Le pouvoir judiciaire des médias français

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Durant de nombreuses années, nous avons, sur ce site, décrit les névroses collectives qui habitaient la France, névroses liées à des idéologies persistantes et à un dénigrement structurel du pays par les élites françaises elles-mêmes. Si ces élites ne peuvent plus cacher la tourmente économique (et ses raisons sur lesquelles nous ne reviendrons pas dans cet article), d'autres dimensions du "problème français" s'avèrent particulièrement inquiétantes : la politique, la culture, les médias, la cohésion sociale sont en crise. Quand on a détruit toutes les valeurs, il semble normal de faire n'importe quoi et de se servir le premier sans aucune moralité.

Les médias occupent une place à part dans le dispositif mental totalitaire mis en place par nos élites intellectuelles et nous allons démontrer, dans cet article, que ces derniers sont devenus un nouveau pouvoir judiciaire anticonstitutionnel, doté de tous les éléments qui constituent la justice actuellement.

Sommaire

Des élites dans le culte des valeurs nuisibles

Le quarté gagnant

Il faut le dire, depuis maintenant plus de trente ans, et nous en avons longuement parlé sur ce site, les élites (intellectuelles, culturelles, politiques et médiatiques) se sont acharnées à changer le sens des mots, à faire glisser la sémantique et à lutter pour que des champs entiers de l'investigation intellectuelle deviennent "interdits par la loi ou interdits dans les esprits sans être interdits par la loi".

Nous allons, dans cet article, revenir à une sémantique plus rude, plus vraie et appeler un chat un chat. Il faut le dire, depuis trois décades, nos élites sont habitées par :

  • le mensonge structurel,
  • la détestation de la France,
  • l'incompétence et le manque de courage,
  • le déni public allié à une brutalité extrême mais cachée (puisque relayée par aucun média).

Le mensonge est la première dimension du problème français. La langue française permet l'emploi facile des périphrases, des circonlocutions, des minimisations et déformations de toutes sortes. Au fur et à mesure des années, les menteurs en chef ont même labellisé cette technique de mensonge par les mots : "les éléments de langage". Autrefois, nos élites auraient dit "la propagande" ayant à cœur, au moins d'assumer pour eux-mêmes qu'ils mentaient délibérément à ceux qui les écoutaient. Aujourd'hui, les élites voudraient nous faire croire qu'elles croient les mensonges qu'elles profèrent. Ainsi, des "éléments de langage" sont trouvés systématiquement pour habiller la réalité qui dérange et pour, en bref, mentir et cacher.

Incompétence et détestation de la France

Ce mensonge est lié à la détestation de la France et à la détestation du peuple français, quelques soient ses composantes. Nos élites restent dans leur tour d'ivoire et détestent ceux qui n'en font pas partie, qu'ils soient français de longue date ou d'adoption récente, qu'ils soient de toutes les couleurs. A quoi bon dire la vérité aux français, ils ne le méritent pas. Ils sont assez stupides pour être abreuvés année après année de mensonges éhontés, d'affaires montrant des politiques corrompus et indignes de parole et de confiance, de médias manipulateurs et haineux, de représentants culturels aseptisés et d'intellectuels belliqueux et sans morale.

Car, on pourrait se demander ce que cherche à masquer nos élites aujourd'hui. Nous pouvons faire un petit état des lieux rapide :

  • les élites politiques cherchent à masquer leur incompétence, ainsi que leur manque de courage à entamer des réformes ;
  • les élites médiatiques cherchent à masquer leur incompétence et leur ralliement stupide et court-termiste aux messages qui flattent le pouvoir et ses alliés ;
  • les élites culturelles cherchent à masquer leur incompétence et leur manque de créativité, de message et de défense de la francophonie ;
  • les élites intellectuelles cherchent à masquer leur incroyable décadence mentale et le fait que les pays en dehors de la France aient, eux, souvent une liberté d'expression fertile pour l'avancée de la conscience collective.

Et nos enfants ?

