Dieu n'est pas africain, par Gervais de Collins Noumsi Bouopda

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Bonjour oncle Bakala!
Je t’appelle en ce jour
D’un pays enfermé dans la misère,
Pour te faire comprendre
Tout ce qui se trouve de plus ignoble
Dans cet énorme continent
Au cas où tu aurais
L’intention de l’oublier.


En effet, oncle Bakala,
Depuis plus de cinq siècles
Rien ne marche plus vraiment ici.
Tout est devenu obscurité
Et le continent a été dérouté
À travers le chemin de l’esclavage
Et de l’exploitation atroce de ses richesses.


Mon éminent oncle Bakala,
Félicitation !
Ta stratégie était très bonne au départ.
Si tu veux, révisons la encore :
Tu es venu sur les côtes de ce continent
Avec du sucre,
Un peu de sel non iodé,
De la pacotille,
Des tissus
Et de la boisson de mauvaise qualité ;
Tu vois que tout ça était
Bien pensé n’est ce pas ?
Tu as changé beaucoup de millions d’humains
Avec quelques morceaux de sucres seulement.
Tu t’es offert tous les ivoires de la côte
Avec seulement un litre d’alcool
Et c’est vraiment formidable tout cela.
Félicitation une fois de plus !


Mon distingué oncle Bakala,
Les mains habiles et vigoureuses
Que tu as capturées ici et emprisonnées
Dans tes champs de cacao, de cannes à sucre
Et de café là-bas
Que sont-elles devenues ?
Tous ces misérables esclaves
Donc tu as sucé la chair jusqu’à
La dernière goutte de sang
Qui sont-ils devenus ?


Mon cher oncle,
Tu as laissé beaucoup de famille
Dans le désespoir et la désolation.
Les villages tous entiers ont fréquemment brûlé,
Les populations ont constamment pleuré
Et beaucoup sont restés inactifs depuis la nuit
Des temps
Attendant chaque jour le retour
De leur fils mort ou disparu
Dans cette tornade de cris
Et de chasse à l’homme.
Pour être franc,
Il faut dire que tu es un fin stratège.


Mon cher oncle Bakala,
Quelques temps après la tornade de l’esclavage,
Tu confines une nouvelle sagesse
Pour exploiter vivement les terres.
Tu appelles ta nouvelle
Trouvaille : la colonisation.
C’est vraiment incroyable !
Tous ces magnifiques procédés que tu mets
Sur pieds pour exploiter à tout prix.
Pour cela, ta tactique première a consisté
À aveugler ce peuple
En inventant le mot « évangélisation ».
Et tu as associé à ces termes
Des principes bidons tels que :
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Observe bien dans ton passé
Et dis moi
« As-tu jamais aimé ton prochain toi ? »


Grand oncle Bakala,
Tu es vraiment malin dans tous tes procédés hein…
Tu t’es permis d’utiliser la bible,
La sainte bible ?
Pour ruiner une fois de plus les populations
Afin de laisser dominer ton puissant égoïsme.
C’est probablement à ce niveau
Que tu as commencé à comprendre
Que l’exploitation était ta chair
Ta raison de vivre,
L’hémoglobine de ton sang,
Et l’espoir de tous tes enfants.


Très cher oncle
Tu as recommandé aux indigènes
Le respect des principes tout simple
De ton livre saint
Mais tu n’as pas cessé toi-même
De te détourner de ces pièges
Que tu as si bien tendu pour le peuple d’ici.
Dis moi un peu,
Ce Dieu là, est- ce ton Dieu ?
Où est- ce leur Dieu à eux ?


Grand oncle Bakala,
J’espère que tu m’écoutes toujours.
Laissons si tu veux
Le côté de la colonisation qui n’est
Pas encore fini jusqu'à nos jours.
Faisons une petite inspection
Des deux principales grandes guerres.
Tu as recruté massivement les mains vigoureuses
Poussant ton culot jusqu'à appeler
Les soldats d’ici tirailleurs.
Verser le sang des innocents.
Etait-ce le moyen ultime pour
Que tu lui rendes sa liberté ?


Oncle Bakala
Tu es de plus en plus ridicule.
Jette un coup d’œil sur
Le théâtre des périodes d’indépendances,
Où tu as délivré des diplômes de mérite
À de nombreux médiocres qui aujourd’hui
Mettent les économies à feu et à sang.
Tu ne peux pas démentir
Parce que toutes ces personnes-là
Sont tes pions,
Tes véritables espions.
En tout cas, de quoi je me mêle?
Lorsqu’il ne marche pas sur
Tes chemins d’exploitations féroces
Tu t’arranges à le faire quitter
Le pouvoir de ton propre gré.


Oh mon cher oncle
Je vais te faire une confidence
Qui ne doit pas vraiment te surprendre.
D’ailleurs il serait mieux
Que cela reste entre nous.
Depuis plus de quarante ans,
Tu organises de grands désordres ici
Te cachant sagement derrière
Les marionnettes pour détruire
Tout ce que les gens veulent
Adopter pour le bien-être
De la misérable masse locale.
En tout cas, ça ne sert à rien
Car tu continues à piller
Et de manière vraiment vilaine,
Tous les énormes fruits de
Ces années de durs labeurs.


Mon cher Bakala
Tu sais,
Je ne t’en veux pas du tout,
Non pas du tout.
C’est toi qui rends ce peuple
Là corrupteur
Et tu vas le calomnier sur la place publique
Car tu devras certainement savoir
Qu’il ne peut y avoir d’enfants sans mère.
Depuis longtemps les mains habiles
Ont été exterminées par les siens,
Et on commence à comprendre
Très bien ton jeu quand tu
Viens imposer ton discours
Sur « l’immigration choisie »
Inutile que je m’étende
Sur ce sujet pour que tu
Puisses aussi m’adopter.


Oncle Bakala
Sais-tu que les gens se sont
Toujours posés la question
De savoir pourquoi tu es expatrié ici
Et eux immigrés chez toi ?
De toutes les façons je me fous
Eperdument de ce que ces gens
Là pensent. Tu as tout à fait raison !
Et moi pour toi je ferais caméléon !


Cher oncle Bakala
Je sais que tu m’écoutes toujours
Parce que je voudrais maintenant
Te poser quelques questions strictement
Confidentielles auxquelles tu répondras
Si tu le veux bien :
Que feras-tu au juste quand le bois finira ?
Et si le pétrole venait aussi à disparaître ?
Comment feras tu pour continuer à vivre ?


Oncle Bakala,
Soyons un peu raisonnable.
Pourquoi continuer encore
À jouer aux hypocrites ?
En tout cas je n’ai plus assez de temps
Pour continuer à te mettre au parfum
De toutes les conneries
Qui se disent ici…
Je sais que ça ne t’intéresse pas du tout.
Et permets-moi aussi de te rappeler
Que je ne t’en veux pas du tout.
Non c’est normal :
« La chèvre broute où elle est attachée ».


Cher oncle,
Comme tu l’as si bien constaté,
Je n’aime pas m’occuper des problèmes
Qui ne me concernent pas du tout.
Excuse-moi une fois encore d’avoir
Troublé ton paisible sommeil
Alors que les gens sont en train
De mourir sereinement dans cet enfer souterrain.


Gervais de Collins Noumsi Bouopda


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