Le despotisme de la mère parfaite

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La tradition, même si on peut la remettre en cause de manière intellectuelle, est très souvent plus vivace qu'il n'y paraît. Pour les parents âgés de la trentaine aujourd'hui et nés dans les années 70, le problème est double : La tradition, même si on peut la remettre en cause de manière intellectuelle, est très souvent plus vivace qu'il n'y paraît. Pour les parents âgés de la trentaine aujourd'hui et nés dans les années 70, le problème est double :
* leurs grands-parents sont la plupart du temps issus d'un monde agricole ou ouvier, sous une forte dominante morale et religieuse où le divorce était quasiment impossible et où l'on devait s'accommoder du manque de contraception ; * leurs grands-parents sont la plupart du temps issus d'un monde agricole ou ouvier, sous une forte dominante morale et religieuse où le divorce était quasiment impossible et où l'on devait s'accommoder du manque de contraception ;
-* leurs parents ont vécu les années 60 et le choc de la révolte de 1968, étape qui a causé sur notre société des confusions morales importantes et un rejet de l'autorité ''a priori''<ref>Cf. [[Génération baby boom et génération névrose]].</ref>.+* leurs parents ont vécu les années 60 et le choc de la révolte de 1968, étape qui a causé sur notre société des confusions morales importantes et un rejet de l'autorité ''a priori''<ref>Cf. [[Baby boom et génération névrose]].</ref>.
Or cette double tradition, incohérente dans ses principes, a le mauvais goût de durer dans l'inconscient collectif plus qu'on ne pourrait le penser, le rendant tantôt révolutionnaire et tantôt réactionnaire si l'on veut verser dans le schématisme. Or, malgré une prédominance de l'intellect dans notre société, la plupart des gens sont souvent persuadés d'avoir abandonné la tradition, de l'avoir digérée, d'en avoir fait un fait passé et ''mort''<ref>Voir [[Foucault et le passé mort]].</ref> et donc de bénéficier de leur {{G|libre arbitre}}. Or cette double tradition, incohérente dans ses principes, a le mauvais goût de durer dans l'inconscient collectif plus qu'on ne pourrait le penser, le rendant tantôt révolutionnaire et tantôt réactionnaire si l'on veut verser dans le schématisme. Or, malgré une prédominance de l'intellect dans notre société, la plupart des gens sont souvent persuadés d'avoir abandonné la tradition, de l'avoir digérée, d'en avoir fait un fait passé et ''mort''<ref>Voir [[Foucault et le passé mort]].</ref> et donc de bénéficier de leur {{G|libre arbitre}}.
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Cette logique des bonnes intentions est la plupart du temps, à la fois, le point de départ et l'aboutissement des raisonnements de la mère suivant le schéma suivant : Cette logique des bonnes intentions est la plupart du temps, à la fois, le point de départ et l'aboutissement des raisonnements de la mère suivant le schéma suivant :
-* la mère demande à l'enfant quelque chose basée sur ses bonnes intentions (coupables) d'adulte) ;+* la mère demande à l'enfant quelque chose basée sur ses bonnes intentions (coupables) d'adulte ;
* l'enfant sent qu'il est vu comme gentil s'il obéit et méchant s'il désobéi, sans vraiment pouvoir attacher à ce sentiment une règle absolue ; * l'enfant sent qu'il est vu comme gentil s'il obéit et méchant s'il désobéi, sans vraiment pouvoir attacher à ce sentiment une règle absolue ;