Chacune des élites agit comme si aucune génération ne devait jamais venir les remplacer, comme s'ils pouvaient mettre à sac le pays France et ses valeurs impunément et jusqu'à leur disparition du paysage. Héritiers du baby boom [1] et de la culpabilisation française suite à la Seconde Guerre Mondiale (alors que la France fut une victime de la guerre), ils n'ont de cesse que de ressasser le passé, attiser les rancœurs et les haines, diviser, et organiser le combat des français contre les français. Après avoir détruit les symboles de la culture française qui, qu'on le veuille ou non, est une culture fondamentalement chrétienne (et surtout catholique), après avoir cassé les principes moraux, après avoir intronisé au pouvoir moral des médias sous contrôle, les français se retrouvent hagards, dirigés par une caste d'idéologues se proclamant de gauche ou de droite mais étant des va-t-en-guerre incompétents paraissant travailler à chaque minute à la division française au travers d'un Etat dans le déni du point de vue public, et extrêmement violent dans les rétorsions cachées du grand public.

Des médias intronisés "juges du tribunal moral de la République"

La destruction des valeurs a trouvé, ces trente dernières années, un vecteur fantastique : les médias. L'idée même de les introniser "pouvoir moral" est une idée diabolique allant au delà des simples techniques de désinformation et de propagande vues dans les gouvernements dictatoriaux.

Les médias, nouveau vecteur de "justice morale"

En effet, il y a là quelque chose d'éminemment perverse que peu de gens ont vraiment relevé. La loi française est simple : ce qui n'est pas interdit est autorisé. Si des gens font des choses illicites, ils peuvent être traînés devant la justice et condamnés au regard des lois de la République. Or, l'utilisation par les élites des médias les a transformé non seulement en organe de désinformation et de support des mensonges et de la rhétorique du faux, mais surtout en juges improvisés de la légalité morale des propos des uns et des autres, sous-entendu au regard des critères défendus par le pouvoir en place. Il y a là une perversion d'une amplitude rarement égalée.

Les médias ont ainsi le pouvoir de monter en épingles n'importe quel imbécile et d'exclure n'importe quel homme ou femme de valeur qui sera immolé sur la place publique et dont la vie sociale pourra être compromise immédiatement : interdiction de médias, interdiction de publications, pressions sur l'employeur, etc. Quel crime aura commis cette personne ? Le plus souvent : dire la vérité ou exprimer une opinion gênante pour le pouvoir en place.

Il faut voir combien la situation s'est dégradée ces dernières années. Voilà dix ans, on pouvait regretter une certaine "pensée unique", mais il existait des courants de pensée plus underground qui de fait bénéficiaient d'espaces publics plus restreints.

Les médias équipés de tout l'arsenal judiciaire

Aujourd'hui, les talk shows modernes des chaînes de télévision françaises sont de véritables procès, la plupart du temps des procès à charge, des procès sur de nombreux médias en parallèle, et fait nouveau depuis quelques années, des procès à charge où la condamnation est faite par contumace, l'accusé n'étant pas invité (parce qu'il n'est pas digne qu'on lui adresse la parole, même s'il est digne de jugement) ! N'étant plus là, il est même possible à des heures de grandes écoutes de suggérer qu'il serait bon d'aller casser la figure à untel ou untel !

Il y a là une innovation sociologique française absolument stupéfiante ! Loin d'être encore dans la question de la liberté d'expression ou du respect de la loi française et de la constitution française, nos élites ont créé un nouveau tribunal :

  • à charge, car aucun avocat ne représente l'accusé (quand lui-même est encore présent) ;
  • pouvant condamner par contumace, contre la volonté de l'accusé de se défendre sur le plateau médiatique ;
  • antidémocratique, car les juges, procureurs et jurés ne font partie d'aucun cadre juridictionnel reconnu par la République ;
  • anticonstitutionnel et anti-judiciaire car les médias n'ont pas le pouvoir judiciaire que les élites leur octroie ;
  • capable de condamner pour "crime d'arrière-pensée", pour "intention de crime", pour "crime de non expression d'une position publique suite à une question binaire", pour "crime de non-solidarité", pour "crime de non-progressisme", etc. ;
  • capables de fabriquer des fausses preuves et d'affirmer de manière répétée des contre-vérités ;
  • capable de sanctionner l'accuser de différentes peines : "pressions sur l'employeur", "interdiction de médias", "interdiction de publications", "ruine personnelle", "mort sociale", "passage à tabac" (pourquoi pas bientôt "assassinat légitime" ?).

Les accusés sont bien entendu de toute sorte :

  • les opposants au régime, en tout premier lieu ;
  • les nations étrangères opposées aux volontés belliqueuses récentes de la France et leurs dirigeants (Lybie, Afrique, Syrie, etc.).

