L'athéisme est une forme d'orgueil

Un article de Caverne des 1001 nuits.

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Derrière cette phrase provocante, nous voudrions mettre l'accent sur une réalité plus gênante et plus tabou des grands discours autour de l'athéisme, religion dominante aujourd'hui dans la société française : l'athéisme est porteur de faux discours, d'une illusion de liberté et d'une dangereuse façon de détourner la logique élémentaire sur l'homme, à l'instar de ce que peuvent faire les instances extrémistes de toute religion.

Sommaire

Religion et institution

La première mise au point de vocabulaire se situe sur la différence entre une religion et une institution religieuse. Bien que nos «ayatollahs» de l'athéisme veuillent absolument nous faire prendre des vessies pour des lanternes, la différence existe et elle est nette. L'Islam n'est pas le chiisme, le Christianisme n'est pas le Protestantisme calviniste, etc. Pour certaines religions, on distinguera même l'institution religieuse en elle-même et la pratique religieuse, possiblement solitaire et lointaine des institutions.

Relever, par conséquent, les dérives sectaires de certaines institutions religieuses ou de certains courants des dites institutions est louable. On pourrait d'ailleurs faire de même avec les dérives sectaires et doctrinaires de certaines partis politiques, de syndicats, d'ONG, de philosophes «indépendants», de gourous quelconques ou d'associations lois 1901 diverses et variées. Il n'est ni nécessaire, ni suffisant, d'être une institution religieuse pour endoctriner son petit monde.

Le raisonnement fallacieux se cachant derrière l'athéisme, et c'est ce en quoi ce mouvement ressemble comme deux gouttes d'eau à une structure de mouvement religieux aliénant, est le suivant :
Dieu a été longtemps utilisé comme concept pour asservir les êtres humains sous une morale et des pratiques religieuses aliénantes. Ce mot vide de sens fut utilisé dans l'histoire pour cautionner des massacres. Se libérer de Dieu est donc la libération ultime que l'homme moderne et intellectuel peut viser, celui qui n'accepte plus la domination, la morale et l'endoctrinement d'une religion. Etre athée est la condition pour jouir de soi et du monde en toute liberté.

Se libérer d'une institution n'est bien entendu pas forcément se libérer de Dieu, ni même se libérer d'une religion. Si les athées considèrent ces raisonnements comme licites, on ne pourra que s'inquiéter du support étonnant à des confusions aussi grossières, prétextes à une méfiance envers ou une haine des religions a priori. L'héritage philosophique occidental n'est pas innocent à cette tendance et Nietzsche, par exemple, fut le premier à jouer sur cette regrettable confusion entre religion et organisation religieuse.

De la foi

La seconde mise au point en terme de vocabulaire est relative à la nature de la foi. Qui connaît des croyants[1]</ref> ou est croyant lui-même peut constater que cette foi n'est pas seulement de nature intellectuelle, qu'elle ne s'alimente pas uniquement de soi-disant preuves de l'existence de Dieu, mais qu'elle semble résider dans la certitude perceptible de ce qui est, et en ce sens, qu'elle appartient à la sphère du ressenti (faute de pouvoir le décrire avec des mots plus appropriés). Critiquer la foi selon des critères purement intellectuels est donc un exercice absurde logiquement dans la mesure où une partie de la nature de cette foi est insaisissable par l'intellect.

Il en va de même de la plupart des sentiments, comme l'amour. Si une soudaine envie de pleurer nous vient alors qu'on tente de dire à quelqu'un de proche qu'on l'aime, on ne peut que raisonner sur des concepts flous (sentiment, émotion) pour «expliquer» un tel comportement. Manifestement, il ne s'agit pourtant que de parler, et logiquement, il est étrange de se livrer à des épanchements de ce type. Les affects ne sont pas régis par les lois de l'intellect et de la logique. La foi est un affect d'un genre tout à fait spécial mais, comme tous les affects, elle peut être intellectualisée, donc représentée. Il n'en reste pas moins que cette représentation est toujours incomplète, imparfaite, instable et souvent inappropriée. La psychanalyse a souvent besoin d'opérer ces distinctions entre affect et intellect afin de soigner des gens qui ont une incapacité à admettre certains côtés de leur personnalité.

Que l'on use de son intellect pour philosopher et critiquer les dérives extrêmes de pratiques religieuses de groupe est parfaitement licite. Que l'on use de son intellect pour philosopher sur le sens des textes sacrés et sur leur interprétation est licite pourvu qu'on les envisage aussi (et peut-être surtout) dans leur dimension spirituelle (et non intellectuelle uniquement).

