Histoire V

Un article de Caverne des 1001 nuits.

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Version du 29 juillet 2007 à 16:33

En sortant de chez moi pour aller travailler, comme tous les matins, je croisai dans l'escalier mon voisin de palier dont l'activité principale est l'écriture. Tout en lui fleurait bon le quotidien, dans tout ce que ce terme peut avoir de contingent, hormis le léger détail suivant : il était à genoux devant sa machine à écrire dans l'escalier et il frappait les touches du clavier avec frénésie. Soucieux de sa santé mentale, je l'interrogeai sur ses desseins cachés.{{{2}}}
— Je n'y puis rien. Je me suis mis au travail ce matin mais, ma machine étant légère, elle a une fâcheuse tendance à partir sur le côté gauche lorsque j'écris. Considérant que je ne devais pas céder devant les choses - c'est une question de principe -, je la sommai de revenir sur la droite.
« Cependant la bougresse n'en fit qu'à sa tête et dégringola de ma table afin de m'entraîner subrepticement à l'autre bout de ma maison. Par le plus grand des hasards, la porte était restée ouverte et je me suis retrouvé dehors, là où vous me voyez. Ce qui énervant, c'est que j'aimerais cesser de taper sur ce clavier ...
Je remarquai qu'il n'y avait plus de papier dans la machine.
— ... cependant voyez-vous, je suis comme hypnotisé par la machine que j'ai pourtant utilisé maintes fois auparavant. Bref, je ne peux plus m'empêcher de taper sur ces satanées touches !
Je le regardai haineusement et claquai la porte de l'escalier derrière moi afin que ce dément se retrouvât rapidement dans le noir total de l'ascenseur.
Malgré tout, le soir, je retrouvai cet énergumène en pleine rue, exténué d'avoir tapé toute la journée devant sa machine voyageuse. Pris de pitié pour ce nabot, je pris sa machine et le col de sa veste avec lui dedans et jetai le tout dans sa maison avant d'en claquer la porte. Le soir, je m'endormis du sommeil du juste.
Je n'entendis parler de lui que bien après. Quand on eut retrouvé son corps. Lors de mon opération de sauvetage, j'avais en effet envoyé la machine clavier face contre terre et le pauvre ne put jamais de nouveau taper sur les touches. Le dessous bosselé indiquait la vanité de ses efforts.
Depuis, je ne ramasse plus les écrivains qui, agenouillés dans les rues, tapent frénétiquement sur leur clavier. Il en va de même des pianistes bien qu'un piano soit moins lourd qu'une machine à écrire.


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