Krishnamurti et le monothéisme

Un article de Caverne des 1001 nuits.

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(Krishnamurti dans une perspective monothéiste)
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Version du 21 février 2010 à 09:41

(en cours d'écriture)

Sommaire

Introduction

La pensée de Krisnamurti est une pensée originale qui puise ses racines à la fois dans les traditions hindouiste et bouddhiste mais aussi dans une révolte très « occidentale » envers les phénomènes sectaires dont il fut longtemps le jouet. Comme nous allons le voir, Krishnamurti est à la fois un fils de l'Inde, en ce qu'il pratique un genre de prosélytisme très commun dans la culture indienne, mais il est aussi un fils de la culture occidentale dans la mesure où sa focalisation sur le conditionnement est une préoccupation principalement occidentale.

Nous exposerons brièvement la pensée de Krishnamurti dans cet article et indiquerons pourquoi, à notre sens, cette pensée, quoique qu'emprunte d'une très profonde humanité, nous paraît manquer de perspective. Nous comparerons la pensée spirituelle de Krishnamurti avec la pensée spirituelle monothéiste afin de dégager quels sont pour nous les manques de ce type de pensée. Nous tenterons enfin d'expliquer ces manques par les positions de Krishnamurti lui-même.

La pensée analytique

Le conflit

La pensée de Krishnamurti prend comme point de départ le mode conflictuel dans lequel la plupart des personnes vivent. Il pointe du doigt plusieurs choses :

  • que les conflits sont générateurs de souffrance,
  • que les les conflits extérieurs sont l'illustration des conflits intérieurs.

Dans le positionnement de la souffrance au cœur de l'aventure humaine, Krishnamurti n'est pas sans rappeler le constat du Bouddha. Néanmoins, Krishnamurti insiste plus sur l'état de conflit que sur sa conséquence l'état de souffrance. Dans de longues discussions soit face à un public, soit face à un interlocuteur donné, Krishnamurti développe une explication plus poussée de cet état de conflit.

Le conflit pour lui résulte du besoin de sécurité de chaque personne. Il indique que chaque personne possède un certain besoin de sécurité physique qui peut être comblé sans que le conflit ne naisse obligatoirement entre les personnes. Il s'agit d'avoir un toît, à manger et de quoi se vêtir. En revanche, le besoin de sécurité psychologique est lui tout à fait destructeur dans la mesure où l'esprit n'est jamais en état de paix mais en état de conflit.

Il s'ensuit le paradoxe suivant : l'esprit étant en perpétuel conflit, il souhaite construire une sécurité matérielle, "extérieure", en ne réalisant pas qu'il faudrait construire de sécurité "intérieure". De ce fait, toute construction de sécurité extérieure ne peut mener à la paix intérieure tant que l'esprit nage dans ses propres conflits. De la résulte, pour Krishnamurti, l'état de conflits extérieur du monde.

Un esprit divisé

Le monde, comme l'esprit, est selon Krishnamurti divisé, et cette division implique le conflit. L'esprit est divisé pour plusieurs raisons, et nous touchons là à un des fondamentaux de la pensée hindoue. L'esprit est divisé quand il n'est pas en repos. L'activité de la pensée est une activité analytique qui divise les choses au lieu de les rassembler. L'activité de la pensée est une activité qui ne voit pas les choses dans leur totalité. A l'instar de beaucoup de penseurs ou religieux indiens, Krishnamurti pointe l'activité de la pensée comme une activité qui fonde la possibilité des conflits.

L'observateur et l'observé

La première division fondamentale qu'opère la pensée en nous est de nous diviser entre observateur et observé. Lorsque nous parlons de nous-mêmes, nous parlons de l'observé, de nous-mêmes, en tant qu'observé, observé par nous-mêmes, en tant qu'observateur. Lorsque nous jugeons que nous faisons bien ou mal telle ou telle chose, que nous voudrions faire autrement un certain nombre de choses, que nous sommes performants, modestes, râleurs, feignants, que cet état est considéré comme bien ou comme mal, l'observateur intérieur juge l'observé intérieur en le critiquant.

Cette dichotomie fondamentale est, en Occident, celle dite de la "conscience". Si j'ai conscience de moi, alors je peux opérer légitimement cette séparation entre le "je" qui juge et le "je" qui est jugé. C'est cette légitimité qui est contestée par Krishnamurti. En effet, selon lui, l'observateur et l'observé ne font qu'un et maintenir cette division ne fait que provoquer des conflits intérieurs, conflits entre observateur et observé. Ces conflits s'illustrent immanquablement à l'extérieur de soi-même, en raison du fait que le conflit intérieur ne peut être résolu. L'esprit trouve donc des échappatoires soit en projetant le conflit non résolu à l'extérieur, soit en compensant par une volonté d'ordre disproportionné, volonté qui engendre inévitablement le conflit.