-* si l'enfant n'oébit pas, la mère tente de culpabiliser l'enfant de ses réactions (projection de la culpabilité maternelle) ;+* si l'enfant n'obéit pas, la mère tente de culpabiliser l'enfant de ses réactions (projection de la culpabilité maternelle) ;
* lorsque cette culpabilisation marche, l'enfant entre dans un état psychologique de désarroi complet (il a souvent obéit à sa mère en ne comprenant pas pourquoi faire cela à ce moment, car la situation n'obéit pas à des règles logiques mais au pouvoir absolu de la mère) ; * lorsque cette culpabilisation marche, l'enfant entre dans un état psychologique de désarroi complet (il a souvent obéit à sa mère en ne comprenant pas pourquoi faire cela à ce moment, car la situation n'obéit pas à des règles logiques mais au pouvoir absolu de la mère) ;
* lorsque cette culpabilisation n'a pas fonctionné, il a refusé d'obéir et s'est trouvé chargé d'une culpabilité qui n'était pas la sienne. * lorsque cette culpabilisation n'a pas fonctionné, il a refusé d'obéir et s'est trouvé chargé d'une culpabilité qui n'était pas la sienne.
-C'est pour cette raison que les règles de l'éducation de l'enfant doivent être des règles logiques et reproductibles. C'est au travers de ces règles et des limites qui y sont associées que l'enfant construit son jugement de ce qu'il est bien de faire et de ce qu'il ne faut pas faire. Sans règle et sans limite, l'enfant vit sous le pouvoir dictatorial des sentiments d'une mère desposte, elle-même sous le pouvoir dictatorial d'une logique inconsciente de la culpabilité. L'enfant prend donc mécaniquement une partie de la névrose de la mère.+C'est pour cette raison que les règles de l'éducation de l'enfant doivent être des règles logiques et reproductibles. C'est au travers de ces règles et des limites qui y sont associées que l'enfant construit son jugement de ce qu'il est bien de faire et de ce qu'il ne faut pas faire. Sans règle et sans limite, l'enfant vit sous le pouvoir dictatorial des sentiments d'une mère despote, elle-même sous le pouvoir dictatorial d'une logique inconsciente de la culpabilité. L'enfant prend donc mécaniquement une partie de la névrose de la mère.
=== La logique de la preuve === === La logique de la preuve ===
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* l'enfant ne peut pas faire son éducation seul et nécessite de l'autorité (à ne pas confondre avec autoritarisme) ; * l'enfant ne peut pas faire son éducation seul et nécessite de l'autorité (à ne pas confondre avec autoritarisme) ;
* l'enfant est en perpétuelle mutation, c'est pourquoi il faut sans arrêt ajuster les limites à son âge et à ses aspirations tout en remettant jamais en cause le noyau dur des barrières imposées ; * l'enfant est en perpétuelle mutation, c'est pourquoi il faut sans arrêt ajuster les limites à son âge et à ses aspirations tout en remettant jamais en cause le noyau dur des barrières imposées ;
-* faire plaisir à l'enfant n'est pas un but en soin, au contraire, il vaut mieux éveiller le désir de l'enfant.+* faire plaisir à l'enfant n'est pas un but en soin, au contraire, il vaut mieux éveiller le désir chez l'enfant<ref>Cf. ''La cause des enfants'' et ''La cause des adolescents'' de Françoise Dolto.</ref>.
-Que ces lignes puissent à tout le moins faire réfléchir des mères qui, en voulant être parfaites, en arrivent à détruire leurs enfants et leur psychologie.+Que ces lignes puissent à tout le moins faire réfléchir des mères qui, en voulant être parfaites, en arrivent à endommager sérieusement leurs enfants, la psychologie de leurs enfants et leur futur.
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Sommaire

