Apologie de Jean-Pierre Barnard
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[modifier] Introduction
L'histoire semble avoir oublié le talent littéraire immense de Jean-Pierre Barnard. En effet, qui connaît aujourd'hui Jean-Pierre Barnard et ses concepts ? Qui se réclame de sa descendance ? Qui a hérité de cette vision à la fois drôle et authentique des travers de la vie littéraire parisienne ?
Pour réparer cette injustice, votre serviteur a écrit cette apologie visant à restaurer une réputation si vite défaite par les injustices de la postérité.
[modifier] Biographie succincte
Né à Avalon le 29 février 1940, Jean-Pierre Barnard n'a cessé d'irradier de sa présence et de son influence la vie littéraire française. Très jeune, Jean-Pierre Barnard a l'intention d'écrire et il se vit comme un écrivain avant même d'avoir écrit un seul mot. Cette prédisposition stupéfiante et précoce à la littérature le place dans les génies français d'emblée, tant le culte qu'il a des mots est à la hauteur de sa passion de les utiliser.
Pour des raisons personnelles, Jean-Pierre Barnard quitte Avalon avec sa famille pour aller s'installer, après la guerre, à Maubeuge où il stupéfie ses professeurs par des procédés littéraires révolutionnaires, notamment en y inventant ce qu'on l'on nommera plus tard la page blanche. Arrivé au lycée, il est premier prix de poésie en écrivant un poème ultime sur lequel nous reviendrons.
Il migre vers Paris pour y faire des études et entre à la faculté de la Sorbonne où, bien que suivant les cours des plus grands professeurs, il ne laisse jamais son enthousiasme créateur se faner au contact des grands dogmes littéraires poussiéreux qui font le quotidien de la littérature française de l'époque. En parallèle, sa rencontre avec Jeanne François, éditrice, bouleversera sa vie, tant du point de vue personnel que du point de vue littéraire. Elle deviendra sa muse et inspirera quelques unes de ses plus grandes bouffées littéraires.
Durant près de quarante ans, Jean-Pierre Barnard est comptable à la Banque Internationale du Luxembourg pour gagner sa vie, mais il ne manque jamais de participer à tous les dîners mondains du petit monde littéraire de la Rive Gauche, dîners dans lesquels sa verve foisonnante et poétique n'aura d'égal que la puissance de ses visions sur la littérature.
Jean-Pierre Barnard meurt à Paris le 12 janvier 2005 dans un anonymat complet que cette apologie vise à corriger.
[modifier] Jean-Pierre Barnard, l'inventeur de la page blanche
Jean-Pierre Barnard est, et ce fait est trop peu connu, l'inventeur de la page blanche. En effet, au bout d'une longue période de désarrois intérieurs multiples devant une page blanche, Jean-Pierre Barnard consacre cette page blanche comme une œuvre, comme son œuvre, comme sa façon personnelle et définitive de s'exprimer.
A dix-huit ans, Jean-Pierre Barnard révolutionne le monde littéraire français et mondial en résolvant une bonne fois pour toutes cette hantise de tout écrivain. Au lieu de regarder une page blanche, l'écrivain fera face à la page blanche de Jean-Pierre Barnard, une page signifiante qui lui donnera courage et motivation. Jean-Pierre Barnard exulte dans le summum de cette puissante créatrice. Jamais plus la littérature ne sera comme avant. Jean-Pierre Barnard a autorisé l'écrivain à copier son œuvre majeure, ainsi qu'à la souiller d'écritures diverses et de divers mots et dessins.
Comme toutes les grandes inventions, la naissance de cette invention est une histoire en elle-même. Appelé à composer des vers pour une concours de poésie, Jean-Pierre Barnard rend page blanche, ce qui fait d'une pierre deux coups :
- rendre une copie qui est le premier exemplaire de la page blanche de Jean-Pierre Barnard[1],
- écrire une poésie ultime qui est en même temps la trame absolue d'écriture de toutes poésies du monde.
Un débat se crée entre les professeurs dont certains voudraient honteusement noter zéro la création de Jean-Pierre Barnard. Mais le professeur de poésie, plus sensible que les autres, entrevoit l'immensité de la création de Jean-Pierre Barnard et lui met un 20/20. Bien entendu, en faisant cet acte, nous sommes devant un des plus grands paradoxes de l'histoire mondiale de la littérature : le professeur qui reconnaît le talent incommensurable de Jean-Pierre Barnard est celui qui détruit sa toute première œuvre en écrivant la note sur la copie vierge ! Autre époque, autres mœurs. L'art est ainsi fait, avec ses succès et ses déchirures.
En un sens, le concept de la page blanche inventé par Jean-Pierre Barnard est un concept "méta" dans la mesure où Jean-Pierre Barnard apparaît comme le créateur de la matrice de tous les écrits de la littérature mondiale, que ces derniers soient de la littérature ou pas, qu'ils soient du roman, de la poésie ou même de la philosophie. Quand Barnard chante la page blanche, la littérature naît de ses potentiels chemins, la littérature se concrétise, s'incarne au sein de la page blanche de Jean-Pierre Barnard, cette page qui semble avertir que les mots ne se gravent que sur l'oeuvre de Jean-Pierre Barnard et sur rien d'autre. Quelle stupéfiante façon de mettre en exergue la vanité potentielle de toute littérature, sa contingence et ses aspects conjoncturels...
