L'affaire Moore au festival de Cannes 2004

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Ou comment la politique simpliste vient masquer les problèmes de la création cinématographique.

Sommaire

[modifier] Introduction

Autant le dire tout de suite, je ne suis pas un fan de Moore. Mickael Moore est un réalisateur au message simpliste et grossier, utilisant les principes de la télé réalité qu'il condamne (choix de personnes dans la détresse et accusation facile de tous les soi-disant responsables). Ce genre de documentaire peut choquer l'américain très moyen ou le faire douter en lui proposant, comme alternative aux médias pro-Bush, une voix basique, simpliste, accusatrice, identique sur le plan formel : une opposition pure et simple avec désignation de méchants - cela rappelle fortement la logique de l'« axe du mal ». De plus, Moore est prétentieux, moralisateur, égocentrique parfois jusqu'au narcissisme, centré uniquement sur les Etats-Unis et méprisant du reste du monde[1]. A la grosse artillerie de l'adhésion à la politique de Bush, Moore répond par une grosse artillerie anti-Bush.

[modifier] Le petit monde bien pensant de l'immédiateté

Moore a la Palme, décernée par un jury sous la coupe de Tarentino, réalisateur psychotique à la réputation très largement surfaite, mais travaillant pour la même société de production que Moore. Instrumentalisé par les américains, le festival de Cannes ? C'est possible. On découvre en tout cas dans ce non-événement plusieurs points intéressants.

Le premier est que, depuis quelques années, le cinéma à Cannes est l'image d'une production assez navrante s'éloignant de plus en plus de véritables considérations artistiques. Le fait que les productions du cinéma soient, en moyenne, d'une piètre qualité induit la mise sur le devant de la scène d'œuvres dites engagées, favorisant des visions simplistes et binaires de la société. Cette palme, au delà de la victoire de Moore, peut apparaître comme une défaite pour le cinéma tout entier. Que dira-t-on de ce film dans seulement dix ans ? Que dira-t-on de ce reportage pamphlet hors de la circonstance de la guerre en Irak ? Ce film restera-t-il dans l'histoire du cinéma ? Non. Dans l'histoire du documentaire ? Non.

[modifier] Cannes en chute libre

Le second est la confirmation que Cannes se plie aux nécessités de la mode, du provisoire, de l'évanescent, et se vante d'être avant-gardiste, engagé, courageux. On est rassuré de voir qu'un américain pense comme nous, Français basiques sortant à peine de longues périodes d'anti-américanisme primaire. Justement, il y aurait, sur ce point, des choses à creuser. Car si le monde des faux-culs bien pensants se félicite de cette palme qui est une « claque à Bush », nous devrions penser un peu plus au donneur de la claque et au fait que Moore est un américain qui a prouvé par le passé un grand mépris pour le vieux continent. Nous devrions nous méfier un peu plus de devenir les porte-étendards de ce message guerrier dont la structure est identique en tous points au message de Bush - les bonnes intentions y compris.

[modifier] Conclusion

L'unanimité d'un jury en France se fait une fois de plus contre quelqu'un et non pas pour quelqu'un ou quelque chose, par exemple pour le cinéma qui semble traverser une mauvaise passe (encore que tous les continents ne soient pas touchés de la même façon). C'est navrant. La vraie bonne surprise dans cette affaire est néanmoins la réaction de la presse française qui, même porteuse de messages anti-Bush primaires il y a quelques mois, pour une fois, a exprimé ses doutes quant au palmarès.

A force de primer des lourdauds, on s'étonnera que les festivals de Venise ou de Berlin attirent de plus en plus les grands réalisateurs et que le festival cannois ne devienne une vitrine pour les films refusés ailleurs.

[modifier] Notes

  1. Voir The Big One pour découvrir sa vision étonnamment conventionnelle de la politique extérieure économique des Etats-Unis.