Le culte de l'enfant roi dans l'inconscient collectif français

Un article de Caverne des 1001 nuits.

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-Plus de cinquante pour cent de décisions d'achat dans un couple sont motivées par l'enfant. Ce simple chiffre, effrayant, est l'arbre cachant la forêt. Plus qu'une forêt, notre société est malade de ses enfants et des comportements dits normaux qu'on accepte chez eux et pis, que l'on encourage.+Plus de cinquante pour cent des décisions d'achat dans un couple sont motivées par l'enfant. Ce simple chiffre, effrayant, est l'arbre cachant la forêt. Plus qu'une forêt, notre société est malade de ses enfants et des comportements dits {{{G|normaux}}} qu'on accepte chez eux et pis, que l'on encourage.
-== Une pathologie récente ==+== Le changement du rapport des adultes à l'enfant ==
-Si l'on reprend l'histoire du XXème siècle, le culte de l'enfant roi apparaît chez l'enfant comme une pathologie il y a environ 15 ans<ref>Voir le livre du pédiatre Aldo Naouri ''Les pères et les mères'' à ce sujet.</ref>, soit quelques années après que la contraception soit entrée dans les mœurs sociales comme une habitude légale. Il n'est bien sûr pas question de remettre en cause la contraception, ni sa légalisation légitime. Il faut cependant - et c'est le grand travers de notre société - regarder les conséquences en face d'une telle maîtrise intellectuelle de la procréation, cela afin d'éviter le tabou (et même si quelque part, le discours est forcément politiquement incorrect au regard de notre société).+=== Du désir d'enfant à la volonté intellectuelle d'avoir un enfant ===
-La conséquence de la légalisation de la contraception au niveau psychologique et au niveau de l'inconscient collectif est le fait de faire de l'enfant un bien de consommation comme un autre. L'enfant dans notre monde est ''voulu'' et non pas ''désiré''. Il est le plus souvent le fruit d'une réflexion intellectuelle et non pas d'un mouvement du cœur, d'une envie. Cette modification est très profonde, car dans la psychologie de l'enfant, la place qui lui est réservée au sein du couple et au sein de l'histoire de ses parents qu'il n'a pas choisis, est fondamentalement différente. On veux désormais faire un enfant comme on veut une voiture. On entend partout que ''l'on a besoin d'un enfant'' - comme on aurait besoin d'un ordinateur pour écrire ses chroniques en lignes.+Si l'on reprend l'histoire du XXème siècle, certaines théories font état du fait que la pathologie infantile de {{{G|l'enfant roi}} apparaît, dans notre société, il y a environ 15 ans<ref>Cf. par exemple ''Les pères et les mères'', Aldo Naouri.</ref>, soit quelques années après que la contraception soit entrée dans les mœurs sociales comme une habitude légale.
-== Enfant, volonté et désir ==+S'il n'est pas dans notre propos de remettre en cause la contraception, ni sa légalisation, nous allons cependant tenter d'analyser les conséquences d'une telle maîtrise intellectuelle de la procréation, nouveauté dans l'histoire humaine, cela afin d'éviter d'entretenir certains tabous de la société.
-La transformation psychologique qui mène du ''désir d'enfant'' à la ''volonté d'avoir un enfant'' est très significative de la mentalité que nous avons héritée du XXème siècle, cette certitude que l'homme pouvait maîtriser son destin et son histoire, de manière individuelle dans le cas qui nous occupe, mais aussi de manière collective (dans le cas de théories fascistes ou communistes). L'homme est devenu une machine intellectuelle qui doit se maîtriser et maîtriser son futur.+La conséquence de la légalisation de la contraception, au niveau psychologique et au niveau de l'inconscient collectif, est le fait que l'enfant est devenu ''un bien de consommation comme un autre''. L'enfant dans notre monde est ''voulu'' et non pas ''désiré''. Il est devenu, le plus souvent, le fruit d'une réflexion intellectuelle, et non plus d'un mouvement du cœur, d'une envie. On choisit le moment où l'enfant peut arriver dans le couple, en fonction de critères très intellectuels.
-La conséquence pour l'enfant est d'être postulé à une place au sein du couple qu'il ne devrait jamais endosser. Etant très souvent incapables de différencier l'enfant de l'adulte, les adultes font tout pour séduire l'enfant, pour éviter les conflits avec l'enfant, pour permettre naïvement à l'enfant ''d'apprendre seul la vie''. Cette attitude navrante se traduit par la pathologie de l'enfant roi, qui est un enfant n'ayant jamais connu de limites, qui donc est dans une position de désarroi intense dès lors que la moindre des contradictions vient le perturber - quand par exemple, ses parents ne lui achètent pas ce qu'il veut ''tout de suite''.+Cette modification est très profonde dans la psychologie des parents. Pour ce qui est de la psychologie de l'enfant, la place qui lui est réservée au sein du couple et au sein de l'histoire de ses parents qu'il n'a pas choisis, est aussi fondamentalement différente. On peut désormais vouloir faire un enfant comme on veut une voiture. On entend partout que ''l'on a besoin d'un enfant'' - comme on aurait besoin d'un ordinateur pour écrire son blog en lignes.
-L'enfant d'aujourd'hui est trop souvent dépourvu de cadre et la responsabilité malheureusement n'en incombe pas qu'aux parents<ref>Notons que cette dernière n'en incombe pas non plus à l'école comme on voudrait trop souvent le faire croire, l'école étant souvent le dernier endroit où l'enfant se trouve face à une autorité légitime.</ref>. L'inconscient collectif social, poussé par le consommateur enfant roi, encourage cette postulation de l'enfant en tant que dictateur du couple, en tant qu'arbitre, un arbitre au comportement incohérent car non encore formé.+=== L'enfant en tant qu'objet ===
-== Le rôle de l'inconscient collectif ==+Cette ''volonté'' peut aller parfois si loin que le recours à la procréation assistée médicalement se généralise, même hors des problématiques de stérilité physiologiques. La science se met à envisager des ''utérus artificiels'', dont le but est que tout un chacun puisse {{{G|avoir un enfant}}. On entend des revendications de {{{G|droit à l'enfant}}, qui ne sont pas sans rappeler les revendications de {{{G|droit au logement}}.