La mesure

L'esprit analytique est divisé et l'observateur estime et juge l'observé, rendant l'homme structurellement schizophrène. Cet esprit aborde le monde de la même façon au travers d'une pensée analytique qui mesure les choses. Si Krishnamurti n'a jamais contesté que les choses matérielles puissent être mesurées, il conteste le fait que les choses relatives aux hommes le puisse. Selon lui, le conditionnement est le lieu de toutes ces mesures diverses et variées, mesures que nous avons héritées de notre passé, de notre éducation, de notre lieu de vie, de notre culture. Au travers de tous ces acquis, nous avons construit en nous des référentiels mesurables qui sont la base de nos jugements.

Krishnamurti insiste sur le fait que la mesure et la comparaison soit à la fois une activité de la pensée et aussi une illustration de notre conditionnement. Au sein même d'une mesure qui juge et mesure, compare, il n'est pas de possibilité d'être libre, de voir la réalité des choses telles qu'elles sont.

Une clairvoyance exceptionnelle

Il est à noter que la profondeur de la pensée de Krishnamurti n'est pas feinte et que nombre de ses exposés sont d'une profondeur rare étant donné qu'il utilise toujours des mots et un vocable des plus simples. Nous dirons qu'il faudrait sans doute que plus de philosophes actuels aient étudié ne serait-ce que les prémisses de la pensée de Krishnamurti afin de tempérer quelque peu la déification assez occidentale de la pensée analytique[1]. Mais si la pensée de Krishnamurti n'est au final que très peu étudiée, du moins en France, c'est probablement parce que ses conséquences sont inacceptables à notre conscient collectif, comme nous allons le voir.

Contre toute autorité

Une position ambiguë

Fort de ce constat, Krishnamurti indique que beaucoup de religions, de gurus, d'hommes politiques, de soit-disant saints, de professeurs, en gros d'autorités ont instrumenté notre besoin d'être libres, de nous libérer des rets de nos conditionnements, que tous ces maîtres et gourous nous ont dit de les suivre, mais qu'aucun d'entre eux ne pouvait nous aider dès lors qu'un lien d'autorité s'établissait entre le maître et l'élève.

Cette question met clairement Krishnamurti dans une situation doublement délicate :

  • Krishnamurti était lui-même considéré comme un "maître" pour beaucoup de personnes ;
  • le lien d'autorité en question est la source d'une grande littérature dans les sphères religieuses et spirituelles et cette position fut un peu vite assimilée à du réductionnisme.

Krishnamurti, le maître ?

Nous allons évacuer brièvement ce reproche facile qui est fait lorsque certaines personnes veulent partager un certain savoir qu'elles ont eu suite à des expériences personnelles que peu de gens ont eu. Lorsque les gens s'expriment un savoir qu'ils pensent "vrai" et qu'ils veulent l'exposer à d'autres personnes, la position de défense commune est de les attaquer pour prosélytisme, ou de les accuser de prêcher pour leur propre compte. Cette attitude est si répandue en France que tout prosélytisme est souvent considéré comme une agression.

"Krishnamurti, le gourou contre les gourous" est un dossier facile à défendre, du moins du point de vue médiatique, que ce dernier ait ou non eu des "disciples" comme il en fut de tous les grands maîtres spirituels. En s'exposant ainsi sur la place publique, en donnant d'innombrables conférences tout autour du monde, Krishnamurti était dans la position de l'autorité, du moins au travers de la relation que d'aucuns avaient avec lui (ou avec son image).

Cependant, même si Krishnamurti ne s'est jamais comporté en gourou au sens strict du terme, il sera intéressant que nous nous posions la question du choix de s'exhiber, notamment auprès de personnes dont on pourrait juger qu'elles étaient peu sensibles à mettre en pratique tout ou partie de son discours, au risque parfois de le faire passer pour un amusement mondain. Nous reviendrons sur ce point en laissant pour le moment Krishnamurti attaquer légitimement la notion d'autorité et en tenant pour acquis que jamais lui ne voulut imposer entre sa personne et ses auditeurs une quelconque relation d'autorité.

