Quarante-cinquième nuit

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Version du 26 août 2007 à 11:34 par 1001nuits (Discuter | Contributions)
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Le jour suivant, Dinarzade appela la sultane.

Ma chère sœur, lui dit-elle, je vous prie de nous raconter de quelle maniè-re le génie traita le prince.

— Je vais satisfaire votre curiosité, répondit Scheherazade.

Alors elle reprit de cette sorte l’histoire du second calender.

Le calender continuant de parler à Zobéide :

« Madame, dit-il, le génie m’ayant fait cette question, ne me donna pas le temps de lui répondre, et je ne l’aurais pu faire, tant sa présence affreuse m’avait mis hors de moi-même. Il me prit par le milieu du corps, me traîna hors de la chambre, et, s’élançant dans l’air, m’enleva jusqu’au ciel avec tant de force et de vitesse, que je m’aperçus plutôt que j’étais monté si haut que du chemin qu’il m’avait fait faire en peu de moments. Il fondit de même vers la terre, et l’ayant fait entr’ouvrir en frappant du pied, il s’y enfonça, et aussitôt je me trouvai dans le palais enchanté, devant la belle princesse de l’île d’Ébène. Mais, hélas ! quel spectacle ! je vis une chose qui me perça le cœur. Cette princesse était nue et tout en sang, étendue sur la terre, plus morte que vive, et les joues baignées de larmes.

« Perfide, lui dit le génie en me montrant à elle, n’est-ce pas là ton amant ? »

Elle jeta sur moi ses yeux languissants et ré-pondit tristement :

« Je ne le connais pas, jamais je ne l’ai vu qu’en ce moment.

— Quoi ! reprit le génie, il est cause que tu es dans l’état où te voilà si justement, et tu oses dire que tu ne le connais pas ?

— Si je ne le connais pas, repartit la princesse, voulez-vous que je fasse un mensonge qui soit cause de sa perte ?

— Eh bien, dit le génie en tirant un sabre et le présentant à la princesse, si tu ne l’as jamais vu, prends ce sabre et lui coupe la tête.

— Hélas ! dit la princesse, comment pourrais-je exécuter ce que vous exigez de moi ? Mes forces sont tellement épuisées que je ne saurais lever le bras, et quand je le pourrais, aurais-je le courage de donner la mort à une personne que je ne connais point, à un innocent ?

— Ce refus, dit alors le génie à la princesse, me fait connaître tout ton crime. »

Ensuite, se tournant de mon côté :

« Et toi, me dit-il, ne la connais-tu pas ? »

« J’aurais été le plus ingrat et le plus perfide de tous les hommes si je n’eusse pas eu pour la princesse la même fidélité qu’elle avait pour moi, qui étais la cause de son malheur. C’est pourquoi je répondis au génie :

« Comment la connaîtrais-je, moi qui ne l’ai jamais vue que cette seule fois ?

— Si cela est, reprit-il, prends donc ce sabre et coupe-lui la tête. C’est à ce prix que je te mettrai en liberté, et que je serai convaincu que tu ne l’as jamais vue qu’à présent, comme tu le dis.

— Très-volontiers, lui repartis-je. Je pris le sabre de sa main... »

Mais, sire, dit Scheherazade en s’interrompant en cet endroit, il est jour, et je ne dois point abuser de la patience de votre majesté.

— Voilà des événements merveilleux, dit le sultan en lui-même : nous verrons demain si le prince eut la cruauté d’obéir au génie.


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