-On pourra poser la question du pourquoi du silence de la société envers ses enfants qui deviennent des périls pour eux-mêmes et pour les autres dès l'adolescence (voire même avant), pourquoi la société encourage à ce point cette vision absurde et inepte des relations entre parents et enfants, relations qui peuvent être saines si elles sont basées sur un cadre et un respect mutuel des différences.+L'enfant, devenu un {{{G|droit}}, ne devant venir qu'au moment choisi par les parents, se transforme progressivement, dans l'inconscient collectif, en un {{{G|objet}}. Il perd de sa réalité psychologique, de son individualité.
-Une ébauche de réponse se fonde sur la constatation des tabous incrustés dans notre inconscient collectif social à soulever la question de l'éducation des enfants. Pourquoi ? Une des pistes pouvant conduire à la réponse à cette question est que la notion d'éducation est, aujourd'hui, fortement teintée d'histoire du XXème siècle. Quand on dit ''éducation'', on pense «contraintes», «brutalité», «manipulation», «fascisme», «totalitarisme»<ref>Il est d'ailleurs étrange que les têtes bien pensantes de notre société n'aient pas pensé à rebaptiser le ministère de l'«éducation» d'un titre aux consonances moins «autoritaires» !</ref>. Quand on dit autorité avec ses enfants, on pense «violence», on pense «autoritarisme». Quand on dit «limites», on pense à des principes moraux - symbole de l'ultime horreur sociale ! - voire carrément religieux. On pense ''endoctrinement''. De là vient la culpabilité d'infliger cela à l'enfant.+Certaines données du passé semblent aussi avoir été oubliées, du fait que l'enfant soit devenu cet objet de consommation. En effet, il est nécessaire de se souvenir que dans le passé, les enfants n'étaient pas forcément vus comme ''bons''. Un enfant mauvais né dans un couple de personnes gentilles peut, dans une certaine mesure, bouleverser en profondeur l'équilibre du couple voire de la famille. L'enfant, de par sa nature propre, peut être la source d'une modification profonde des rapports familiaux, ce qui n'est pas le cas avec les animaux domestiques auxquels, inconsciemment, il est comparé dans la logique matérialiste actuelle.
-Car nous, parents, sommes les dignes héritiers d'un siècle qui a détruit devant nous des grandes utopies en plaçant des tabous à de nombreux endroits, des conclusions historiques simples, des peurs que nous, les adultes, cristallisons sur nous-mêmes<ref>On pourrait souligner le ras le bol infini des nouvelles générations d'allemands à propos de l'enseignement de la culpabilité de la tragédie nazie.</ref>. Ces peurs, nous les projetons sur nos enfants, de la manière la plus basique qui soit :+=== Les croyances de l'homme matérialiste ===
-* en les considérant à la fois comme nos égaux ou nos maîtres mais aussi comme des objets de consommation ;+
-* en nous débattant avec leurs caprices afin de leur construire un cocon en dehors des contraintes du monde réel.+
-Le message social, de son côté, ne vaut pas mieux : il est culpabilisant et moralisateur. Il est de bon ton de dire qu'un enfant ne doit avoir de contraintes pour se développer, de dire qu'''un enfant peut apprendre la vie seul''. Tout message inverse est de suite interprété comme celui d'un ''tortionnaire'' ou d'un ''réactionnaire'' dans une opinion publique où l'héritage de 68 fait long feu : pas de contrainte, pas d'autorité, plus de liberté.+La transformation psychologique qui mène du ''désir d'enfant'' à la ''volonté intellectuelle d'avoir un enfant maintenant'' est très significative de la mentalité que nous avons héritée du XXème siècle, cette certitude (matérialiste) que l'homme pouvait maîtriser son destin et son histoire, de manière individuelle dans le cas qui nous occupe, mais aussi de manière collective (dans le cas de théories politiques voire totalitaires).
-== Les dangers dans la construction de l'enfant ==+L'homme est devenu une machine intellectuelle qui se doit de maîtriser tous les paramètres de sa vie : sa vie personnelle, sa vie de couple, sa vie familiale, etc. La philosophie matérialiste a beaucoup vanté ce mode de fonctionnement d'un homme qui contrôlerait de manière totale son champ d'action, et d'une société qui, soit laisserait faire ce contrôle autant que possible (libéralisme), soit l'encadrerait par un contrôle fort de l'état (socialisme). Cette volonté de l'homme intellectuel de maîtriser complètement son destin commence naturellement par ''asservir'' la procréation à son bon vouloir.
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 +L'homme matérialiste, en poursuivant des buts de contrôle sur les choses, pense qu'il est sorti d'une certaine morale de type religieux. Or, force est de constater qu'il n'en est rien, mais qu'à la place, il a ''remplacé'' un système moral ancien, par un système moral basé sur l'ego. L'ego maîtrise, décide, planifie, {{{G|veut}}, et suivre les frasques de son ego est déclaré {{{G|bon}} pour l'homme, est postulé comme une {{{G|preuve de la liberté de l'homme}}.
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 +Cela n'est pas si simple, comme nous allons le voir, notamment dans le cadre de la naissance d'un enfant.
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 +=== Positionnement de l'enfant dans le couple ===
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 +L'enfant, du fait qu'il est un vu comme un objet, est schématisé selon les modalités de l'inconscient collectif. On ne tâche pas de savoir qui il est ni ce qu'on il a besoin, mais on lui attache des demandes et des comportements archétypaux qui sont ceux de l'enfance, vue au travers des poncifs de la société. Ainsi, l'hypothèse de base de l'optique matérialiste actuellement sous-entendue est que l'arrivée de l'enfant est une {{{G|bonne chose pour le couple}}, bonne dans la mesure où le couple a voulu l'enfant et que l'enfant arrive. Logiquement, le couple doit être satisfait de cette arrivée : c'est ce qu'il voulait.
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 +Nous glissons, à partir de ce moment, très naturellement vers une autre tendance, projective celle-là. Si le vouloir de l'enfant est bon, alors l'enfant lui-même est bon ''a priori''. Les parents projettent le {{{G|bonheur}} d'avoir un enfant sur l'enfant lui-même qui devient {{{G|bon par essence}}, même si sa présence n'est que le fruit d'une construction intellectuelle des parents. Les parents ont du mal à faire la part des choses entre l'enfant et eux-mêmes, et investissent dans l'enfant cette joie qui ne leur est, somme toute toute, que personnelle.