Le rapport à l'autorité

Krishnamurti questionne la relation d'autorité en matière de spiritualité. En effet, il demande : "pourquoi allons-nous vers les gourous ? pourquoi avons-nous besoin des gourous ?" La réponse est que nous cherchons auprès de diverses autorités des réponses à nos questions. Or, ces réponses ne nous sont jamais vraiment données par les gourous. Alors nous prenons une autre voie et ainsi de suite. Pour Krishnamurti, la relation d'autorité elle-même est viciée par la notion de récompense. Cette relation est un échange : je vous obéis et ainsi vous allez m'enseigner comment atteindre Dieu. Si la relation tourne au jeu de la punition et de la récompense, elle ne peut être fertile "spirituellement" (à supposer que nous entendions tous la même chose derrière ce mot).

Krishnamurti montre donc que, s'il faut refuser toute autorité spirituelle, et donc tout gourou, il ne faut pas néanmoins ne pas s'intéresser au pourquoi de cette attirance. Ce pourquoi, c'est la volonté de devenir.

Le temps

Le devenir

Nous voulons progresser. Nous voulons apprendre. Nous voulons nous juger meilleurs aujourd'hui qu'hier, plus savants, plus intelligents, plus cultivés, plus sages, etc. Nous pouvons vouloir plus de possessions matérielles, plus d'enfants, plus d'argent, plus de pouvoir, etc. Dans cette projection que chaque homme fait dans le futur, Krishnamurti voit une volonté de devenir. Je suis une chose et je voudrais en être une autre.

Nous revenons à la pensée divisée. La pensée qui sépare l'être au présent en observateur et observé se projette dans le futur en un être qui n'est pas, mais qui devrait être. La volonté de devenir, c'est la volonté que soit ce qui n'est pas. C'est donc une volonté de changer ce qui est par ce qui devrait être. Or, dans cette volonté, réside à la fois un espoir, mais aussi une souffrance. De plus, la pensée qui se juge dans le présent se juge aussi dans le futur, et par conséquent juge de ses "progrès" par rapport au passé.

Krishnamurti insiste sur le fait que ce devenir n'ait aucune existence légitime, qu'il ne soit qu'une projection de notre pensée, projection qui nous masque ce qui est et nous présente, sous la forme de ce qui "serait", ce qui de fait pour nous voudrait être. Ainsi, cette dichotomie entre ce qui est et ce qui devrait être est la source de deux phénomènes importants :

  • elle est une des sources de conflits dans la société, dans la mesure où des personnes différentes envisagent différemment ce qui devrait être et par conséquent entrent en conflit ;
  • elle crée l'impossibilité de voir ce qui est, et donc de voir la réalité présente.

Le temps, une création de la pensée

Pour Krishnamurti, le temps (psychologiquement perçu) est une création de la pensée, dans la mesure où si la pensée s'arrête, il n'y a plus de temps. Lorsque l'on parvient à arrêter de penser, alors le "temps" disparaît et seul reste le présent de ce qui est. Il est donc nécessaire de savoir comment le temps peut se "suspendre". En ce sens, Krishnamurti est un digne héritier des préoccupations méditatives de l'hindouisme puis du bouddhisme.

C'est au travers de l'attention à ce qui est, intérieurement d'une part, et extérieurement d'autre part, que Krishnamurti envisage la "fin" du temps, au travers de la méditation.

Mourir au passé et fin de la thésaurisation de la pensée

Pour ne plus être attaché au temps, il est nécessaire de mourir au passé, de mourir à chaque seconde qui vient de s'écouler pour être dans le présent, éternellement. Pour cela, il est nécessaire que la pensée ne thésaurise plus, n'accumule plus, ne ploie plus sous le poids des savoirs livresques et intellectuels. Il faut donc se débarrasser des acquis, s'alléger, oublier.

Cette fin de la thésaurisation implique aussi une fin de l'accumulation des expériences et des leçons des expériences. Dans le présent, les choses sont éternellement neuves, éternellement changeantes, surprenantes et ce n'est qu'un artifice de notre pensée qui nous fait prendre toutes ces choses pour des choses déjà vues. De fait, elles sont pour Krishnamurti certes déjà classifiées mais elles ne sont pas pour autant répétitives. Il faut donc les connaître dans la vérité de l'instant et non les comparer avec une image intellectuelle archétypale. Une fois qu'elles sont connues, elles meurent comme faisant partie du passé, laissant la place à l'infinie nouveauté du présent, que dans un certain sens, il est convenu d'appeler Dieu.

