Intervention des types psychologiques dans les problèmes de couple

Un article de Caverne des 1001 nuits.

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* le couple est capable de comprendre, de manière commune, l'intérêt d'une projection intellectuelle dans un futur sur lequel ils ont explicité des règles de fonctionnement intellectuel : les deux membres du couple sont donc N, intuitifs. * le couple est capable de comprendre, de manière commune, l'intérêt d'une projection intellectuelle dans un futur sur lequel ils ont explicité des règles de fonctionnement intellectuel : les deux membres du couple sont donc N, intuitifs.
-Nous en arrivons donc à la conclusion que le modèle de couple vanté par le {{G|contre-philosophe}} est un couple homogène de profil ENT. Si l'on reprend l'hypothèse, dont nous parlions en début d'article, selon laquelle chaque combinaison est équi-répartie sur les couples (voir tableau 1), nous comptons une possibilité théorique de constitution de ce couple de ''1 cas sur 36''. Notons que, pour la plupart des couples, de que demande le philosophe est parfaitement irréalisable.+Nous en arrivons donc à la conclusion que le modèle de couple vanté par le {{G|contre-philosophe}} est un couple homogène de profil ENT. Si l'on reprend l'hypothèse, dont nous parlions en début d'article, selon laquelle chaque combinaison est équi-répartie sur les couples (voir tableau 1), nous comptons une possibilité théorique de constitution de ce couple de ''1 cas sur 36''. Notons que, pour la plupart des couples, ce que propose le philosophe est parfaitement irréalisable.
Si nous allons un peu plus loin dans l'analyse, Michel Onfray est un extraverti (E), intellectuel (T) et se projetant sur l'avenir (N). Son {{G|couple hédoniste}} ressemble donc à s'y méprendre à lui-même : ENT/ENT. Son {{G|modèle de couple}} est donc une image projective de lui-même, un pur narcissisme. Le fait qu'il vante cette image nous montre à quel point la différence de nature de l'autre lui est inconnue, même s'il étudie les {{G|idées}} des autres. Car, se placer dans le domaine purement intellectuel est déjà une fermeture au monde. Si nous allons un peu plus loin dans l'analyse, Michel Onfray est un extraverti (E), intellectuel (T) et se projetant sur l'avenir (N). Son {{G|couple hédoniste}} ressemble donc à s'y méprendre à lui-même : ENT/ENT. Son {{G|modèle de couple}} est donc une image projective de lui-même, un pur narcissisme. Le fait qu'il vante cette image nous montre à quel point la différence de nature de l'autre lui est inconnue, même s'il étudie les {{G|idées}} des autres. Car, se placer dans le domaine purement intellectuel est déjà une fermeture au monde.

Version du 11 août 2007 à 21:01

Dans son ouvrage Les types psychologiques, Jung définit trois grandes paires de caractéristiques de la psyché humaine, caractéristiques qu'il fonde à la fois sur sa pratique de la psychanalyse mais aussi sur une étude assez poussée de la différenciation psychologique au cours des différentes époques pré et post-chrétiennes. Ces caractéristiques se divisent en deux ensembles : les types d'un côté et les fonctions de l'autre.

Sommaire

Pré-requis

Les types psychologiques en quelques mots

Les types psychologiques de Jung sont au nombre de deux :

  • introversion
  • extraversion.

Ces deux notions ne sont pas à entendre tout à fait au sens où ces termes sont entrés dans le langage courant. En effet, ces types psychologiques ont une composante énergétique très forte :

  • l'extraverti prend son énergie principalement du monde,
  • l'introverti prend son énergie principalement de lui-même.

Il en résulte une tendance pour l'introverti à être plutôt renfermé et distant, précautionneux, et une tendance pour l'extraverti à être expansif, liant et parfois superficiel. On notera toutefois qu'il se trouve assez fréquemment des extravertis contrariés agissant comme des introvertis et des introvertis contrariés tentant d'agir comme des extravertis. Ces « contrariétés » sont souvent des sources de dissociation névrotique, soit d'une distance prise entre l'habitude de faire une chose et la réalité du soi.

Notons que ces types ne sont que des dominantes et que chacun d'entre nous possède une inclinaison plus ou moins prononcée vers l'un ou l'autre de ces types. En effet, on ne peut pas être des deux types à la fois même si certaines personnes sortent, à l'occasion de tests psychologiques, comme relativement équilibrées par rapport aux types (dominante très légère pour l'un des deux types). On a coutume de symboliser l'introverti par un “I” tandis que l'on symbolise l'extraverti par un “E”.