[modifier] Introduction

Cet article expose un syndrome étonnant à notre époque car chargé d'un passé collectif profond : le syndrome de la mère parfaite, et le despotisme qui en découle très souvent. Il n'est pas sans rapport avec le culte de l'enfant roi dans l'inconscient collectif français. Nous allons tenter, dans cet article, de faire la part des choses entre le mythe, le fantasme et la réalité quant au comportement de certaines mères et à l'impact profondément négatif qu'elles peuvent avoir malgré elles sur leurs enfants.

Avant d'aller plus loin dans la réflexion, notons qu'il n'est pas dans notre but de mettre la mère en défaut, ni de critiquer a priori le rôle de la mère tel qu'il est souvent, ni même de nier qu'il y a ait des mères dont le but soit de viser vers une certaine perfection de l'éducation (ce qui est déjà un non sens logique, comme nous allons le voir). Il s'agit plus d'une tentative de séparer des problématiques mêlées, actuelles et passées, qui brouillent les pistes de l'éducation des enfants actuels et qui laissent, au regard de la société toute entière, de véritables despotes détruire de manière durable l'équilibre psychologique de leurs enfants pour de bonnes intentions.

[modifier] Pouvoir et présence des mères

La notion de pouvoir des mères est une notion très complexe au sein de notre société car ce mot recouvre diverses influences :

  • certaines influences sont issues de la tradition française en termes d'éducation,
  • d'autres de l'inconscient collectif actuel portant des traces inavouées de cette tradition,
  • d'autres de l'héritage éducatif personnel de la mère,
  • d'autres enfin de la personnalité de la mère et de ses relations avec d'autres enfants, ses frères et sœurs en premier lieu.

Derrière un certain nombre de pathologies importantes chez l'enfant, on retrouve souvent le spectre de la mère. Ceci n'est bien entendu pas un cas général, mais si le père peut être source de pathologies psychologiques de l'enfant, notamment par son absence[1], la mère possède souvent, de part sa présence souvent envahissante, un pouvoir que n'a pas le père dans le quotidien de l'enfant.

Dans ce sens, on peut parler d'un certain pouvoir de la mère sur l'enfant, ne serait-ce que parce qu'encore aujourd'hui, les mères sont souvent plus présentes que les pères au sein de l'éducation des enfants. Or, cette présence n'est pas seulement un avantage, elle peut être aussi néfaste au point que la mère va exercer un effet parfois désastreux sur l'émancipation de l'enfant, par cette omniprésence. En quelque sorte, cette présence est à double tranchant, car l'enfant devra un jour ou l'autre entrer en conflit avec sa mère s'il veut acquérir une certaine liberté. Les enfants qui n'en sont pas capables verront leur vie d'adulte pénalisée par cette prédominance de l'image de la mère.

Nous allons tenter de comprendre pourquoi et comment se perpétue ce pouvoir despotique de la mère voulant être parfaite dans un certain nombre de cas, en passant en revue un certain nombre de dimensions du problème. Puis nous reviendrons aux problèmes rencontrés par les enfants et leur psychologie ainsi qu'aux problèmes de base auxquels les parents devront répondre pour permettre l'émancipation de leur enfant.

[modifier] Tradition et inconscient collectif

[modifier] Un passé aux influences contradictoires

La tradition, même si on peut la remettre en cause de manière intellectuelle, est très souvent plus vivace qu'il n'y paraît. Pour les parents âgés de la trentaine aujourd'hui et nés dans les années 70, le problème est double :

  • leurs grands-parents sont la plupart du temps issus d'un monde agricole ou ouvier, sous une forte dominante morale et religieuse où le divorce était quasiment impossible et où l'on devait s'accommoder du manque de contraception ;
  • leurs parents ont vécu les années 60 et le choc de la révolte de 1968, étape qui a causé sur notre société des confusions morales importantes et un rejet de l'autorité a priori[2].

Or cette double tradition, incohérente dans ses principes, a le mauvais goût de durer dans l'inconscient collectif plus qu'on ne pourrait le penser, le rendant tantôt révolutionnaire et tantôt réactionnaire si l'on veut verser dans le schématisme. Or, malgré une prédominance de l'intellect dans notre société, la plupart des gens sont souvent persuadés d'avoir abandonné la tradition, de l'avoir digérée, d'en avoir fait un fait passé et mort[3] et donc de bénéficier de leur « libre arbitre ».

Cependant, les choses ne sont pas si simples. En effet, la plus petite contrainte ou le plus petit événement extérieur porteur de pression induit le plus souvent un repli automatique (et inconscient) vers le comportement traditionnel. Cela montre qu'une prise de conscience intellectuelle de ses propres modèles ne suffit souvent pas pour être certain de ne pas les appliquer à notre insu.