Krishnamurti, le prophète sans dieu et sans disciple

Un renouveau du Jnana-Yoga ?

Au sein des diverses écoles philosophiques hindoues, Krishnamurti semble se rapprocher du Jnana-Yoga, le yoga de la connaissance, yoga qui peut à la fois s'expliquer assez aisément par la parole et en même temps être totalement impraticable pour la plupart des personnes. Certains hindous ont même été jusqu'à dire que la formation actuelle de l'homme moderne bloquait le chemin du Jnana-Yoga à la plupart des aspirants.

Un prophète sans disciple

Krishnamurti a beaucoup parlé, beaucoup discuté et aussi beaucoup écrit. En un sens, ce sont les médias modernes les transmetteurs de sa pensée. Ses livres se trouvent facilement. Cependant, on ne peut pas dire de lui qu'il laisse un héritage, comme purent le laisser avant lui des sages hindous.

La première raison en est que Krishnamurti ne se pensait pas comme un maître, d'où le fait qu'il n'ait pas de disciples. Refusant la relation d'autorité sur laquelle se basait selon lui systématiquement les relations de maître à disciple, il ne pouvait avoir d'héritier "spirituel".

Krishnamurti était un prophète de la liberté, faisant tout son possible pour expliquer par des mots simples des réalités d'une très grande complexité (encore que le mot même de complexité laisse suggérer à tort que l'intellect ait quelque chose à voir dans la "compréhension" de ces vérités). Sa vie durant, il refusa tous les conditionnements, non pour les réduire à néant et s'inscrire stérilement en faux contre eux, mais en les reconnaissant pour mieux les connaître et maîtriser consciemment les automatismes qui en découlent.

Un prophète sans dieu

Cette formulation est volontairement un peu provocante, car Krishnamurti n'a jamais rien dit de précis concernant sa relation à Dieu, même s'il a énormément parlé de l'homme religieux véritable, un homme qui n'est pas dans une relation d'autorité avec le dogme. En le lisant entre les lignes, nombreuses sont les fois où Krishnamurti parle de la réalité comme de Dieu, de la méditation comme de "l'union en Dieu". Pourtant, beaucoup de ses lecteurs le croient encore athée, mais quel athée s'interrogerait sur l'homme religieux ?

Si la question lui avait été posé, il aurait sans doute répondu par une autre question concernant la division entre athéisme et religion, division qui n'a pas de sens réel dans l'hindouisme où les jaïnistes athées sont aussi considérés comme des hindous, tout comme des monothéistes et des polythéistes. Pour prendre exemple sur l'Inde, il n'est donc pas certain qu'un homme qui ne parle pas de Dieu stricto sensu ne soit pas un homme religieux.

Dans la démarche spirituelle de Krishnamurti, on trouve cette aspiration à la Vérité, à la Liberté, à la Réalité qui sont trois des attributs divins des grandes religions monothéistes.

La méthode Krishnamurti

Le prosélytisme de la liberté

En matière de spiritualité, peut-être encore plus que dans d'autres matières, l'enseignement doit être fait avec quelques précautions. Parce que cet enseignement n'est pas qu'un jeu de savoirs intellectuels que l'on peut apprendre sans comprendre, parce que le chemin spirituel est complexe et personnel et souvent imprévisible, il est toujours ambigu de faire du prosélytisme.

Pour un monothéiste fervent, faire du prosélytisme peut vouloir dire en première instance tenter de faire des émules, pour partager avec les gens une foi qui brille en soi. Pour un homme religieux, il peut être inutile de faire du prosélytisme car il faut éduquer ceux qui le demandent mais il ne sert à rien de s'affronter au refus des cœurs clos. Si ces cœurs sont clos à Dieu, c'est que Dieu l'a voulu et aucun homme ne pourra le changer.

Krishnamurti s'est donc lancé dans un prosélytisme sur la liberté, notamment en Occident, là où au final ce discours était en complète contradiction avec les traditions philosophiques et religieuses des pays visités. Il suffit d'entendre Krishnamurti discuter avec des français, des américains, des suisses, etc. pour réaliser à quel point ses discours étaient souvent mal compris. Moins qu'ailleurs, l'Occident a l'habitude de la liberté, même si ses régimes politiques vantent les mérites d'une liberté représentative illusoire. Pour qu'une société organisée soit performante, il ne faut pas qu'elle soit libre, cela va de soi.