 + 
 +Cette projection implique deux choses :
 +* une pression mise sur l'enfant dès son plus jeune âge, car il est l'objet matérialisé du vouloir des parents,
 +* un positionnement qui n'est plus naturel au sein de couple.
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 +Les parents étant très souvent incapables de différencier l'enfant d'eux-mêmes, sur un plan psychologique<ref>Cf. [[L'éternelle adolescence]].</ref>, ils font tout pour séduire l'enfant, pour éviter les conflits avec l'enfant, pour permettre naïvement à l'enfant ''d'apprendre seul la vie''. Ce travers leur vient directement de l'inconscient collectif qui prône une liberté accrue des adultes, liberté que l'adulte aurait voulu pour lui, et qu'il projette un peu naïvement dans les désirs de l'enfant.
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 +=== L'enfant roi, fruit de la projection des désirs parentaux conscients et refoulés ===
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 +Or, c'est bien mal connaître l'enfance que de laisser l'enfant apprendre la vie seul. L'enfant n'est pas encore construit socialement, il lui faut donc un certain nombre de limites dans la famille si l'on veut qu'il puisse vivre correctement en société plus tard. Nous noterons que certains parents font des erreurs continuelles d'interprétations des actes de leur enfant, poussés qu'ils sont par l'aveuglement dû à leur projection d'adulte sur l'enfant. Ainsi, quand l'enfant fait un caprice, ils y voient leur volonté de rébellion contre la société, voire leurs révoltes adolescentes contre l'autorité familiale. Ils prennent donc sur eux, donnent à l'enfant ce qu'il veut, tout en pensant que l'enfant est {{{G|précoce}}, alors que ce dernier n'agit que par pur caprice et cherche seulement les limites.
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 +D'une certaine façons, ''ils volent l'enfance de leur enfant'' en interprétant toujours faussement ses recherches de limites par des comportements pré-adolescents ; ils empêchent l'enfant de vivre dans un cercle restreint de libertés ''son'' enfance. L'enfant étant un objet projectif des parents, ces derniers ne lui donnent pas la possibilité de faire ses découvertes ''à son propre niveau'', dans un cadre bien délimité où certaines choses sont autorisées et d'autres sont interdites.
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 +L'enfant sans limite va, par conséquent, se construire d'une manière instable, prenant certains traits d'adulte avant l'âge, usant d'argumentaires d'adultes pour justifier ses caprices, et étant parfois totalement incapable de trouver du plaisir dans les jeux d'enfants.
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 +Cette attitude projective des parents constitue chez l'enfant la ''pathologie de l'enfant roi''. Un enfant roi est un enfant qui n'a jamais connu de limites, un enfant qui ressent une injustice insupportable dès lors que la moindre des contradictions vient le perturber - quand par exemple, ses parents ne lui achètent pas ce qu'il veut, ''tout de suite''. L'enfant devient le dictateur de la maison, ne sait que fonctionner en mode {{{G|caprice}} et ne sait pas :
 +* désirer une chose avant de l'avoir,
 +* attendre,
 +* être seul et s'amuser seul,
 +* gérer le {{{G|non}} de n'importe quelle autorité.
 + 
 +=== L'enfant roi, consommateur privilégié ===
 + 
 +L'inconscient collectif social, poussé par l'{{{G|enfant roi consommateur}}, encourage cette postulation de l'enfant en tant que ''dictateur du couple'', en tant qu'arbitre, un arbitre au comportement incohérent car non encore formé par son éducation. En guise d'{{{G|éducation}}, il n'a en effet reçu que des {{{G|béni oui oui}}. Il y a donc une logique dans la névrose infantile : le monde externe doit fonctionner comme ses parents fonctionnent avec lui : il est le centre du monde, et tous les adultes sont asservis à ce qu'il désire.
 + 
 +Très tôt, l'enfant apprendra à ''mépriser'' ses parents et l'enfant roi deviendra potentiellement un adolescent à problèmes.
 + 
 +== Le rôle de la société dans la pathologie de l'enfant roi ==
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 +=== Une méfiance collective pour les {{{G|contraintes}} de l'éducation ===
 + 
 +On pourra poser la question du pourquoi du silence de la société envers des enfants qui deviennent des périls pour eux-mêmes et pour les autres dès l'adolescence (voire même avant). Pourquoi la société semble-t-elle encourager à ce point cette vision absurde et inepte des relations entre parents et enfants, relations qui peuvent être saines si elles sont basées sur un cadre éducatif, un respect mutuel des différences et une non interchangeabilité des rôles entre adulte et enfant.
 + 
 +Une ébauche de réponse se fonde sur la constatation des tabous incrustés dans notre inconscient collectif social à soulever la question de l'éducation des enfants. Pourquoi ? Une des pistes pouvant conduire à la réponse à cette question est que la notion d'éducation est, aujourd'hui, fortement teintée d'histoire du XXème siècle. Quand on dit ''éducation'', on pense « contraintes », « brutalité », « manipulation », « fascisme », « totalitarisme ». Quand on dit autorité avec ses enfants, on pense « violence », on pense « autoritarisme ». Quand on dit « limites », on pense à des principes moraux - symbole de l'ultime horreur sociale - voire religieux. On pense ''endoctrinement''. De là vient la culpabilité des parents ''d'infliger une éducation'' à l'enfant. L'éducation est devenue synonyme de {{{G|contrainte}} pour l'enfant, de {{{G|mauvais traitement}}.
 + 
 +Le message social souligne cette direction : il est culpabilisant et moralisateur. Il est de bon ton de dire qu'un enfant ne doit avoir de contraintes pour se développer, de dire qu'''un enfant peut apprendre la vie seul''. Tout message inverse est de suite interprété comme celui d'un ''tortionnaire'' ou d'un ''réactionnaire'' dans une opinion publique où l'héritage de 68 fait long feu : pas de contrainte, pas d'autorité, plus de liberté<ref>Voir [[La genèse de la société névrotique]].</ref>. Même l'Education Nationale doit prendre garde à ne pas traumatiser l'enfant en lui donnant de {{{G|trop mauvaises notes}}.
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 +=== Des parents intellectuels dans une société intellectuelle ===