[modifier] Mère despote et père obligatoirement absent

Dans le cas qui nous occupe, la prise de conscience d'un problème d'image par rapport à la tradition, d'identification rassurante avec la tradition, ne s'est souvent pas produite chez la mère despotique. Il y a donc, comme dans une large part de la société névrotique[4], au contraire, une certitude de la liberté qui n'est guidée que par un seul principe : les bonnes intentions. La tradition est dans ce schéma la caution qui fait que la mère despotique sait alors que le père ne sait pas, que le père s'il n'est pas absent, doit rester en retrait par rapport à la mère despotique qui le représente comme absent dans son inconscient, comme cela a toujours été dans son imagerie traditionnelle. Car pour être une mère parfaite, il est clair qu'il faut avoir le rôle phare de l'éducation des enfants. De quel droit et selon quelle tradition le père doit-il se mêler de l'éducation des enfants, si ce n'est en instance punitive suprême (chose de moins en moins répandue d'ailleurs) ?

La tradition comme caution est une arme à double tranchant car elle génère chez la femme moderne un profond désarroi quant à sa vie de femme : comme en effet, lutter pour garder cette tradition, pour conserver ces rites du passé qui permettent à la mère d'être le parent le plus important et le plus présent et à la fois avoir une vie professionnelle épanouie, pouvoir penser à sa carrière et à son développement personnel ? L'alchimie de ces deux dimensions est, souvent, perdue d'avance, même si elle est un des objectifs de la mère parfaite. La mère parfaite veut souvent être parfaite en tout, du point de vue personnel comme professionnel, tout obstacle la gênant ou gênant le développement qu'elle a prévu pour ses enfants engageant des logiques conflictuelles. Il suffit que se rajoute la volonté d'être une « femme moderne » (au sens social du terme) et non pas seulement une « mère », pour les choses deviennent vite ingérables pour la mère.

[modifier] Fonctionnement de la névrose de la mère parfaite

[modifier] Bonnes intentions et manque de règles

Ce manque de conscience par rapport à la tradition laisse la mère parfaite dans les bras d'un fonctionnement basé sur les bonnes intentions. Il faut noter que ce mode de fonctionnement éducatif est très pernicieux, cela pour plusieurs raisons.

La première est qu'il ne postule pas de cadre rigoureux dans lequel l'enfant doit s'épanouir en respectant des règles. Il est donc souvent arbitraire aux bonnes intentions de la mère qui sont des bonnes intentions d'adulte regardant souvent ses propres enfants comme plus mûrs qu'ils ne le sont. La mère parfaite ne parvient pas, en effet, à saisir l'essence de cette enfance en perpétuelle mutation. La mère parfaite projette sa propre volonté d'adulte sur des enfants dont le chemin d'autonomisation est personnel, ce qui occasionne nombre de décalages de comportements entre volonté et réalité.

[modifier] Difficultés de relation de l'enfant avec le reste du monde

Les relations que l'enfant entretient avec sa mère sont par conséquent soumises aux bonnes intentions changeantes de la mère, véritable référent incompréhensible souvent de l'enfant. Le risque est grand que les relations entre mère et enfant s'enveniment, tout comme peuvent s'envenimer les relations de l'enfant avec les autres membres de la famille, puis enfin avec le reste de la société (école, amis, etc.). Typiquement :

  • l'enfant ne comprend pas le « non » et le vit comme une blessure profonde,
  • l'enfant ne comprend pas la valeur des choses, notamment de l'argent,
  • l'enfant ne fait pas de jeux de son âge ou ne s'habille pas comme on devrait être habillé à son âge,
  • l'enfant devient incontrôlable[5]

[modifier] La culpabilité de la mère

La logique des bonnes intentions est une logique névrotique qui est aussi dangereuse pour la mère que pour l'enfant. En effet, la mère suivant la logique des bonnes intentions est une mère qui projette sa culpabilité sur son enfant, la culpabilité justement de n'être pas une mère parfaite. Mais, en raison de l'impossibilité d'accepter consciemment cette idée de ne pas être une mère parfaite, la mère devient despote et fait de son mieux pour être une mère parfaite, tout en culpabilisant de ne pas y arriver et de voir, chaque jour, dans les comportements de l'enfant, le résultat de son échec.

