Analyse de différents types de raisonnements

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Sommaire

Introduction

Nous allons dans cet article nous intéresser à différents types de raisonnements qui, étant différents dans leur structure, produisent des effets différents dans leurs résultats. En effet, tout le monde a un jour constaté qu'à partir des mêmes données, tout le monde ne produisait pas les mêmes conclusions. La question est importante car, comme nous le verrons, le type de raisonnement utilisé peut porter en lui-même les conditions pour ce que nous nommerons une pensée orientée. Dès lors que nous aurons défini la pensée orientée, nous élargirons le débat à d'autres types de raisonnements, raisonnements qui proposent ou s'appuient sur des orientations différentes de la pensée.

Les grands classiques

Thèse, antithèse, synthèse

Le premier type de raisonnement que nous verrons est le raisonnement thèse antithèse synthèse (TAS). Ce mode de raisonner, en raison du fait qu'il fut et est toujours très largement enseigné, semble constituer un certain standard de la pensée[1], standard non remis en cause depuis voilà fort longtemps.

Ce raisonnement a les caractéristiques suivantes :

  • il pose une thèse, soit il pose une question ;
  • il examine les conditions dans lesquelles cette thèse est vraie ;
  • il examine les conditions dans lesquelles cette thèse est fausse ;
  • il fait la synthèse des deux.

En première instance, nous voyons quatre problèmes majeurs à ce type de raisonnement :

  • il ne s'interroge pas sur le bien fondé de la question, sur le fait qu'elle soit correctement formulée, ou même qu'elle ait un sens ;
  • il suppose a priori que la synthèse existe ;
  • il implique une synthèse personnelle des choses ;
  • il implique une vision réductrice binaire des choses.

Nous qualifierons ce type de raisonnements de raisonnement unidimensionnel. La caractéristique d'un raisonnement unidimensionnel est d'évoluer autour d'une seule dimension représentée par la question et sa contraposée.

Comme nous avons pu le noter dans d'autres articles traitant de logique, notamment dans la pensée tautologique, le fait de ne pas questionner la question a pour désavantage de faire « raisonner sous contraintes ». Certes, nous raisonnons, mais dans le référentiel de la question elle-même. Si la question est mal formulée, ce type de raisonnement ne parviendra qu'à produire une opinion, le plus souvent qualifiée de « synthétique » mais dans un sens très spécial, où nous nous positionnerons au final plutôt dans la thèse ou dans l'antithèse, donc plutôt pour ou plutôt contre.

Si ce type de raisonnement a pour avantage indéniable de nuancer les prises de position, il n'en demeure pas moins l'occasion pour tous d'inclure ses propres jugements et opinions pour parvenir à la synthèse. Si la question est mal posée, la synthèse n'est souvent qu'une juxtaposition des arguments pour ou contre.

Le raisonnement analytique

Le raisonnement analytique est une évolution du raisonnement TAS. Ce type de raisonnement est basé sur la division de la question, considérée comme trop générale ou trop complexe pour être abordée d'une façon globale. Ainsi, la question va être divisée en « dimensions », dimensions qui seront étudiées séparément. Ce type de raisonnement tente, comme dans le cas du TAS, de parvenir à une synthèse. Plusieurs solutions se présentent alors :

  • soit les dimensions analysées séparément sont « réconciliables » et la synthèse va de soi ;
  • soit elles ne sont pas réconciliables et il est alors possible de les ordonner subjectivement par ordre de priorité ;
  • soit elles ne sont pas réconciliables et il est difficile de les ordonner sans perdre une partie importante du problème, auquel cas le problème doit être résolu de manière partielle.

Nous trouvons ce type de raisonnement en mathématiques notamment dans l'étude des surfaces à trois dimensions, des équations aux dérivées partielles, etc. Les objets mathématiques étudiés étant souvent non représentables sur du papier, des propriétés annexes de ces objets sont étudiées avec pour but final de réconcilier tous les différents axes de l'étude du même objet. Cela est parfois réalisable, mais la plupart du temps, il est nécessaire de se contenter de résultats partiels.

La raisonnement analytique a, dans le monde occidental, poussé à la spécialisation des sciences. A ce titre, l'histoire de l'analyse du problème à trois corps de Henri Poincaré est exemplaire d'un raisonnement analytique poussant à une spécialisation des sciences. Partant d'un problème de gravitation simple, Poincaré « invente » des champs entiers des mathématiques, champs qui seront après lui étudiés en tant que discipline autonome.

Le problème est complexe, donc on le divise en tentant de « séparer les variables ». Nous entrons donc une logique d'analyses partielles du problème dans lequel certaines variables sont considérées comme constantes. Les conséquences de ce type d'approche sont la multiplication des points de vue selon des dimensions particulières, multiplication qui va de pair avec une absence de vision globale.

Ainsi, un phénomène humain quelconque peut-il être étudié sous son aspect philosophique, social, politique, psychologique, etc. Le problème, même réduit en termes de variables, étant toujours complexe, des champs d'analyse s'ouvrent à la manière d'un arbre.

En effet, considérons un problème A. A est trop complexe pour être étudié dans sa globalité. Analytiquement, nous déciderons d'étudier A au travers de de perspectives en séparant les variables. On obtient les perspectives : A1, A2, ..., An. Si la perspective A1 est trop complexe, le raisonnement analytique nous fera la diviser une nouvelle fois en de nouvelles perspectives : A1,1, A1,2, ..., A1,m, et ainsi de suite comme le montre la figure 1.

Figure 1 : la décomposition arborescente du raisonnement analytique
Figure 1 : la décomposition arborescente du raisonnement analytique