[modifier] L'inventeur de l'intention d'écrire
Jean-Pierre Barnard est aussi l'inventeur de l'intention d'écrire. Il découvrira cette invention quelques années après avoir inventé la page blanche, lorsqu'il tentera, dans un accès d'empathie formidable, de se mettre à la place d'un écrivain bafouant la virginité de la page blanche de Jean-Pierre Barnard. Il ressentira alors cette intention d'écrire, diffuse en lui depuis si longtemps, cette matrice de la pulsion créatrice de tout écrivain. Formalisant le concept, épurant cette intention jusqu'à la faire devenir générique, Jean-Pierre Barnard récupère de longs siècles de tradition littéraire pour les synthétiser de manière subtile en une intention d'écrire qu'il diffusera au monde entier, sans jamais réclamer de royalties.
En ce sens, il est quelque part l'inventeur des journaux intimes, des blogs, de la littérature, et même l'auteur de cette apologie est redevable à Jean-Pierre Barnard pour le fait de l'avoir laisser accéder gratuitement à cette intention d'écrire. Cette trouvaille tonitrue dans les jeunes années soixante et elle permettra cette explosion de liberté que fut mai 68. Sans Jean-Pierre Barnard, pas de mai 68, pas de littérature, pas de blogs, etc. Reconnaissons cette immense dette que nous avons tous envers Jean-Pierre Barnard et envers ses oeuvres libératrices.
[modifier] L'inventeur de l'intention d'être un écrivain
Peu de temps après l'invention de l'intention d'écrire, Jean-Pierre Barnard progresse dans son analyse conceptuelle en inventant son dernier grand concept : l'intention d'être un écrivain. La consternation est provoquée chez ceux qui, ne comprenant pas l'immense portée et la nouveauté radicale du concept, pensent, très naïvement il faut le dire, que cette intention existait avant Jean-Pierre Barnard. Quelle honte et quel manque de recul absolu.
Un front littéraire se dresse alors contre Jean-Pierre Barnard qui est traité d'imposteur. Son concept est si subtile et structurant qu'aucun écrivain ne peut admettre ce dû incroyable et pourtant obligatoire envers Jean-Pierre Barnard. Jean-Pierre Barnard se défend en publiant page blanche sur page blanche, mais ses arguments ne semblent pas écoutés. Comme tous les révolutionnaires de la littérature, il faudra attendre après sa mort pour que ses inventions agrègent une gloire posthume pourtant méritée de son vivant.
Jean-Pierre Barnard le vit assez mal et s'isole un temps dans le silence littéraire, voulant jeûner d'intentions d'écrire et d'intention d'être écrivain ainsi que jeûner de page blanche. Sa femme, Jeanne François, appelle au secours ses amis les plus proches pour empêcher ce lent suicide : pour un écrivain, jeûner de mots est une maladie très rapidement grave qu'il ne faut jamais sous-estimer. Mieux vaut encore parler ou écrire pour ne rien dire. Le mot qui circule, c'est le sang de l'écrivain. Pour Jean-Pierre Barnard, le sang qui circule est fait de pages blanches et d'intentions ; en jeûnant de ces trois choses, Jean-Pierre Barnard se suicidait aux sens littéral et littéraire du terme.
La presse, semblant avoir réalisé le danger, se tait progressivement sur le sujet. Mon interprétation est que ces gens de la presse avaient découvert soudain un des multiples sens de la page blanche de Jean-Pierre Barnard. Stupéfaits par la puissance du concept, ils découvraient qu'il était difficile de parler de la page blanche de Jean-Pierre Barnard sur une page blanche, car rapidement un jeu de miroirs vertigineux se créait. Or, les journalistes ne sont pas des gens courageux, nous le savons tous. Ils décidèrent donc de mettre fin à la polémique plutôt que de tenter d'expliquer, une nouvelle fois, à leurs lecteurs la subtilité de la controverse qui opposait Jean-Pierre Barnard et ses détracteurs.
[modifier] Conclusion
Jean-Pierre Barnard resta longtemps affecté par ce rejet de sa propre communauté. Encore aujourd'hui, les deux inventions de Jean-Pierre Barnard concernant les intentions sont mal acceptées par des écrivains prétentieux ou des gens pensant que l'intention d'écrire vient d'eux-mêmes, ce qui est d'une grotesque naïveté, avouons-le. Car on ne peut nier l'apport fantastique de l'oeuvre de Jean-Pierre Barnard, même si cette dernière peut être dérangeante pour certains egos trop étroits.
Jean-Pierre Barnard restera gravé dans nos mémoires et dans nos intentions, ses oeuvres continueront de peupler toutes les maisons et tous les coeurs des manipulateurs de mots. Car, nous ne devons pas oublier ce que nous devons à cet inventeur de génie, révolutionnaire et plein d'humour, à cet homme qui tout au long de sa vie, servit de tout son coeur la cause de la littérature mondiale, sans écrire une seule ligne.
[modifier] Notes
- ↑ Cet exemplaire est conservé précieusement au musée du Louvre.