Histoire XIV

Un article de Caverne des 1001 nuits.

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Pour s'amuser, il faut déjà le vouloir. - Pierre Polard in Conversations

Jacques avait erré des heures durant dans les rues de la grande ville. Les gens qu'il croisait l'indifféraient autant que les vieux murs recouverts d'affiches ou de menus. Finalement, amateur de sensations musicales, un bar où les rideaux étaient tirés le séduisit. Il hésitait, cependant le nom inconnu du groupe le décida à entrer. L'atmosphère était sombre mis à part l'orchestre qui jouait très fort dans une lumière vive. Il s'assit, prit une consommation. Les morceaux ne l'intéressèrent pas mais il préféra rester un peu, histoire de tuer le temps.
La faune qui peuplait l'antre était composée avant tout de gens que tout portait à croire qu'ils étaient anodins. Des boucles d'oreilles et autres ustensiles de métal trônaient bien en vue sur des parties de chair proéminentes qui sortaient de crânes rasés à la mode ; les habits tenaient de l'absence de goût et du recyclage industriel du plus bel effet ; des jeunes androgynes se frottaient ostensiblement en se gratifiant de délicates remarques intellectuelles et ineptes sur la grande qualité du spectacle ; les musiciens eux-mêmes tournaient un œil vide sur le public en pensant au cachet que rapporterait la soirée malheureusement nécessaire à leur subsistance.
La serveuse, elle, ne cessait d'aller et de venir, prenant commande sur commande, rapportant des verres et la monnaie dans un empressement qui n'avait d'égal que son habileté à éviter le foule mouvante et comprimée sur des tables trop petites. La musique et la fraternité factice semblaient lui être étrangères tant elle accomplissait son travail avec souplesse.
Jacques trouvait réconfortant que tous ces gens qui montraient leur argent en soient contraints à feindre l'amusement. Le problème était qu'ils arborassent un air pédant et supérieur.
Puis Jacques remarqua un couple jeune et souriant qui semblait tourner le dos au reste du bar. Ils discutaient beaucoup, buvaient et fumaient, proches comme amoureux. Pourtant, il ne les vit jamais s'embrasser.


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