Les fonctions psychologiques en quelques mots

Les fonctions psychologiques sont au nombre de quatre :

  • la pensée (sous-entendu l'intellect),
  • le sentiment (sous entendu les affects),
  • la sensation (sous-entendu notre faculté à nous placer dans le présent et à percevoir le présent),
  • l'intuition (ou notre faculté à envisager l'avenir).

Ces quatre fonctions vont aussi par paire, mais d'une manière moins claire que pour les types. En effet, chaque être humain a des facultés plus ou moins développées dans les quatre fonctions psychologiques, qui sont nécessaires à son fonctionnement quotidien. Néanmoins, certaines dominantes dans des domaines s'accompagnent d'une moindre utilisation d'une autre fonction, exhibant ainsi les couples fonctionnels :

  • pensée/sentiment,
  • sensation/intuition.

Si une personne a une tendance naturelle à approcher les choses au travers de son intellect, le côté sentimental passera souvent mécaniquement au second plan, et vice-versa.

Le cas des personnes intuitives est aussi intéressant car ces personnes ont souvent tendance à aborder les problèmes de la vie en tentant de trouver une solution à long terme, alors qu'ils auront du mal à percevoir le problème immédiat. A l'inverse, les « perceptifs » (ceux dont l'appréhension du monde est plutôt basée sur la sensation) auront eux plus de mal à envisager des solutions qui ne répondent pas à un problème se posant dans le présent.

On reprendra la notation anglo-saxonne des fonctions (afin de donner au lecteur des moyens de continuer une éventuelle investigation sur les types psychologiques sur le net) en gardant le même vocabulaire :

  • la fonction pensée : “T” pour Think,
  • la fonction sentiment : “F” pour Feeling,
  • la fonction sensation : “S” pour Sensation,
  • la fonction intuition : “N” pour iNtuition.

La vision de Myers et Briggs

Myers et Briggs sont deux psychanalystes junguiennes qui ont ajouté une dimension d'organisation par rapport aux travaux originaux de Jung. Cette dimension juge la capacité d'organisation de la personne et son aptitude à respecter les lois.

Ainsi :

  • une personne ordonnée sera dénommée Judge (J),
  • une non ordonnée plus intuitive matériellement sera dénommée Perceiving (P)[1].

Cette dimension supplémentaire est quelque peu ambiguë dans la mesure où elle peut être plus acquise qu'elle n'est innée, et peut relever plus d'un inconscient collectif social que d'un trait de personnalité propre[2].

Huit types de psychés

Cependant, nous nous limiterons aux trois couples de caractéristiques définis par Jung dans le cadre de cet article même si le couple défini par Myers and Briggs pourrait éclairer des situations de couples de nationalité différente. Il est clair que passer sous silence cet indicateur illustre pour nous la volonté de se concentrer sur les problèmes de couples liés aux personnalités des protagonistes, et non sur leur aptitude à gérer ou pas un quotidien matériel[3].

Ainsi, avec les deux types et les quatre fonctions, on obtient un ensemble de huit combinaisons de «dominantes» :

  • INT : introverti intuitif intellectuel,
  • INF : introverti intuitif affectif,
  • IST : introverti sensitif intellectuel,
  • ISF : introverti sensitif affectif,
  • ENT : extraverti intuitif intellectuel,
  • ENF : extraverti intuitif affectif,
  • EST : extraverti sensitif intellectuel,
  • ESF : extraverti sensitif affectif.

Il est bien entendu assez dérangeant de voir ainsi ses dominantes psychologiques pouvoir être placées au sein de l'une des huit boîtes que voilà[4].

Néanmoins, l'aspect positif majeur d'une telle classification est de ne pas juger de la psychologie des personnes mais de reconnaître que cette dernière existe et est différente le cas échéant de la sienne. C'est donc à une véritable leçon sur la différence et sur la tolérance à laquelle nous convie Jung, sachant que pour lui, cette classification ne fait état que de dominantes de fonctionnement et ne vise pas à être un modèle de représentation complet de la psyché, ni de la singularité des individus.

