Rubayat, par Omar Khayyâm, quatrains CXXXI à CXL
Un article de Caverne des 1001 nuits.
CXXXI
Cette buée autour de cette rose, est-ce une volute de son parfum
Ou le fragile rempart que la brume lui a laissé ?
Ta chevelure sur ton visage, est-ce encore de la nuit que ton regard va dissiper ?
Réveille-toi, bien-aimée ! Le soleil dore nos coupes. Buvons !
CXXXII
Prends la résolution de ne plus contempler le ciel.
Entoure-toi de belles jeunes filles et caresse-les. Tu hésites?
Tu as encore envie de supplier Allah ? Avant toi, des hommes ont prononcé de ferventes prières.
Ils sont partis, et tu ignores si Allah les a entendus.
CXXXIII
L'aurore! Bonheur et pureté !
Un immense rubis scintille dans chaque coupe.
Prends ces deux branches de santal.
Transforme celle-ci en luth, et embrase l'autre pour qu'elle nous parfume.
CXXXIV
Las d'interroger vainement les hommes et les livres, j'ai voulu questionner l'urne.
J'ai posé mes lèvres sur ses lèvres, et j'ai murmuré: "Quand je serai mort, où irai-je ?"
Elle m'a répondu: "Bois à ma bouche. Bois longtemps.
Tu ne reviendras jamais ici-bas."
CXXXV
Si tu es ivre, Khayyâm, sois heureux.
Si tu contemples ta bien-aimée aux joues de rose, sois heureux.
Si tu rêves que tu n'existes plus, sois heureux,
Puisque la mort est le néant.
CXXXVI
Je traversais l'atelier désert d'un potier.
Il y avait au moins deux mille urnes, qui parlaient tout bas.
Soudain, l'une d'elles cria :
"Silence! Permettez à ce passant d'évoquer les potiers et les acheteurs que nous étions..."
CXXXVII
Vous dites que le vin est le seul baume ?
Apportez-moi tout le vin de l'univers !
Mon cœur a tant de blessures...
Tout le vin de l'univers, et que mon cœur garde ses blessures !
CXXXVIII
Quelle âme légère, celle du vin !
Potiers, pour cette âme légère, faites aux urnes des parois bien lisses !
Ciseleurs de coupes, arrondissez-les avec amour,
Afin que cette âme voluptueuse puisse doucement se caresser à de l'azur !
CXXXIX
Ignorant qui te crois savant, je te regarde suffoquer entre l'infini du passé et l'infini de l'avenir.
Tu voudrais planter une borne entre ces deux infinis et t'y jucher...
Va plutôt t'asseoir sous un arbre,
Près d'un flacon de vin qui te fera oublier ton impuissance.
CXL
Une autre aurore !
Comme chaque matin, je découvre la splendeur du monde et je m'afflige de ne pouvoir remercier son créateur.
Mais, tant de roses me consolent, tant de lèvres s'offrent aux miennes !
Laisse ton luth, ma bien-aimée, puisque les oiseaux se mettent à chanter.
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