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 +Les parents actuels sont les dignes héritiers d'un siècle dont on nous dit qu'il a détruit toutes les grandes utopies. Cette destruction s'est accompagnée d'une mise en place de ''tabous'' à de nombreux endroits, de conclusions historiques simplistes, de peurs que les adultes colportent sans trop savoir si elles sont les leurs ou si elles ne sont que légendes.
 + 
 +Ces peurs, les adultes les projettent sur leurs enfants, de la manière la plus basique qui soit :
 +* en les considérant à la fois comme leurs égaux, voire comme leurs maîtres, mais aussi comme des objets de consommation ;
 +* en se débattant avec leurs caprices afin de leur construire un cocon totalement décalé des contraintes du monde réel.
 + 
 +Les parents des enfants rois ont un côté immature qui les fait rendre un culte à l'enfant qui les martyrise. Ils ont, la plupart du temps, {{{G|oublié}} leur passé d'enfant, passé dans lequel ils avaient, eux, des limites. Ils sont bloqués dans la ''logique des preuves matérielles d'amour''<ref>Cf. [[Le couple fusionnel]].</ref> pour l'enfant, enfant qui a priori ne demande pas de cadeaux ou d'abdications pour aimer ses parents. Ils sont restés dans une approche très intellectuelle du monde, depuis le vouloir d'enfant jusqu'à son absence d'éducation et de limites.
 + 
 +Or l'approche intellectuelle favorise la projection des zones refoulées de notre psyché. Si l'intellectuel prétend tout maîtriser et tout saisir, les refoulement de son passé sortent dans son comportement sans même qu'il s'en aperçoive.
 + 
 +== Construction et futur de l'enfant ==
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 +=== Les dangers pour la construction de l'enfant ===
Les conséquences sur les enfants sont multiples : Les conséquences sur les enfants sont multiples :
-* les enfants s'habituent vite à n'avoir qu'un plaisir provoqué par une abdication des autres (et en particulier des adultes) à leur volonté ;+* les enfants s'habituent vite à ne trouver leur plaisir que dans l'abdication des autres (et en particulier des adultes) face à leur volonté propre ;
* les enfants n'apprennent pas la notion du temps, de la patience ; * les enfants n'apprennent pas la notion du temps, de la patience ;
-* ils prennent les angoisses temporelles de leurs parents et vivent tout retard dans le plaisir immédiat comme une blessure profonde ;+* ils s'imbibent des angoisses temporelles de leurs parents et vivent tout retard, dans le plaisir immédiat, comme une blessure profonde, comme une négation de ce qu'ils sont (ce qui est normal car ils ont été postulés comme tels par les parents eux-mêmes) ;
* ils deviennent insensibles au ''désir'' mais sont pilotés par le ''vouloir'' (à l'instar de leurs parents) ; * ils deviennent insensibles au ''désir'' mais sont pilotés par le ''vouloir'' (à l'instar de leurs parents) ;
-* les enfants vivent dans la course constante au plaisir immédiat, reformulent la peur de l'autorité de leur parents de manière extrême et peuvent devenir asociaux<ref>On pourra se référer aux études de Dolto sur les adolescents pour entrevoir les pathologies développées plus tard.</ref>.+* les enfants vivent dans la course constante au plaisir immédiat, reformulent la peur de l'autorité de leur parents de manière extrême, et peuvent devenir totalement asociaux voire très agressifs<ref>On pourra se référer aux études de Dolto sur les adolescents pour entrevoir les pathologies développées plus tard.</ref>.
-La période d'adolescence montre des enfants complètement déstructurés, qui peuvent avoir contribué à l'explosion du couple de leurs parents (pour peu que l'estimation des limites à imposer soit divergente entre les deux membres du couple), qui peuvent battre leurs parents, les insulter, avoir des comportements violents sans que l'empathie ne leur ait été inculquée, sans que le souci de l'autre - même dans une version minimale - ne leur ait été enseigné ou même montré comme exemple. Ils sont souvent contestataires, très souvent sans raison et par principe, ayant appris le refus de l'autorité dans le fait que leurs parents abdiquent leur autorité. Ils sont facilement manipulables par une idéologie du refus, de l'opposition brutale, du dialogue haineux et simpliste lors de l'adolescence. Ils ne savent pas de quoi ils parlent mais n'agissent qu'en négatif, qu'en opposition, qu'en réaction par rapport à un monde qui, justement, ne les traite pas comme les rois qu'ils croyaient être.+La période d'adolescence montre des enfants complètement destructurés<ref>Cf. [[l'éternelle adolescence]].</ref>, qui peuvent avoir contribué à l'explosion du couple de leurs parents (pour peu que l'estimation des limites à imposer soit divergente entre les deux membres du couple), qui peuvent battre leurs parents, les insulter, avoir des comportements violents sans que l'empathie ne leur ait été inculquée<ref>Cf. [[Le manque d'empathie comme culture]].</ref>, sans que le souci de l'autre - même dans une version minimale - ne leur ait été enseigné ou même montré comme exemple.
-Sitôt sortis de l'adolescence, ces enfants voteront. Du fait de leur manque absolu de maturité, ils sont une chair à canon extrêmement docile pour ceux qui peuvent les brosser dans le sens de leur poil contestataire. Les sectes et autres mouvements d'oppositions généralisées ont de beaux jours devant eux<ref>Voir mon article sur [[l'éternelle adolescence]].</ref>.+Les enfants rois devenus adolescents sont souvent contestataires, très souvent sans raison, par principe, ayant appris le refus de l'autorité dans le fait que leurs parents aient abdiqué leur autorité des années auparavant. Ils sont facilement manipulables par une idéologie du refus, de l'opposition brutale, du dialogue haineux et simpliste, lors de l'adolescence et plus tard, lorsqu'ils seront des jeunes adultes. Ils ne savent pas de quoi ils parlent, mais n'agissent qu'en négatif, qu'en opposition, qu'en réaction par rapport à un monde qui, justement, ne les traite pas comme les rois qu'ils croyaient être.
-== Insatisfaction et inadaptation chroniques à l'âge adulte ==+Sitôt sortis de l'adolescence, ces enfants voteront. Du fait de leur manque absolu de maturité, ils sont une chair à canon extrêmement docile pour ceux qui peuvent les brosser dans le sens de leur poil {{{G|contestataire}}.
