La délivrance de l'erreur, par Al-Ghazâlî, troisième partie, chapitre I

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Sommaire

Troisième partie, chapitre I : La science de foi musulmane[1] (kalâm): son but et ses résultats

Je me suis donc mis, en premier lieu, à l’étude de la scolastique et j’en suis venu à bout. J’ai lu les traités de ses docteurs et j’en ai rédigé moi-même à ma guise. J’ai trouvé en elle une science qui convient à ses propres fins, mais non aux miennes. Son unique objet est de conserver la foi İslâm (sunnite)[2] et de la préserver contre la confusion des novateurs. Allah a transmis à ses serviteurs, par la voix de son Prophète (Muhammed alayhissalâm), la Varie foi concernant ce bas-monde comme l’Autre, conformément au Coran et aux “logia” (hadith)[3]. Le Démon vint ensuite introduire, dans les idées des novateurs, des hérésies contraires à la Tradition (sunna)[4]. Les novateurs, en les citant, faillirent troubler les croyants.

C’est alors qu’Allah suscita les Scolastiques et leur fit défendre la Tradition par un ensemble de discours bien ordonnés, révélateurs des hérésies fâcheusement novatrices. C’est là l’origine de la Scolastique et de ses docteurs.

Certains de ceux-ci ont honnêtement rempli leur tâche: ils ont protégé la tradition, repoussé les assauts contre la foi en la Prophétie, et lutté contre les innovations religieuses.

Mais ils se sont servi, pour cela, d’arguments empruntés à leurs adversaires, par esprit de concession: soit au consensus de la communauté musulmane, soit simplement à l’adhésion au Coran et aux “logia”. Leur raisonnement s’en tenait, le plus souvent, à révéler les contradictions de leurs adversaires et à leur reprocher les conclusion de leurs prémisses. Ce qui ne sert pas à grand’chose à celui qui ne concède rien d’autre que les données nécessaires.

Pour moi, la scolastique n’était pas suffisante sur mon cas. Elle ne pouvait me guérir. Il est vrai qu’au bout d’une longue pratique, ses docteurs voulurent tenter de défendre la Tradition, en scrutant les réalités profondes des choses. Ils ont entrepris des recherches sur les substances, les accidents et leurs lois. Mais, comme le but de leur science était ailleurs, ce qu’ils en ont dit est resté en deçà de son terme. Et le résultat n’a pas dissipé les obscures hésitations des controverses humaines.

Je ne nie pas que d’autres aient été plus heureux que moi, peut-être même toute une catégorie de personnes. Mais ce fut mêlé, pour eux, à l’aveugle admission de questions qui n’ont rien à voir avec les données premières.

Or mon but, maintenant, c’est d’exposer mon état d’âme, non de blâmer ceux qui cherchent un remède dans la science de foi. Les médecines varient avec les maux... Telles, qui font du bien à certains patients, nuisent aux autres malades...

Références

  1. Il s’agit du kalâm, déjà rencontré ici. La connaissance de la croyance.
  2. La croyance d’Ahl-i Sunna.
  3. Qui désigne un enseignement donné par Muhammad (alayhissalâm)
  4. La Sunna. Etymologiquement, le terme signifie “coutume”, “règle de conduite”, traditionnellement pratiqué, cf. Ihyâ’, vol. I, 173. Théologiquement, le mot désigne l’ensemble de croyances admises par les sunnites qui s’opposent ainsi aux shi‘ites. Pour les définitions de la Sunna, et “le parti de la communauté et de la sunna”.


Navigation
Pas de précédent - Suivant