Cette logique des bonnes intentions est la plupart du temps, à la fois, le point de départ et l'aboutissement des raisonnements de la mère suivant le schéma suivant :

  • la mère demande à l'enfant quelque chose basée sur ses bonnes intentions (coupables) d'adulte ;
  • l'enfant sent qu'il est vu comme gentil s'il obéit et méchant s'il désobéi, sans vraiment pouvoir attacher à ce sentiment une règle absolue ;
  • si l'enfant n'obéit pas, la mère tente de culpabiliser l'enfant de ses réactions (projection de la culpabilité maternelle) ;
  • lorsque cette culpabilisation marche, l'enfant entre dans un état psychologique de désarroi complet (il a souvent obéit à sa mère en ne comprenant pas pourquoi faire cela à ce moment, car la situation n'obéit pas à des règles logiques mais au pouvoir absolu de la mère) ;
  • lorsque cette culpabilisation n'a pas fonctionné, il a refusé d'obéir et s'est trouvé chargé d'une culpabilité qui n'était pas la sienne.

C'est pour cette raison que les règles de l'éducation de l'enfant doivent être des règles logiques et reproductibles. C'est au travers de ces règles et des limites qui y sont associées que l'enfant construit son jugement de ce qu'il est bien de faire et de ce qu'il ne faut pas faire. Sans règle et sans limite, l'enfant vit sous le pouvoir dictatorial des sentiments d'une mère despote, elle-même sous le pouvoir dictatorial d'une logique inconsciente de la culpabilité. L'enfant prend donc mécaniquement une partie de la névrose de la mère.

[modifier] La logique de la preuve

Le corrolaire de la logique des bonnes intentions est la logique de la preuve. Afin de se garantir du fait que des intentions bonnes impliquent naturellement des conséquences bonnes pour l'enfant, la mère parfaite cherchera avidement des preuves, avant tout pour se prouver à elle-même qu'elle est une mère parfaite.

Au lieu de s'ouvrir sur un côté affectif qu'elle ne connaît souvent que peu (les deux logiques que nous étudions étant très intellectuelles), elle cherchera intellectuellement à se démontrer et à démontrer à ses détracteurs que ce qu'elle fait est bon pour l'enfant. Dans ces accès de recherche de la preuve, la mère parfaite est une mère despotique, cela avec ses enfants et souvent, de la même manière, avec son conjoint, car elle sait mieux que les autres que ce qu'elle fait est bien, car elle en a la « preuve » (sous-entendue intellectuelle).

D'une manière générale, les mères voulant être parfaites sont des personnes dont le côté cérébral est surdimensionné par rapport au côté affectif. Or le surdimensionnement de l'intellect provoque souvent la névrose.

Les bonnes intentions sont donc le trait originel de la logique despotique de la mère voulant être parfaite, c'est en quelque sorte son armure, qui fait que rien ni personne ne peut lui reprocher des choses, à commencer par elle-même. Ne parvenant pas à voir plus loin que ces bonnes intentions, les conséquences de ces dernières ne sont jamais examinées pour ce qu'elles sont, et non pas pour ce qu'elles devaient produire. Cet état de faits peut provoquer une certaine nuisibilité à l'ensemble de la famille, à commencer par le couple.

Nous pourrions pointer cette logique des bonnes intentions comme un héritage de la tradition française catholique. En effet, si les intentions sont bonnes, quelques soient les conséquences, on peut s'inventer des justifications pour avoir commis des erreurs. Cette tradition des bonnes intentions est très ancrée dans notre culture inconsciente française[6].

[modifier] Des antécédents sacrificiels

Nous noterons brièvement, sans rentrer dans une psychanalyse un peu simpliste, que les antécédents de la mère parfaite sont souvent d'avoir eu, elle aussi, une mère parfaite, inflexible, doctrinaire, despotique. Cette mère de la mère s'est « sacrifiée » pour ses enfants et l'a montré, tout comme elle a montré le malheur causé par leur départ (culpabilisation de l'enfant devenu adulte). Bien entendu, ce tableau est un peu schématique mais il montre que la mère parfaite possède très souvent une combinaison des deux névroses suivantes :

  • un complexe d'infériorité par rapport à sa propre mère,
  • la volonté de la dette due au sacrifice de sa propre mère par son propre sacrifice.