Un ésotérisme au grand jour mais toujours aussi caché

Pourquoi donc prêcher dans des endroits de ce genre, devant des salles combles venant voir le sage indien comme on assiste à une distraction mondaine ? Pourquoi devenir le jouet mondain de gens à qui la vérité n'est pas plus qu'une ribambelle de paroles inertes et soporifiques ?

Krishnamurti aurait probablement dit que la quantité ne fait pas la qualité mais qu'au sein de ces grandes assemblées quelques personnes avaient été touchées et que seul ce fait comptait.

Au sein de ses séries de conférences, Krishnamurti abordait des sujets très complexes et des raisonnements poussés à leur paroxysme. Malgré une diction lente et une explication très claire, nombre de ses paroles restaient étrangères au plus grand nombre. En effet, dans le savoir prodigué au sein de ses conférences, savoir qui requiert une expérimentation personnelle pour saisir de manière non intellectuelle les vérités énoncées, on trouve nombre de perles ésotériques des grandes religions monothéistes (incluant l'hindouisme évidemment). Mais, malgré le rythme et les explications autour des mots, les vérités pourtant exposées au grand jour, restaient souvent closes et inintelligibles.

C'est ce côté qui est au final le plus intriguant chez Krishnamurti en ce sens que la plupart des sages savent qu'il est inutile de prodiguer un savoir ésotérique à ceux qui n'y sont pas préparés, et que même en suivant six conférences de Krishnamurti en une semaine, le temps est trop court pour que ce savoir ne s'enracine profondément.

Nous sommes assez perplexes devant ce choix de vie de Krishnamurti qui requiert une abnégation sans précédent, digne des grands prédicateurs. Prêcher la liberté à Babylone, voilà bien une tâche de prophète !

Krishnamurti dans une perspective monothéiste

Le problème de la transmission de la vérité

La nouveauté de Krishnamurti a été de se passer de la notion de référence explicite à Dieu, mais plutôt de parler des qualités réelles de l'homme religieux, comparé à celui qui faisait semblant d'en être un, ne serait-ce qu'au travers d'un respect du dogme religieux, respect qui joue le rôle de preuve de sérieux. Cette posture de recherche de la vérité malgré les apparences est commune à toutes les démarches spirituelles au sein des religions monothéistes, au point même que ces démarches ont souvent été condamnées par les dogmes officiels[2].

Cependant, plusieurs choses semblent manquer ou paraître étranges dans l'enseignement de Krishnamurti.

La première chose que nous pouvons dire est qu'il ne paraît pas possible de digérer en une seule fois une série de six conférences faites à la suite ; a contrario, il paraît très plausible que, sous l'amas de connaissances ainsi véhiculé, les confusions et les erreurs de compréhension soient innombrables chez les auditeurs.

De plus, tous les hommes religieux savent qu'il faut du temps pour assimiler des vérités spirituelles, et souvent un temps conséquent, car la compréhension des choses spirituelles est comme l'infusion d'un sachet de thé : elle est progressive et par phases. Ainsi, la même vérité peut apparaître à des niveaux différents à chaque étape du chemin spirituel. En ce sens, une vérité spirituelle n'est jamais définitive, elles est toujours relative à ce que nous pouvons capter de son essence.

Il paraît peu probable que Krishnamurti ne l'ait pas compris, et pourtant ses conférences sont souvent beaucoup trop "denses", trop courtes. De surcroît, ses conférences ne possèdent pas de point de relais locaux au travers de personnes qui pourraient accompagner celui ou celle qui recherche la liberté. Il y a donc manifestement une frustration potentielle terrible pour les gens qui écoutent le "maître", car n'étant pas un maître, il ne peut les guider


  • La relation maître élève n'a pas forcément à instaurer une relation d'autorité au sens caricatural du terme ; cette relation est par exemple dans le soufisme une relation d'amour, et non de pure autorité.

Le manque de verticalité

Le plus étrange dans l'enseignement de Krishnamurti est le manque de "verticalité" de certaines analyses, comme si, oubliant que l'abord de la vérité est un chemin dans lequel on lève des voiles, un chemin progressif plein d'embuches de l'ego

Un chemin sans ego

Notes

  1. Il faut comprendre que la pensée de Krishnamurti est à l'inverse de la pensée d'un Edgar Morin par exemple, dans la mesure ou Morin part d'une pensée hyper-analytique et rêve de la réconcilier dans une pensée "complexe" alors que Krishnamurti ne veut pas partir du tout vers une pensée analytique.
  2. La spiritualité chrétienne a été longtemps condamnée par le Vatican tout comme les courants soufis ont été persécutés par les autorités orthodoxes sunnites et chiites.