Quand le procès doit être mené, les journalistes ne reculent devant aucune manipulation et aucun mensonge soit direct, soit par omission. Les médias sont à l'image des élites qui les pilotent.

Médias judiciaires et économie administrée, un cocktail détonnant

Cette situation a un côté terriblement innovant car, même dans les pays anglo-saxons où les médias peuvent détruire des personnalités publiques, le besoin de concurrence parvient la plupart du temps à faire émerger des voies différentes. Le cas de la France est pathétique dans ce que la France étant une économie administrée, les médias (et la presse écrite parmi eux) sont subventionnés et donc ces médias peuvent être dressés à être ensemble ce nouveau pouvoir judiciaire voulu par nos élites en état de décrépitude avancée.

Les médias ont donc recréé avec délice un mécanisme de procès à charge particulièrement efficace[2] :

  • les médias peuvent se répondre les uns les autres et surenchérir sur la sentence (jusqu'à appeler sans honte au lynchage public) ;
  • les médias ont des tribunaux modernes où toute une caste d'invités va jouer l'accusation morale (talk show, journal télévisé, émission, relais sur des journaux Internet financés de la même façon) ;
  • étant donné le cumul du pouvoir judiciaire et du pouvoir médiatique, les médias n'ont pas d'opposition directe dans leur espace et il est très compliqué, même pour les titulaires légitimes du pouvoir judiciaire, de contester cette tendance sans être la victime de représailles.

Des élites qui demandent aux tribunaux médiatiques de juger

Le couronnement d'une telle situation se voit lorsque les ministres eux-mêmes passent par les canaux médiatiques pour demander des jugements qu'ils ne pourraient pas obtenir avec les institutions de la Vème République. Il y a là quelque chose d'atterrant, les élites elles-mêmes court-circuitant les canaux de la démocratie pour assouvir des objectifs personnels divers et variés.

Au sens strict du terme, lorsque les gouvernants ne respectent plus les pouvoirs en place mais en créent de nouveaux qu'ils investissent d'un nouveau pouvoir judiciaire hors du contrôle du peuple, il y a action anticonstitutionnel et violation du mandat électif donné par les élections. En effet, les votes présupposent que les élus respecteront la loi et n'iront pas créer une nouvelle entité judiciaire hors du contrpole du peuple. Stricto sensu, ce procédé est anti-démocratique et rend caduque le mandat dont sont investis une partie de nos élites.

La dictature d'opinion

Il y a donc bien une spécificité française dans l'utilisation judiciaire anticonstitutionnelle des médias par les élites politiques et intellectuelles. Si d'aucuns aimeraient remettre le débat des prochaines élections sur le terrain de la liberté d'expression, il est vraisemblable qu'il soit trop tard étant donné la confiance désormais stupéfiante des médias français dans la condamnation des personnalités hors norme, rebelles, libres penseurs, politiquement incorrectes ou même extrémistes.

Notons, au sujet des personnes ayant des prises de positions extrémistes, que la loi française condamne des expressions publiques de certains types d'extrémisme et qu'il n'est donc pas besoin de tribunaux "talk show/journal d'informations/émissions diverses" pour condamner illégitimement des gens qui, de part des positions illégales, peuvent entrer dans le circuit judiciaire classique.

La mise en place de ces procès récurrents commandés par des élites qui veulent cacher leurs mensonges et incompétences, impose une dictature d'opinion, beaucoup plus grave que la pensée unique d'il y a dix ans mais conséquence naturelle de cette tendance. L'objectif de ce genre de dictatures est toujours le même :

  • éroder le sens critique ;
  • conditionner l'auditoire pour qu'il ne réfléchisse plus par lui-même ;
  • créer des mécanismes mentaux d'auto-censure et de sujets tabous.

Prenons un exemple amusant. Un responsable syndical national parlait des chiffres du chômage voilà peu[3]. Expliquant que ceux-ci augmentent alors que le gouvernement prétend qu'ils baissent, ce dernier explique : "c'est le Président et il a pris un engagement ; il est normal que son entourage tente de montrer que son engagement est tenu". Etonnante assertion qui, si on enlève les "éléments de langage", revient à "il est normal que le Président mente".

Cette érosion du sens critique et le niveau pathétique des analyses journalistiques (niveau en chute libre depuis la grande crise de 2007) crée un engourdissement de la pensée française. Au bout de plusieurs années d'"éléments de langage", il devient impossible de séparer le bon grain de l'ivraie et tout mensonge peut paraître acceptable.