En tant qu'archétype d'homme moderne hyper intellectuel, l'athée a peur de la partie affective de soi, une peur profonde de lui-même qui, projetée sur le monde, le rend méfiant vis-à-vis des groupes qui parlent de cet affect refoulé. Ce même archétype très occidental fut pourtant la victime de véritables religions politiques et meurtrières au sein du XXème siècle, cela pour combler son besoin de spiritualité. Lorsque Hitler vantait l'«aryen supérieur aux autres races», il était dans une logique de stimulation spirituelle des masses ; lorsque Staline sublimait l'«ouvrier communiste comme archétype de l'homme nouveau», il jouait aussi sur cette propension de l'homme à rechercher un sens spirituel à sa vie. Les athées convaincus sont donc comme les autres hommes : soit en train de refouler leur besoin spirituel, soit en train d'adopter des causes non religieuses afin d'assouvir ce besoin de sens.

Il est d'ailleurs étonnant de voir comment des intellectuels parviennent à se lancer dans de véritables «guerres de religion» sur des sujets ineptes pour tous (et souvent même pour eux-mêmes) : ils ont troqué le besoin de sens par un orgueil démesuré, celui d'être «le plus fort» dans le domaine qui les occupe et donc de construire cette force comme un remplacement à une force spirituelle défaillante. Le problème est qu'on ne remplace pas la foi et que cette surenchère est vouée à l'échec.

La spiritualité au cœur du tabou

Le mot à bannir est posé : [2][3]</ref>. Mais que veut donc dire ce mot dans une société moderne et hyper matérialiste ? Ce mot prend souvent le sens de «magique», «n'importe quoi», de «délire non scientifiquement prouvé» ou pire, dans la bouche des philosophes, d'un sentiment qui sans religion pourrait être de l'[4], voire de l'éthique. Il va de soi que ces deux derniers termes ne couvrent pas le champ immense de la spiritualité humaine, tout comme la tolérance ne recouvre pas l'immense champ de l'amour.

Les philosophes des lumières, trop souvent cités en exemple par les athées sont d'ailleurs beaucoup plus prudents sur la critique de «Dieu» ou de la foi, que sur les critiques de l'instrumentalisation par l'Eglise catholique de ces deux «notions».

La morale donne la nausée

Derrière la religion, le commun des athées entend morale et est soudainement pris de nausées. Mais ces mêmes nausées surgissent aussi lorsque le commun des athées constate l'absence absolue de morale d'une personne proche. La réflexion morale reste souvent, chez l'athée, à la surface des choses, soit emprunte aux règles morales de l'inconscient collectif et à celles qui supportent son individualisme. La morale de l'inconscient collectif étant une déclinaison sociale de la morale de la religion dominante du pays (ou de son passé), les athées sont souvent, en France, très catholiques dans leurs principes.

En un sens, les athées extrémistes sont plus moralistes que les croyants eux-mêmes, persuadés justement de vanter une liberté absolue et obligatoire dans un monde libéré du joug de la religion, étant par ce prosélytisme d'une suffisance absolue sur les personnes emplies de doutes ou croyantes. Les grandes religions apprennent progressivement à supporter cet athéisme extrême (sans toujours adopter de mesures de rétortion immédiates) qui peut s'illustrer dans la plus pure provocation du blasphème envers les symboles saints d'une religion. Cette provocation n'est d'ailleurs prisée que dans la mesure où «elle sent le soufre» et le blasphème, ce qui signifie que l'on peut y projeter ses haines et mesquineries sous couvert d'athéisme, mais aussi qu'on y éprouve du plaisir car on se place dans le même référentiel que celui que l'on cherche à détruire. Pour être blasphémateur, il faut, quelque part, être imbibé de religion.

Le débat du soufi Ibn Arabi

Pour parler de la spiritualité, plongeons-nous dans un court débat datant du XIIème siècle. Laissons parler Ibn Arabi, soufi andalou qui fut confronté au théologien et philosophe Abul Walid Ibnou Rouchdi (plus connu en Occident sous le nom d'Averroës) pour disserter de l'usage de la philosophie, donc de l'usage de l'intellect, pour aborder la vérité de Dieu, donc d'une certaine façon, la spiritualité.

L'histoire de la fameuse rencontre nous a été d'ailleurs relatée par Ibn Arabi lui-même dans son grand ouvrage les Révélations mecquoises.

"Un jour mon père m'envoya à Cordoue auprès de son ami, le Cadi Abul Walid Ibnou Rouchdi dans le dessein de provoquer entre nous deux un débat sur la science (religieuse).

Lorsqu'on se rencontra, il m'adressa avec empressement un Oui interrogatif (faisant ainsi allusion à la viabilité de la philosophie comme voie d'accès à la Vérité (Allah)).

Alors tout jeune, imberbe et sans moustache que j'étais je répondis par un oui confirmatif (car je lui concédais par là que la philosophie était susceptible d'aider le croyant en sollicitant son registre rationnel, son simple entendement, etc.).