Pour aborder les problèmes de couple de manière exhaustive, exhaustivité relative à notre modèle, il faudrait donc étudier les trente-six cas résultant de la combinaison de deux psychologies prises parmi les huit décrites ci-dessus.

Type 1 >

Type 2

INT INF IST ISF ENT ENF EST ESF
INT 1 - - - - - - -
INF 2 9 - - - - - -
IST 3 10 16 - - - - -
ISF 4 11 17 22 - - - -
ENT 5 12 18 23 27 - - -
ENF 6 13 19 24 28 31 - -
EST 7 14 20 25 29 32 34 -
ESF 8 15 21 26 30 33 35 36


Tableau 1 : les trente-six combinaisons de la psychologie du couple.


Au sein de ces trente six cas, les cas en gras (ceux de la diagonale), sont des cas un peu particulier dans lesquels les personnalités des deux membres du couple tendent, psychologiquement, vers les mêmes dominantes. Hormis des cas de psychopathologie[5], on pourra dire que ce genre de couple est, théoriquement, celui qui a le plus de chances de percevoir le monde de la même façon, soit un couple sur trente-six (si les types psychologiques ont une répartition statistique équiprobable, ce que ne semblent pas montrer les rares études qui ont été menées sur le sujet).

Si l'hypothèse selon laquelle les dominantes psychologiques des individus peuvent être équi-réparties sur la population sur les huit types psychologiques est raisonnable dans l'absolu (encore une fois, cette hypothèse ne fait l'objet que de très rares travaux), le fait que les trente-six sortes de couples soient équi-répartis au niveau statistiques (soit une proportion de représentation de chaque type de couple à un peu moins de 2.8%) est peu probable.

Premiers éléments sur le couple

Introduction

Cette approche nous semble quelque peu réductrice dans la mesure où l'on tente d'étudier le couple soit selon ses différences de type (introverti versus extraverti) soit selon ses différences de couples de fonctions). Néanmoins, cette approche permet de cadrer un peu les différentes dimensions qui, une fois combinées ensemble, pourront avoir un poids dans les problèmes de couple.

Nous allons rapidement brosser quelques généralités dans ce domaine, généralités qui n'ont pas la prétention d'être exhaustives, mais de donner un cadre global permettant de mieux comprendre comment la dominante d'un type ou d'une fonction psychologique chez l'un ou l'autre des membres du couple peut jouer un rôle dans la probabilité de conflit.

Types psychologiques semblables, cas I/I

Un couple de deux introvertis sera a priori un couple calme. L'introversion a ceci de particulier que chaque personne introvertie peut trouver un espace personnel qui ne nécessite pas forcément un dialogue important à l'autre. L'énergie de la personne introvertie étant prise préférentiellement au sein d'elle-même, nous aurons tendance à dire qu'un couple d'introvertis ne sera pas trop porté sur les manifestations conflictuelles.

Le risque de ce type de couples est un certain ennui. En effet, si aucun des deux n'échange avec l'autre et si chacun se satisfait de son mode de fonctionnement personnel, la cohabitation est certes pacifique et non conflictuelle, mais elle risque de ne pas être très enrichissante. Un membre d'un couple dans l'ennui peut être facilement séduit par n'importe quelle personne extravertie passant dans le voisinage et apportant un potentiel d'ouverture sur le monde.

On notera qu'un homme introverti dans un couple d'introverti pourra néanmoins être source de problèmes pour sa femme introvertie dans un certain mode de représentation sociale. L'homme est censé, au sein des poncifs de la société, être un élément protecteur. Une femme introvertie pourrait reprocher à son mari de ne pas être assez extraverti pour défendre le couple, notamment lorsque celui-ci est attaqué. L'introverti choisira, en effet, souvent l'évitement du conflit, se sachant mal armé pour faire face à une agression d'une personne extravertie.

Dans ce type de configuration I/I, nous noterons plutôt des risques externes au couple, plutôt que des risques internes, même si nous verrons dans la suite de l'article que cette analyse mono dimensionnelle peut être tempérée par d'autres éléments.

Types psychologiques semblables, cas E/E

Le couple d'extravertis est lui aussi compatible a priori. Ce couple fonctionne souvent beaucoup sur les discussions, discussions pilotées par l'énergie prise du monde par les deux protagonistes. Le risque de ce couple réside dans son rapport exclusivement tourné vers l'extérieur et donc dans le fait que le monde extérieur soit une source de conflits, notamment de conflits d'opinions.

