[modifier] Lavage de cerveaux

Désormais, nous sommes les nouvelles victimes de la vague, nous qui sommes submergés, pressés, choqués, charriés, culpabilisés de ne pas donner des sous, nous qui sommes engloutis dans ce torrent implacable de mots et d'images qui a pour but de laver le cerveau de tous ceux qui y sont exposés, et surtout de nos enfants à qui on enseigne la bonne vieille culpabilité latente s'ils ne collectent pas quelques euros «pour l'Asie». Nous sommes la cible de ce lavage de cerveaux de grande ampleur. Avant, nous avions le cerveau lavé par les otages en Irak et la récurrence complète de leur douleur et de celle de leur famille.

Il faut se rendre à l'évidence : l'information n'existe plus sous une autre forme que celle du lavage de cerveaux. Comme corolaire, la morale bien pensante et unique nous baigne dans ses remous vaseux.

[modifier] La grande messe de la bonne conscience

Bien que nous soyions un des pays les plus sensibles à l'alter-mondialisme et malgré notre José Bové national, nous sommes les champions de la construction d'une représentation de la planète en tant que mondialisation ; nous construisons tous les jours un peu plus, en chacun de nous, une image mondiale de la catastrophe sans pour autant penser que, dans d'autres pays, les choses puissent être vues autrement, que les gens envisagent les faits d'une autre façon. Car, encore une fois, en construisant cette image mondialisée artificielle, nous sommes et restons dans notre monde[2], dans une Indonésie fantasmatique, dans une Inde irréelle, dans une Thaïlande abstraite, etc.

Nous avons recréé le cénacle moderne tissé de notre inconscient collectif fait de bonne conscience dégoulinante, de culpabilité judéo-chrétienne institutionnalisée chez nous et nos enfants, de bons sentiments à la pelles et d'images répétées en boucle comme autant de versets de pénitence, d'images pieuses de l'Enfer. « Donnez pour les pauvres et les malheureux et vous aurez la conscience tranquille ! » « Soyez généreux et l'Enfer vous épargnera peut-être... » « Regardez ceux qui donnent, quel cœur ils ont ! » « Regardez comme ils sont gentils tous ces gens qui se mobilisent dans des actions locales ! » « Prenez de la graine... »

On ne se libère pas de son passé en claquant des doigts.

Et après ? Que se passera-t-il ? Rien. On culpabilisera pour autre chose, on se focalisera sur un autre événement, sur d'autres horreurs. D'ici là, il faudra attendre le prochain événement capable de nous divertir, capable de détourner l'attention de nous-mêmes, capable de nous maintenir dans notre état réflexif comateux.

Car les victimes sont toujours les mêmes : la plupart d'entre nous sont des victimes ignorantes, qui préfèrent s'inquiéter pour la catastrophe plutôt que de se regarder en face dans une glace.

[modifier] Mode d'emploi pour se protéger du tsunami médiatique

Pour les tsunamis médiatiques, le mode d'emploi de protection est pourtant simple en apparence - quoiqu'il soit difficile à mettre en pratique dans les grandes villes - et tient en deux mots : « jeûne médiatique ». Il est basé sur l'application stricte de cette prescription gratuite :

  • laisser la télévision éteinte,
  • couper la radio,
  • ne pas acheter le journal durant quelques semaines ou ne pas aller le lire sur internet,
  • ne pas ouvrir ses emails personnels en raison du nombre de chaînes et autres relances spameuses,
  • s'isoler quand vos amis/voisins/parents/connaissances vous ressortent le disours formatté des médias.

Et si vous êtes empathique, vous pouvez avoir une pensée pour ceux qui n'ont pas eu de chance, qu'ils soient européens ou pas.

[modifier] Notes

  1. Cf. La fracture médiatique.
  2. Cf. Sociologie et inconscient collectif.