Dans le premier comme dans le second cas, il est nécessaire de montrer que les impulsions inconscientes de la mère parfaite ont quelque chose d'irrationnel. Dans le premier cas, ce complexe d'infériorité se teinte très fortement d'un complexe d'être une mauvaise mère, cela dû au fait que la femme moderne travaille alors que souvent, sa propre mère ne travaillait pas. Dans la démarche d'être une mère parfaite, il y a refoulement du complexe de mauvaise mère, par rapport à la mère sacrificielle dont elle a bénéficié, voire a épuisé, voire dont elle a « gâché » la vie.

Il y a donc, dans le syndrome de la mère parfaite, un syndrome plus profond qui est la relation avec la mère sacrificielle :

  • sans notion de relativité d'époque et de contraintes que vit la femme moderne et que ses propres parents ne connaissaient pas,
  • sans remise en question de la soi-disante perfection de la mère supposée sacrificielle.

C'est le côté passé personnel qui émerge de la tradition, où l'incarnation de la tradition de la femme au foyer, ménagère et mère parfaite, qui s'incarne dans l'image forte de la mère parfaite de la fille devenant mère parfaite à son tour. Nous sommes en présence de ce que l'on pourrait nommer une névrose générationnelle.

[modifier] La place du père

De plus, dans un couple où la mère se dit parfaite ou cherche à approcher de la perfection, le père est souvent absent, quand bien même il tenterait d'être présent. Il sent souvent qu'il n'est pas à sa place dans les conflits et que ses méthodes peuvent être totalement décalées dans les marchandages pétris des bonnes intentions de la mère parfaite. Bien entendu, certains pères soutiennent aussi cette démarche des bonnes intentions et partent du principe que si l'intention des parents est bonne, il ne tient qu'à l'enfant que cette intention soit traduite par un bon comportement. Or, pourtant, les choses sont souvent plus complexes que cela.

Notons que le père n'a pas de place véritable dans un couple dont la mère a le syndrome de la mère parfaite. Il peut être relégué au rôle de l'amusement de l'enfant. Dans ce cas, la mère parfaite infantilisera son mari en le cantonnant dans un rôle d'enfant, tout cela parce qu'elle a l'illusion de maîtriser l'enfant. Mais souvent, elle reprochera à son mari d'être un enfant, alors qu'elle-même ne laisse pas d'autre place dans le couple pour le mari qu'en tant qu'autre enfant. La seconde solution est qu'elle place le père à l'écart, le rendant de facto un père absent, avec les conséquences catastrophiques de cela peut avoir sur l'enfant, sur sa sexualisation et sur sa vie future.

D'une certaine manière, la névrose de la mère parfaite force sur les points faibles de son mari :

  • si ce dernier n'est pas impliqué a priori, il deviendra absent ;
  • si son mari n'est pas mûr, il reprendra une place d'enfant psychologique auprès de sa propre femme.

Ce deuxième cas est très difficile à découvrir pour une mère en analyse, car il lui faut comprendre qu'elle a eu un effet néfaste sur les comportements de son propre mari, en l'infantilisant et alors même qu'elle lui reproche les comportements dans lesquels elle l'emprisonne. Pour peu que le mari ait eu une mère despote, la boucle est bouclée. Une fois encore, nous entroyons un pattern de névrose générationnelle, au niveau du père cette fois.

[modifier] La vie de l'enfant avec une mère parfaite

[modifier] Des facilités pour l'enfant

La vie d'un enfant sous la domination d'une mère parfaite n'est pas toujours difficile, on pourrait même dire plus : elle comporte souvent trop de facilités :

  • cadeaux inopinés et injustifiés tout le temps,
  • mansuétude (injustifiée) de la mère dans les jeunes années du développement de l'enfant, suivie d'une rigueur souvent excessive (et injustifiée) à l'adolescence,
  • état fusionnel entre la mère et l'enfant, avec projection des angoisses de la mère ou des passions de la mère dans l'enfant,
  • défense inconditionnelle de l'enfant dans des situations ne le méritant pas,
  • etc.