-Ce tableau n'est pas un tableau catastrophiste car, si le phénomène prend de l'ampleur, il est difficile de le mesurer statistiquement et d'estimer véritablement les enfants touchés par ces logiques. Ce tableau sombre cherche à montrer que le péril s'annonce si rien ne se produit au sein d'une opinion publique qui laisse faire, qui cautionne et qui montre dans les médias de nouvelles pathologies mentales de l'enfant sans les mettre en perspective par rapport à notre histoire<ref>On pourra se référer à mon article sur [[la genèse de la société névrotique]].</ref>.+=== Insatisfaction et inadaptation chroniques à l'âge adulte ===
-Le pire, pour ces enfants et pour les adultes qu'ils seront un jour, est de les élever dans la logique de l'insatisfaction et du malheur chronique. Les bonnes intentions des parents, qui peuvent se transformer en un véritable enfer au quotidien pour tout le monde, mènent à rendre leurs enfants malheureux car ces derniers sont éternellement insatisfaits. La relation à l'autre, construite durant l'enfance, en est profondément modifiée, altérée : une certaine frange des nouvelles générations est sacrifiée sur l'autel des grands principes d'éducation de l'enfant roi. Ces enfants-là, quelque soit leur milieu social partent avec un handicap<ref>Le handicap psychologique est bizarrement un débat absent dans notre société. Alors que l'on nous pilonne avec les inégalités matérielles, voulu probablement par là cultiver notre culpabilité, il est très rare de parler des ''inégalités psychologiques'' des enfants, et de la responsabilité de leurs parents dans les troubles psychologiques de l'enfant.</ref>. Une fois adulte, ils errent de révolte en révolte n'ayant rien appris de l'autre, bloqués dans leur égoïsme aux relents paranoïaques<ref>En Chine, toute la génération des jeunes adultes est issue de familles aux enfants uniques, trop gâtés de par ce statut imposé par le gouvernement chinois pour réduire la natalité. Cette génération commence à poser un certain nombre de problèmes structurels à la Chine, en raison de leur égocentrisme forcené et de leur absence de compréhension de la société chinoise. Cela a même poussé le gouvernement chinois à prendre des mesure pour réapprendre la «vie en collectivité» (sic) à ces enfants privilégiés mais parfaitement ingérables.</ref>.+Ce tableau n'est pas un tableau catastrophiste car, si le phénomène prend de l'ampleur, il est difficile de le mesurer statistiquement et d'estimer véritablement les enfants touchés par ces modes de fonctionnement parentaux. Néanmoins, prenons garde aux représentations médiatiques de l'enfance qui vont parfois jusqu'à {{{G|justifier}} les pathologies infantiles, jusqu'à les présenter comme {{{G|normales}}, sans les mettre en perspective par rapport à notre histoire.
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 +Le pire, pour ces enfants et pour les adultes qu'ils seront un jour, est de les élever dans la logique de l'insatisfaction et de la frustration chronique. Les {{{G|bonnes intentions}} des parents, qui peuvent se transformer en un véritable enfer au quotidien pour toute la famille, mènent à rendre leurs enfants ''malheureux'' car ces bonnes intentions génèrent littéralement une insatisfaction structurelle.
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 +La relation à l'autre, construite durant l'enfance, en est profondément modifiée, altérée : une certaine frange des nouvelles générations est sacrifiée sur l'autel des grands principes d'éducation de l'enfant roi. Ces enfants-là, quelque soit leur milieu social partent avec un handicap<ref>Le débat sur le {{{G|handicap psychologique}} est bizarrement un débat absent dans notre société. Alors que l'on nous pilonne avec les inégalités matérielles, voulant probablement par là cultiver notre culpabilité, il est très rare de parler des ''inégalités psychologiques'' des enfants, et de la responsabilité de leurs parents dans les troubles psychologiques de l'enfant.</ref>.
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 +Une fois adulte, les anciens enfants rois errent de révolte en révolte n'ayant rien appris de l'autre. Ils restent bloqués dans leur égoïsme aux relents paranoïaques<ref>En Chine, toute la génération des jeunes adultes est issue de familles aux enfants uniques, trop gâtés de par ce statut imposé par le gouvernement chinois pour réduire la natalité. Cette génération commence à poser un certain nombre de problèmes structurels à la Chine, en raison de leur égocentrisme forcené et de leur absence de compréhension de la société chinoise. Cela a même poussé le gouvernement chinois à prendre des mesure pour réapprendre la «vie en collectivité» (sic) à ces enfants privilégiés mais parfaitement ingérables.</ref>. Le monde est odieux et {{G|méchant}} car il ne les prend pas pour les rois qu'ils avaient toujours cru être.
== Conclusion == == Conclusion ==
-Il faut se méfier de l'héritage que nous laissons à nos enfants, et par conséquent se méfier de celui que nous avons reçu de nos parents. Il est important de réaliser qu'élever des enfants est une ''responsabilité''<ref>Voir mon article sur [[Pouvoir et persona]].</ref> et que si, spontanément, nous ne nous sentions pas prêt à revenir sur nous-mêmes pour résoudre nos problèmes enfouis<ref>Ce que Jung nomme l'[[individuation]].</ref>, nous nous devons de le faire pour eux, afin de ne pas les charger de combats périmés et d'idées absurdes, et de ne pas les affubler des clés de l'insatisfaction latente.+Il faut se méfier de l'héritage que nous laissons à nos enfants, et par conséquent se méfier de celui que nous avons reçu de nos parents. Il est important de réaliser qu'élever des enfants est une ''responsabilité''<ref>Cf. [[Pouvoir et persona]].</ref> et que si, spontanément, nous ne nous sentions pas prêt à revenir sur nous-mêmes pour résoudre nos problèmes enfouis<ref>Ce que Jung nomme [[l'individuation]].</ref>, nous nous devons de le faire pour nos enfants, afin de ne pas les charger de combats périmés et d'idées absurdes, et de ne pas les affubler des clés de l'insatisfaction latente.
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 +== Liens internes ==
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 +* [[Le despotisme de la mère parfaite]].
== Notes == == Notes ==
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[[Catégorie:Inconscient collectif]] [[Catégorie:Inconscient collectif]]
[[Catégorie:France]] [[Catégorie:France]]
 +[[Catégorie:A relire]]

