Le vin et la coupe, par Rûmî
Un article de Caverne des 1001 nuits.
Il faut une passion, un désir ardent pour distinguer le vin de la coupe. De même, un homme affamé depuis dix jours et un homme rassasié qui a mangé chaque jour cinq fois, regardent tous deux du pain. Pour l'homme rassasié, il est forme, et pour l'homme affamé, il est vie. Ce pain est semblable à la coupe et sa saveur est comme celle du vin ; on ne peut voir ce vin sans appétit, sans désir ardent. Acquiert donc l'appétit et le désir, afin de ne pas t'attacher à la forme et de voir partout, dans créatures et l'espace, le Bien-Aimé. La forme des créatures est comme la coupe. Quand la coupe est brisée, ne vois-tu pas ces décorations disparaitre ? L'effet est dans le vin qui remplit la coupe des corps, et celui qui boit le vin voit que «les bonnes actions restent».
Le demandeur a besoin de se figurer deux conditions. D'abord qu'il s'avoue : « Je me trompe. En dehors de ce que je dis, il y a d'autres choses. » Ensuite qu'il pense : « Il y a une autre parole et une autre sagesse, meilleures et supérieures, que je ne connais pas ». Donc, nous savons que « la question est la moitié de la science ».
Chacun se tourne vers quelqu'un, or le Bien-Aimé de tous est Dieu, et on vit dans cette espérance. Il faut quelqu'un qui sache discerner quel est entre tous le plus digne, quel est celui qui a reçu la marque du Roi de sorte qu'il parle du Dieu unique et qu'il croit en lui.
Celui qui est noyé est comme l'eau : l'eau a un pouvoir sur lui, et lui n'a pas de pouvoir sur elle. Le nageur et le noyé sont tous les deux dans l'eau. Mais l'un est emporté par l'eau, tandis que l'autre, libre de ses mouvements, impose sa propre force à l'eau. Toute action que fait le noyé, - qu'elle soit mouvement ou parole - ne provient pas de lui mais de l'eau. Il n'est qu'un moyen : de même que, lorsque tu entends des paroles sortir des murs, tu sais qu'elles ne proviennent pas du mue mais de quelqu'un d'autre. Ainsi sont les awlya (saints) : avant de mourir, ils sont déjà morts, ils sont comme les portes et les murs ; pas un atome d'existence ne demeure en eux. Ils sont dans la main de la Toute-Puissance tel un bouclier. Le mouvement du bouclier lui vient d'en dehors ; c'est là le sens de « Ana'l Haqq ». Le bouclier dit : « Je ne suis pas là », le mouvement provient de la main de Dieu. Considérez ce bouclier comme la Vérité, ne luttez pas, car ceux qui frappent ce bouclier, en réalité luttent contre Dieu et se heurtent à Lui. Tu as entendu ce qui leur est arrivé, depuis Adam jusqu'à ce jour : depuis Pharaon, Shaddâd, Nemrod, les gens de Hâdd et Lot, et Thamûd, et mille autre. Un tel bouclier est présent jusqu'au jour du Jugement, âge après âge. Certains ont l'apparence de prophètes, d'autres ont celle d'{awlya} afin que les purs se distinguent des méchants et les ennemis des fidèles. Chaque {walî}est une preuve pour les hommes ; et le degré et la dignité des gens dépendent du lien qui les attache au {walî}. S'ils se montrent hostiles à son égard, c'est contre Dieu qu'ils s'insurgent, s'ils lui témoignent de l'amitié, c'est à Dieu qu'ils se soumettent, car « celui qui le voit M'a vu, celui qui s'attaque à lui s'attaque à Moi ».
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