Krishnamurti, le prophète sans disciple

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Sommaire

Introduction

La pensée de Krisnamurti est une pensée originale qui puise ses racines à la fois dans les traditions hindouiste et bouddhiste mais aussi dans une révolte très « occidentale » envers les phénomènes sectaires dont il fut longtemps le jouet. Comme nous allons le voir, Krishnamurti est à la fois un fils de l'Inde, en ce qu'il pratique un genre de prosélytisme très commun dans la culture indienne, mais il est aussi un fils de la culture occidentale dans la mesure où sa focalisation sur le conditionnement est une préoccupation principalement occidentale.

Nous exposerons brièvement la pensée de Krishnamurti dans cet article et indiquerons pourquoi, à notre sens, cette pensée, quoique qu'emprunte d'une très profonde humanité, nous paraît manquer de perspective. Nous comparerons la pensée spirituelle de Krishnamurti avec la pensée spirituelle monothéiste afin de dégager quels sont pour nous les manques de ce type de pensée. Nous tenterons enfin d'expliquer ces manques par les positions de Krishnamurti lui-même.

Le conflit

La pensée de Krishnamurti prend comme point de départ le mode conflictuel dans lequel la plupart des personnes vivent. Il pointe du doigt plusieurs choses :

  • que les conflits sont générateur de souffrance,
  • que les les conflits extérieurs sont l'illustration des conflits intérieurs.

Dans le positionnement de la souffrance au cœur de l'aventure humaine, Krishnamurti n'est pas sans rappeler le constat du Bouddha. Néanmoins, Krishnamurti insiste plus sur l'état de conflit que sur sa conséquence l'état de souffrance. Dans de longues discussions soit face à un public, soit face à un interlocuteur donné, Krishnamurti développe une explication plus poussée de cet état de conflit.

Le conflit pour lui résulte du besoin de sécurité de chaque personne. Il indique que chaque personne possède un certain besoin de sécurité physique qui peut être comblé sans que le conflit ne naisse obligatoirement entre les personnes. Il s'agit d'avoir un toît, à manger et de quoi se vêtir. En revanche, le besoin de sécurité psychologique est lui tout à fait destructeur dans la mesure où l'esprit n'est jamais en état de paix mais en état de conflit.

Il s'ensuit le paradoxe suivant : l'esprit étant en perpétuel conflit, il souhaite construire une sécurité matérielle, "extérieure", en ne réalisant pas qu'il faudrait construire de sécurité "intérieure". De ce fait, toute construction de sécurité extérieure ne peut mener à la paix intérieure tant que l'esprit nage dans ses propres conflits. De la résulte, pour Krishnamurti, l'état de conflits extérieur du monde.

Un esprit divisé

Le monde, comme l'esprit, est selon Krishnamurti divisé, et cette division implique le conflit. L'esprit est divisé pour plusieurs raisons, et nous touchons là à un des fondamentaux de la pensée hindoue. L'esprit est divisé quand il n'est pas en repos. L'activité de la pensée est une activité analytique qui divise les choses au lieu de les rassembler. L'activité de la pensée est une activité qui ne voit pas les choses dans leur totalité. A l'instar de beaucoup de penseurs ou religieux indiens, Krishnamurti pointe l'activité de la pensée comme une activité qui fonde la possibilité des conflits.

L'observateur et l'observé

La première division fondamentale qu'opère la pensée en nous est de nous diviser entre observateur et observé. Lorsque nous parlons de nous-mêmes, nous parlons de l'observé, de nous-mêmes, en tant qu'observé, observé par nous-mêmes, en tant qu'observateur. Lorsque nous jugeons que nous faisons bien ou mal telle ou telle chose, que nous voudrions faire autrement un certain nombre de choses, que nous sommes performants, modestes, râleurs, feignants, que cet état est considéré comme bien ou comme mal, l'observateur intérieur juge l'observé intérieur en le critiquant.

Cette dichotomie fondamentale est, en Occident, celle dite de la "conscience". Si j'ai conscience de moi, alors je peux opérer légitimement cette séparation entre le "je" qui juge et le "je" qui est jugé. C'est cette légitimité qui est contestée par Krishnamurti. En effet, selon lui, l'observateur et l'observé ne font qu'un et maintenir cette division ne fait que provoquer des conflits intérieurs, conflits entre observateur et observé. Ces conflits s'illustrent immanquablement à l'extérieur de soi-même, en raison du fait que le conflit intérieur ne peut être résolu. L'esprit trouve donc des échappatoires soit en projetant le conflit non résolu à l'extérieur, soit en compensant par une volonté d'ordre disproportionné, volonté qui engendre inévitablement le conflit.

Cette analyse psychologique fine de Krishnamurti le positionne clairement dans une tradition hindouiste, tradition dans laquelle

La mesure