A ma réponse, son visage sembla trahir une grande satisfaction ; devinant alors sa présomption, j'ajoutai cette fois-ci un Non de restriction car sa présomption consistait à assimiler la certitude simplement conceptuelle à laquelle aboutissait la philosophie, à la certitude testimoniale absolue résultant de l'expérience mystique.

Il m'apparut après que son enthousiasme eût fait place à un bouleversement, car il devint embarrassé ; et commença à réfléchir sur l'efficacité de la méthode spéculative.

Il m'interrogea de nouveau.

  • Comment avez-vous trouvé la Réalité selon L'illumination et le dévoilement? Est-il conforme au résultat de la spéculation?

Je lui répondis de cette manière :

  • Oui et Non, c'est entre ces deux que beaucoup d'âmes ont été anéanties. Oui, parce que la philosophie prépare en effet d'une certaine manière, la vocation religieuse. Non pourtant, parce que tout aussi utile qu'elle soit, elle n'est pas décisive, car elle ne rend pas compte de la Réalité de façon parfaite."[5].</ref></ref>

Le dilemme est là : la spiritualité n'est pas objet saisissable par la raison. Elle évolue dans d'autres sphères et ceux qui tentent de réduire le phénomène spirituel au moyen de représentations intellectuelles se trompent de nature d'objet[6] tente de concilier les deux approches, l'approche philosophique et l'approche spirituelle.</ref></ref>.

Quid de ce débat mené au XIIème siècle de notre ère ? Les questions ne semblent pas même se poser à l'homme moderne de cette façon très ouverte qui laisse libre court à l'interprétation et l'affect personnel, au choix et aux destinées individuelles. Combien de penseurs actuels ont tiré les leçons de cette dualité ? Dans l'athéisme, il n'en reste rien. L'homme est matérialiste et seule la philosophie œuvre pour son salut, sous-entendu salut intellectuel, soit l'apaisement de sa soif de «comprendre», qui est, elle, jamais atteinte. On comprend chez l'homme occidental, cette course effrénée sans but ni véritable sens.

Une négation d'une part de l'humain

Nier la spiritualité, alors que les diverses religions de la planète montrent des façons communes de l'aborder mais aussi une reconnaissance de l'existence de ce sentiment, paraît être une tentative d'amputation de l'homme de l'une de ses composantes essentielles. «Science sans conscience n'est que ruine de l'âme» disait Rabelais, mais quelle conscience, et quelle âme ? ET la Science de quoi ?

L'athéisme, en niant la spiritualité, trouve les ressources de ses arguments dans l'utilisation de raisonnements applicables à beaucoup de choses mais justement pas aux sentiments dont cette spiritualité[7]</ref>. L'athéisme se gargarise de cette certitude que n'a pas l'agnosticisme[8].</ref></ref>, ni même le scepticisme. L'athéisme garde ce côté cynique qui vise à déprécier les croyants, en niant l'«objet de leur foi». Pour l'athée, ce n'est pas une attaque à l'homme mais à un concept froid ; pour le croyant, c'est une attaque à une partie intime de sa personne ; d'où l'incompréhension d'intellectuels athées se voyant accuser de mépriser les croyants alors qu'ils ne pensent qu'au mépris du concept religieux[9]</ref>.

Conclusion

L'athéisme peut donc apparaître comme l'orgueil de l'homme fait dogme, la certitude de l'homme intellectuel, libre sans dieu et supérieur aux croyants[10]</ref>. L'athéisme ne laisse pas la place au doute et vante le mépris intellectuel des croyants, relégués à l'état de bêtes crédules, inférieures intellectuellement. Il est intolérant et s'affronte, sans finesse, à des concepts qu'il confond les uns avec les autres dans une même marmite intellectuelle aveugle et manipulatrice.

Par certains côtés, l'athéisme est aussi dangereux que les extrémismes religieux qui lui répondent, ou plus précisément, qui répondent de manière violente à ce mépris affiché des croyants considérés comme «sots».

Les pays occidentaux sont ivres d'athéisme, forme d'individualisme forcené et irrespectueux, orgueilleux à l'extrême. Le capitalisme induit cette fuite vers la jouissance personnelle des biens matériels et vers l'abandon de toute recherche de la vérité sur soi et sur les autres[11]</ref>.

De manière collective, nos pays occidentaux, s'ils portent l'image de pays dans lesquels il fait bon vivre, portent une responsabilité évidente dans le mépris ressenti par certains pays dont les régimes sont religieux (ces derniers étant le plus souvent, des régimes à connotation dictatoriale). L'homme occidental a perdu ses racines et l'athéisme est la forme la plus violente de cette perte volontaire et cynique d'identité spirituelle. Sans athéisme, il n'y aurait probablement pas autant de psychanalystes.

Notes

</references>