Version actuelle


Plus de cinquante pour cent des décisions d'achat dans un couple sont motivées par l'enfant. Ce simple chiffre, effrayant, est l'arbre cachant la forêt. Plus qu'une forêt, notre société est malade de ses enfants et des comportements dits normaux qu'on accepte chez eux et pis, que l'on encourage.

Sommaire

[modifier] Le changement du rapport des adultes à l'enfant

[modifier] Du désir d'enfant à la volonté intellectuelle d'avoir un enfant

Si l'on reprend l'histoire du XXème siècle, certaines théories font état du fait que la pathologie infantile de {« l'enfant roi » apparaît, dans notre société, il y a environ 15 ans[1], soit quelques années après que la contraception soit entrée dans les mœurs sociales comme une habitude légale.

S'il n'est pas dans notre propos de remettre en cause la contraception, ni sa légalisation, nous allons cependant tenter d'analyser les conséquences d'une telle maîtrise intellectuelle de la procréation, nouveauté dans l'histoire humaine, cela afin d'éviter d'entretenir certains tabous de la société.

La conséquence de la légalisation de la contraception, au niveau psychologique et au niveau de l'inconscient collectif, est le fait que l'enfant est devenu un bien de consommation comme un autre. L'enfant dans notre monde est voulu et non pas désiré. Il est devenu, le plus souvent, le fruit d'une réflexion intellectuelle, et non plus d'un mouvement du cœur, d'une envie. On choisit le moment où l'enfant peut arriver dans le couple, en fonction de critères très intellectuels.

Cette modification est très profonde dans la psychologie des parents. Pour ce qui est de la psychologie de l'enfant, la place qui lui est réservée au sein du couple et au sein de l'histoire de ses parents qu'il n'a pas choisis, est aussi fondamentalement différente. On peut désormais vouloir faire un enfant comme on veut une voiture. On entend partout que l'on a besoin d'un enfant - comme on aurait besoin d'un ordinateur pour écrire son blog en lignes.

[modifier] L'enfant en tant qu'objet

Cette volonté peut aller parfois si loin que le recours à la procréation assistée médicalement se généralise, même hors des problématiques de stérilité physiologiques. La science se met à envisager des utérus artificiels, dont le but est que tout un chacun puisse {« avoir un enfant ». On entend des revendications de {« droit à l'enfant », qui ne sont pas sans rappeler les revendications de {« droit au logement ».

L'enfant, devenu un {« droit », ne devant venir qu'au moment choisi par les parents, se transforme progressivement, dans l'inconscient collectif, en un {« objet ». Il perd de sa réalité psychologique, de son individualité.

Certaines données du passé semblent aussi avoir été oubliées, du fait que l'enfant soit devenu cet objet de consommation. En effet, il est nécessaire de se souvenir que dans le passé, les enfants n'étaient pas forcément vus comme bons. Un enfant mauvais né dans un couple de personnes gentilles peut, dans une certaine mesure, bouleverser en profondeur l'équilibre du couple voire de la famille. L'enfant, de par sa nature propre, peut être la source d'une modification profonde des rapports familiaux, ce qui n'est pas le cas avec les animaux domestiques auxquels, inconsciemment, il est comparé dans la logique matérialiste actuelle.

[modifier] Les croyances de l'homme matérialiste

La transformation psychologique qui mène du désir d'enfant à la volonté intellectuelle d'avoir un enfant maintenant est très significative de la mentalité que nous avons héritée du XXème siècle, cette certitude (matérialiste) que l'homme pouvait maîtriser son destin et son histoire, de manière individuelle dans le cas qui nous occupe, mais aussi de manière collective (dans le cas de théories politiques voire totalitaires).

L'homme est devenu une machine intellectuelle qui se doit de maîtriser tous les paramètres de sa vie : sa vie personnelle, sa vie de couple, sa vie familiale, etc. La philosophie matérialiste a beaucoup vanté ce mode de fonctionnement d'un homme qui contrôlerait de manière totale son champ d'action, et d'une société qui, soit laisserait faire ce contrôle autant que possible (libéralisme), soit l'encadrerait par un contrôle fort de l'état (socialisme). Cette volonté de l'homme intellectuel de maîtriser complètement son destin commence naturellement par asservir la procréation à son bon vouloir.

L'homme matérialiste, en poursuivant des buts de contrôle sur les choses, pense qu'il est sorti d'une certaine morale de type religieux. Or, force est de constater qu'il n'en est rien, mais qu'à la place, il a remplacé un système moral ancien, par un système moral basé sur l'ego. L'ego maîtrise, décide, planifie, {« veut », et suivre les frasques de son ego est déclaré {« bon » pour l'homme, est postulé comme une {« preuve de la liberté de l'homme ».

Cela n'est pas si simple, comme nous allons le voir, notamment dans le cadre de la naissance d'un enfant.

[modifier] Positionnement de l'enfant dans le couple

L'enfant, du fait qu'il est un vu comme un objet, est schématisé selon les modalités de l'inconscient collectif. On ne tâche pas de savoir qui il est ni ce qu'on il a besoin, mais on lui attache des demandes et des comportements archétypaux qui sont ceux de l'enfance, vue au travers des poncifs de la société. Ainsi, l'hypothèse de base de l'optique matérialiste actuellement sous-entendue est que l'arrivée de l'enfant est une {« bonne chose pour le couple », bonne dans la mesure où le couple a voulu l'enfant et que l'enfant arrive. Logiquement, le couple doit être satisfait de cette arrivée : c'est ce qu'il voulait.

Nous glissons, à partir de ce moment, très naturellement vers une autre tendance, projective celle-là. Si le vouloir de l'enfant est bon, alors l'enfant lui-même est bon a priori. Les parents projettent le {« bonheur » d'avoir un enfant sur l'enfant lui-même qui devient {« bon par essence », même si sa présence n'est que le fruit d'une construction intellectuelle des parents. Les parents ont du mal à faire la part des choses entre l'enfant et eux-mêmes, et investissent dans l'enfant cette joie qui ne leur est, somme toute toute, que personnelle.

Cette projection implique deux choses :

  • une pression mise sur l'enfant dès son plus jeune âge, car il est l'objet matérialisé du vouloir des parents,
  • un positionnement qui n'est plus naturel au sein de couple.