Une corruption mentale intégrant les grandes entreprises françaises

Il est nécessaire de sonner l'alarme dans le monde des entreprises aussi car, à force d'être influencées par les médias dominants et à force de bénéficier du statut d'économie administrée (donc de subventions), beaucoup de grandes entreprises se corrompent de l'intérieur sous le poids du politiquement correct et des "éléments de langage". Les relations de travail se chargent progressivement d'une dose croissante d'hypocrisie anti-économique et il est, plus que jamais, très malvenu de dire la vérité, même si cette dernière est exprimée au nom de la survie de l'entreprise. Il est de bon ton en revanche, comme dans le monde médiatique, de rivaliser de fayotage et de courbettes envers des dirigeants plutôt que de préparer l'avenir de la société dans laquelle on travaille.

Cette tendance des grandes entreprises (les petites sont elles, le plus souvent, confrontées de manière très dure avec les réalités du terrain) est particulièrement inquiétante quand on connaît le sérieux avec lequel certains pays prennent leur développement économique (Allemagne, Etats-Unis, Chine, Russie, etc.). La France, contaminée par une logique perverse qui renverse les valeurs, est en passe de devenir industriellement très en danger face à des entreprises étrangères qui, de manière plus naturelle, mettent le client en première préoccupation derrière la politique interne de l'entreprise.

Internet ou le retour de bâton

Les médias officiels sont heureusement de plus en plus boudés par les français qui préfèrent se rabattre sur Internet pour tenter d'avoir une information de qualité. On distingue les sites français et, chose assez nouvelle, des sites étrangers de plus en plus influants ayant un regard très critique sur les médias judiciaires officiels français.

L'Internet français

Internet permet aux opposants au système et à ceux qui ont subi les jugements des médias anticonstitutionnels de s'exprimer. Comme dans toute institutionnalisation de l'injustice, le comportement extrême de nos élites en perdition implique un comportement extrême des victimes du système judiciaire médiatique. Les victimes sont toujours obsédées par leurs bourreaux, c'est un fait.

De fait, de nombreux sites de réinformation ont été créés pour contrebalancer les mensonges des médias officiels.

La France vivant en économie administrée, il est bien entendu naturel que les élites à mentalité totalitaire ambitionnent de "réguler Internet", ce qui est un élément de langage pour dire "censurer les contradicteurs sur Internet". L'internet français est et reste encore un espace de liberté, mais il faut se demander pour combien de temps encore.

Les sites étrangers

Depuis quelques années, des sites étrangers peuvent donner un autre regard sur l'actualité aux français, en particulier des sites subventionnés par les deux grands pays dits non alignés, prétendant à la réinformation des français : la Russie et la Chine. Cet état de faits est vraiment une ironie du sort, surtout quand on considère que ces deux pays ont un long historique dans la censure et que, désormais, ce sont eux qui semblent s'inquiéter de la tournure dictatoriale française. Il y a quelque chose de pathétique dans cet état de faits.

Conclusion

Les médias français officiels ont désormais mis en place une mécanique bien huilée pour garder le nouveau pouvoir judiciaire français. Peu importe qu'une personnalité ne puisse pas être atteinte par la loi de la République (et donc n'ai rien commis de légalement répréhensible), les élites s'octroient le droit de la détruire au travers des jugements répétés des chambres correctionnelles médiatiques.

Au lieu de créer des nouveaux impôts et de nouvelles formes de dictature d'opinion, l'intelligence française ferait mieux d'être utilisée au bénéfice de la France dont les comptes sont sévèrement dans le rouge et promettent à nos enfants et petits-enfants des lendemains qui déchantent. Une partie de ces enfants fuit le pays, persuadés qu'il n'y a plus de place pour des jeunes gens travailleurs et innovants dans ce pays gouverné par des élites en déliquescence.

Ces comportements de nos élites sont une honte pour la République et pour tous les français, quels que soient leurs inclinaisons politiques, leur religion ou leur couleur de peau. Ces périodes de l'histoire de France où les élites se mettent à mépriser la France et les français et à mettre en place un régime dictatorial fondé sur l'augmentation de la dette et des impôts, en général, ne se terminent pas bien.

Notes

  1. Cf. Baby boom et génération névrose.
  2. Il faudrait d'urgence déposer un brevet sur le concept !
  3. Fin décembre 2013.