[modifier] Le futur de l'enfant de la mère parfaite

L'enfant avec une mère parfaite entre dans une voie dans laquelle se profile un choix clair :

  • ou l'enfant se révolte à certain moment contre sa mère et ses bonnes intentions,
  • ou il ne le fait pas.

Dans le premier cas, la crise se passera probablement à l'adolescence (étant entendu que l'adolescence peut évoluer de l'âge de dix ou onze ans jusqu'à la trentaine[7]. Si crise il y a, il faut souligner toute la violence de la crise dans laquelle la mère, faisant usage du chantage aux sentiments, usera de tous les moyens de pression psychologiques les plus incroyables pour faire plier l'enfant ou l'adolescent, ainsi que de toutes les punitions les plus arbitraires et les plus injustifiées (par rapport à la gravité des faits reprochés, par rapport au moment où ils ont été commis, par rapport même aux intentions de l'enfant, etc.). Dès lors, même extraits de cette dépendance, les enfants des mères parfaites pourront ne pas s'en tirer sans séquelles et certains devront beaucoup travailler sur eux au delà ce conflit, pour avancer dans la vie. La principale question que ces enfants devenus adultes devront résoudre est : comment sortir d'une logique de l'opposition à la mère ?

Dans le second cas, marqué par des dispositions tyranniques d'une mère qui sait tout en raison de sa perfection, l'enfant subira le poids de ce passé jusqu'à ce qu'il ou elle soit en mesure de résoudre ce problème avec un psychanalyste. Notons que d'ailleurs, pour ce genre de cas, la cure psychanalytique peut être trop brutale pour la personne en raison d'une nécessité de fondation de toute une série de valeurs qui auraient dû être inculquées dès l'enfance, et que par conséquent, un psychanalyste intelligent pourra conclure au fait que la personne doit vivre avec son malaise sans pouvoir espérer être une personne « normale » un jour. C'est dans ce cas que le syndrome névrotique de la « perfection » pourra se transmettre d'une génération à l'autre et se perpétuer au travers des générations.

[modifier] Quelques faits et pièges à connaître

Il n'y a pas de solutions pour bien élever les enfants et même si ces solutions existaient, la plupart d'entre nous ne pourraient les appliquer pour des raisons d'incompatibilité avec leur tempérament personnel. Pourtant quelques faits constants doivent être soulignés :

  • l'enfant nécessite une image maternelle et paternelle, de l'amour et des attentions ;
  • l'enfant n'est pas le jouet des parents ;
  • l'enfant est une personne, mais pas encore un adulte ;
  • l'enfant a besoin de limites, sans elles, il part à la dérive ;
  • l'enfant ne peut pas faire son éducation seul et nécessite de l'autorité (à ne pas confondre avec autoritarisme) ;
  • l'enfant est en perpétuelle mutation, c'est pourquoi il faut sans arrêt ajuster les limites à son âge et à ses aspirations tout en remettant jamais en cause le noyau dur des barrières imposées ;
  • faire plaisir à l'enfant n'est pas un but en soin, au contraire, il vaut mieux éveiller le désir chez l'enfant[8].

Que ces lignes puissent à tout le moins faire réfléchir des mères qui, en voulant être parfaites, en arrivent à endommager sérieusement leurs enfants, la psychologie de leurs enfants et leur futur.

[modifier] Liens internes

[modifier] Notes

  1. Chez les filles, le syndrome du père absent modèle la structure de la de la future adulte d'une manière cruciale et qui peut avoir des effets dévastateurs sur sa vie de femme.
  2. Cf. Baby boom et génération névrose.
  3. Voir Foucault et le passé mort.
  4. Cf. La genèse de la société névrotique.
  5. Cf. Le culte de l'enfant roi dans l'inconscient collectif français.
  6. Un des derniers exemples en date est l'affaire de l'Arche de Zoé, summum de la logique des bonnes intentions induisant des actes répréhensibles pénalement.
  7. Cf. L'éternelle adolescence.
  8. Cf. La cause des enfants et La cause des adolescents de Françoise Dolto.