Les parents étant très souvent incapables de différencier l'enfant d'eux-mêmes, sur un plan psychologique[2], ils font tout pour séduire l'enfant, pour éviter les conflits avec l'enfant, pour permettre naïvement à l'enfant d'apprendre seul la vie. Ce travers leur vient directement de l'inconscient collectif qui prône une liberté accrue des adultes, liberté que l'adulte aurait voulu pour lui, et qu'il projette un peu naïvement dans les désirs de l'enfant.

[modifier] L'enfant roi, fruit de la projection des désirs parentaux conscients et refoulés

Or, c'est bien mal connaître l'enfance que de laisser l'enfant apprendre la vie seul. L'enfant n'est pas encore construit socialement, il lui faut donc un certain nombre de limites dans la famille si l'on veut qu'il puisse vivre correctement en société plus tard. Nous noterons que certains parents font des erreurs continuelles d'interprétations des actes de leur enfant, poussés qu'ils sont par l'aveuglement dû à leur projection d'adulte sur l'enfant. Ainsi, quand l'enfant fait un caprice, ils y voient leur volonté de rébellion contre la société, voire leurs révoltes adolescentes contre l'autorité familiale. Ils prennent donc sur eux, donnent à l'enfant ce qu'il veut, tout en pensant que l'enfant est {« précoce », alors que ce dernier n'agit que par pur caprice et cherche seulement les limites.

D'une certaine façons, ils volent l'enfance de leur enfant en interprétant toujours faussement ses recherches de limites par des comportements pré-adolescents ; ils empêchent l'enfant de vivre dans un cercle restreint de libertés son enfance. L'enfant étant un objet projectif des parents, ces derniers ne lui donnent pas la possibilité de faire ses découvertes à son propre niveau, dans un cadre bien délimité où certaines choses sont autorisées et d'autres sont interdites.

L'enfant sans limite va, par conséquent, se construire d'une manière instable, prenant certains traits d'adulte avant l'âge, usant d'argumentaires d'adultes pour justifier ses caprices, et étant parfois totalement incapable de trouver du plaisir dans les jeux d'enfants.

Cette attitude projective des parents constitue chez l'enfant la pathologie de l'enfant roi. Un enfant roi est un enfant qui n'a jamais connu de limites, un enfant qui ressent une injustice insupportable dès lors que la moindre des contradictions vient le perturber - quand par exemple, ses parents ne lui achètent pas ce qu'il veut, tout de suite. L'enfant devient le dictateur de la maison, ne sait que fonctionner en mode {« caprice » et ne sait pas :

  • désirer une chose avant de l'avoir,
  • attendre,
  • être seul et s'amuser seul,
  • gérer le {« non » de n'importe quelle autorité.

[modifier] L'enfant roi, consommateur privilégié

L'inconscient collectif social, poussé par l'{« enfant roi consommateur », encourage cette postulation de l'enfant en tant que dictateur du couple, en tant qu'arbitre, un arbitre au comportement incohérent car non encore formé par son éducation. En guise d'{« éducation », il n'a en effet reçu que des {« béni oui oui ». Il y a donc une logique dans la névrose infantile : le monde externe doit fonctionner comme ses parents fonctionnent avec lui : il est le centre du monde, et tous les adultes sont asservis à ce qu'il désire.

Très tôt, l'enfant apprendra à mépriser ses parents et l'enfant roi deviendra potentiellement un adolescent à problèmes.

[modifier] Le rôle de la société dans la pathologie de l'enfant roi

[modifier] Une méfiance collective pour les {« contraintes » de l'éducation

On pourra poser la question du pourquoi du silence de la société envers des enfants qui deviennent des périls pour eux-mêmes et pour les autres dès l'adolescence (voire même avant). Pourquoi la société semble-t-elle encourager à ce point cette vision absurde et inepte des relations entre parents et enfants, relations qui peuvent être saines si elles sont basées sur un cadre éducatif, un respect mutuel des différences et une non interchangeabilité des rôles entre adulte et enfant.

Une ébauche de réponse se fonde sur la constatation des tabous incrustés dans notre inconscient collectif social à soulever la question de l'éducation des enfants. Pourquoi ? Une des pistes pouvant conduire à la réponse à cette question est que la notion d'éducation est, aujourd'hui, fortement teintée d'histoire du XXème siècle. Quand on dit éducation, on pense « contraintes », « brutalité », « manipulation », « fascisme », « totalitarisme ». Quand on dit autorité avec ses enfants, on pense « violence », on pense « autoritarisme ». Quand on dit « limites », on pense à des principes moraux - symbole de l'ultime horreur sociale - voire religieux. On pense endoctrinement. De là vient la culpabilité des parents d'infliger une éducation à l'enfant. L'éducation est devenue synonyme de {« contrainte » pour l'enfant, de {« mauvais traitement ».

Le message social souligne cette direction : il est culpabilisant et moralisateur. Il est de bon ton de dire qu'un enfant ne doit avoir de contraintes pour se développer, de dire qu'un enfant peut apprendre la vie seul. Tout message inverse est de suite interprété comme celui d'un tortionnaire ou d'un réactionnaire dans une opinion publique où l'héritage de 68 fait long feu : pas de contrainte, pas d'autorité, plus de liberté[3]. Même l'Education Nationale doit prendre garde à ne pas traumatiser l'enfant en lui donnant de {« trop mauvaises notes ».

[modifier] Des parents intellectuels dans une société intellectuelle

Les parents actuels sont les dignes héritiers d'un siècle dont on nous dit qu'il a détruit toutes les grandes utopies. Cette destruction s'est accompagnée d'une mise en place de tabous à de nombreux endroits, de conclusions historiques simplistes, de peurs que les adultes colportent sans trop savoir si elles sont les leurs ou si elles ne sont que légendes.

Ces peurs, les adultes les projettent sur leurs enfants, de la manière la plus basique qui soit :

  • en les considérant à la fois comme leurs égaux, voire comme leurs maîtres, mais aussi comme des objets de consommation ;
  • en se débattant avec leurs caprices afin de leur construire un cocon totalement décalé des contraintes du monde réel.

Les parents des enfants rois ont un côté immature qui les fait rendre un culte à l'enfant qui les martyrise. Ils ont, la plupart du temps, {« oublié » leur passé d'enfant, passé dans lequel ils avaient, eux, des limites. Ils sont bloqués dans la logique des preuves matérielles d'amour[4] pour l'enfant, enfant qui a priori ne demande pas de cadeaux ou d'abdications pour aimer ses parents. Ils sont restés dans une approche très intellectuelle du monde, depuis le vouloir d'enfant jusqu'à son absence d'éducation et de limites.

Or l'approche intellectuelle favorise la projection des zones refoulées de notre psyché. Si l'intellectuel prétend tout maîtriser et tout saisir, les refoulement de son passé sortent dans son comportement sans même qu'il s'en aperçoive.

[modifier] Construction et futur de l'enfant

[modifier] Les dangers pour la construction de l'enfant

Les conséquences sur les enfants sont multiples :

  • les enfants s'habituent vite à ne trouver leur plaisir que dans l'abdication des autres (et en particulier des adultes) face à leur volonté propre ;
  • les enfants n'apprennent pas la notion du temps, de la patience ;
  • ils s'imbibent des angoisses temporelles de leurs parents et vivent tout retard, dans le plaisir immédiat, comme une blessure profonde, comme une négation de ce qu'ils sont (ce qui est normal car ils ont été postulés comme tels par les parents eux-mêmes) ;
  • ils deviennent insensibles au désir mais sont pilotés par le vouloir (à l'instar de leurs parents) ;
  • les enfants vivent dans la course constante au plaisir immédiat, reformulent la peur de l'autorité de leur parents de manière extrême, et peuvent devenir totalement asociaux voire très agressifs[5].

La période d'adolescence montre des enfants complètement destructurés[6], qui peuvent avoir contribué à l'explosion du couple de leurs parents (pour peu que l'estimation des limites à imposer soit divergente entre les deux membres du couple), qui peuvent battre leurs parents, les insulter, avoir des comportements violents sans que l'empathie ne leur ait été inculquée[7], sans que le souci de l'autre - même dans une version minimale - ne leur ait été enseigné ou même montré comme exemple.

Les enfants rois devenus adolescents sont souvent contestataires, très souvent sans raison, par principe, ayant appris le refus de l'autorité dans le fait que leurs parents aient abdiqué leur autorité des années auparavant. Ils sont facilement manipulables par une idéologie du refus, de l'opposition brutale, du dialogue haineux et simpliste, lors de l'adolescence et plus tard, lorsqu'ils seront des jeunes adultes. Ils ne savent pas de quoi ils parlent, mais n'agissent qu'en négatif, qu'en opposition, qu'en réaction par rapport à un monde qui, justement, ne les traite pas comme les rois qu'ils croyaient être.

Sitôt sortis de l'adolescence, ces enfants voteront. Du fait de leur manque absolu de maturité, ils sont une chair à canon extrêmement docile pour ceux qui peuvent les brosser dans le sens de leur poil {« contestataire ».

[modifier] Insatisfaction et inadaptation chroniques à l'âge adulte

Ce tableau n'est pas un tableau catastrophiste car, si le phénomène prend de l'ampleur, il est difficile de le mesurer statistiquement et d'estimer véritablement les enfants touchés par ces modes de fonctionnement parentaux. Néanmoins, prenons garde aux représentations médiatiques de l'enfance qui vont parfois jusqu'à {« justifier » les pathologies infantiles, jusqu'à les présenter comme {« normales », sans les mettre en perspective par rapport à notre histoire.

Le pire, pour ces enfants et pour les adultes qu'ils seront un jour, est de les élever dans la logique de l'insatisfaction et de la frustration chronique. Les {« bonnes intentions » des parents, qui peuvent se transformer en un véritable enfer au quotidien pour toute la famille, mènent à rendre leurs enfants malheureux car ces bonnes intentions génèrent littéralement une insatisfaction structurelle.

La relation à l'autre, construite durant l'enfance, en est profondément modifiée, altérée : une certaine frange des nouvelles générations est sacrifiée sur l'autel des grands principes d'éducation de l'enfant roi. Ces enfants-là, quelque soit leur milieu social partent avec un handicap[8].

Une fois adulte, les anciens enfants rois errent de révolte en révolte n'ayant rien appris de l'autre. Ils restent bloqués dans leur égoïsme aux relents paranoïaques[9]. Le monde est odieux et « méchant » car il ne les prend pas pour les rois qu'ils avaient toujours cru être.

[modifier] Conclusion

Il faut se méfier de l'héritage que nous laissons à nos enfants, et par conséquent se méfier de celui que nous avons reçu de nos parents. Il est important de réaliser qu'élever des enfants est une responsabilité[10] et que si, spontanément, nous ne nous sentions pas prêt à revenir sur nous-mêmes pour résoudre nos problèmes enfouis[11], nous nous devons de le faire pour nos enfants, afin de ne pas les charger de combats périmés et d'idées absurdes, et de ne pas les affubler des clés de l'insatisfaction latente.

[modifier] Liens internes

[modifier] Notes

  1. Cf. par exemple Les pères et les mères, Aldo Naouri.
  2. Cf. L'éternelle adolescence.
  3. Voir La genèse de la société névrotique.
  4. Cf. Le couple fusionnel.
  5. On pourra se référer aux études de Dolto sur les adolescents pour entrevoir les pathologies développées plus tard.
  6. Cf. l'éternelle adolescence.
  7. Cf. Le manque d'empathie comme culture.
  8. Le débat sur le {« handicap psychologique » est bizarrement un débat absent dans notre société. Alors que l'on nous pilonne avec les inégalités matérielles, voulant probablement par là cultiver notre culpabilité, il est très rare de parler des inégalités psychologiques des enfants, et de la responsabilité de leurs parents dans les troubles psychologiques de l'enfant.
  9. En Chine, toute la génération des jeunes adultes est issue de familles aux enfants uniques, trop gâtés de par ce statut imposé par le gouvernement chinois pour réduire la natalité. Cette génération commence à poser un certain nombre de problèmes structurels à la Chine, en raison de leur égocentrisme forcené et de leur absence de compréhension de la société chinoise. Cela a même poussé le gouvernement chinois à prendre des mesure pour réapprendre la «vie en collectivité» (sic) à ces enfants privilégiés mais parfaitement ingérables.
  10. Cf. Pouvoir et persona.
  11. Ce que Jung nomme l'individuation.