En effet, c'est par exemple dans ce type de couples que les problèmes d'opinion politique peuvent devenir cruciaux, alors que les opinions en elles-mêmes ne possèdent rien, a priori, pour être une cause conflictuelle dans un couple I/I. L'extraverti se nourrissant du monde, attaquer ses opinions peut devenir une attaque ressentie comme personnelle, comme nous allons le voir dans la suite de l'article.

Un des risques de ce type de couple réside dans la superficialité des débats que le monde apporte et qui peuvent constituer la base de la communication du couple. Etant toujours tournés vers l'extérieur, les membres d'un couple E/E risquent d'en oublier leur propre personne au profit d'une intervention toujours très importante des opinions sur le monde dans leurs problèmes de couple.

On notera aussi, dans un certain nombre de cas, des mécaniques de compétition (génératrices de conflits) entre les deux protagonistes extravertis : en effet, celui qui mène la discussion a un avantage, et il se peut, dans des cas extrêmes, que le problème de communication au sein du couple vienne du fait que chacun souhaite s'exprimer et qu'aucun ne sait véritablement écouter l'autre.

Comme dans le cas I/I, mais de manière plus aigüe peut-être, le risque principal du couple E/E est externe et réside dans le fait de trop faire entrer le monde extérieur au sein du couple (travail, politique, inquiétudes sociales, etc.).

Types psychologiques opposés, cas E/I

Une configuration risquée

Ce type de couple exhibe une manière de prendre l'énergie de soi ou du monde fondamentalement différente entre les deux membres du couple. Le risque de ce type de couple réside dans la projection inconsciente de l'un sur l'autre. En d'autres termes :

  • la personne extravertie pourra reprocher à la personne introvertie de ne pas participer aux discussions, d'être renfermée, de ne montrer que peu d'intérêt à ce qui l'intéresse, elle ;
  • la personne introvertie pourra reprocher à la personne extravertie d'être agressive, de toujours parler du monde alors que ces sujets n'ont pas d'importance, d'imposer une pression dont la personne introvertie ne peut que se défendre en se renfermant et en attendant que le monologue de l'extraverti ne passe.

Ce mode de fonctionnement pose un problème fondamental dans le couple. Car deux solutions s'offrent alors au couple :

  • la frustration,
  • l'acceptation de la différence de l'autre et sa représentation mentale.

La frustration

La frustration est le mode de fonctionnement le plus courant. Il faut noter que lorsqu'il y a frustration, cette frustration est souvent partagée par les deux membres du couple E/I. La personne introverti se sent agressée, diminuée, incomprise, et ne comprend pas la personne extravertie. La personne extravertie se sent seule, non écoutée, et peut conclure que la personne introvertie ne s'intéresse pas à elle.

Chacune des deux personnes peut conclure que l'autre ne l'aime pas, ne comprenant pas que cette conclusion signifie inconsciemment que l'amour attendu réside dans le fait que l'autre aime s'il montre qu'il est comme soi-même.

Le problème, c'est l'autre

La frustration peut aussi induire un mode de fonctionnement dans le couple dans lequel la personne introvertie va trouver un équilibre dans le comportement de « laisser parler » la personne extravertie ; cette dernière aura l'impression qu'on l'écoute, même si ce n'est pas totalement vrai. La frustration sera limitée par un jeu de masques impliquant que l'amour s'accompagne nécessairement de la tolérance aux « travers » de l'autre, chacun des deux protagonistes trouvant chez l'autre, le défaut fondamental de n'être pas comme lui-même.

L'acceptation de la différence de l'autre

L'acceptation de la différence de l'autre est une solution plus complexe à trouver dans la mesure où trouver une solution requiert de parler et d'écouter. Cela implique un effort très important des deux protagonistes pour comprendre qu'ils ne fonctionnent pas de la même façon.

Car, pour entamer le débat de fond, il faut :

  • que la personne extravertie se concentre sur un sujet important, et non sur un sujet externe au couple et venant du monde,
  • que la personne extravertie écoute sans couper systématiquement la parole à l'autre pour arriver à parler d'elle-même,
  • que la personne introvertie parle,
  • que la personne introvertie, qui n'a pas l'habitude de parler, parvienne à trouver les mots justes pour que l'autre la comprenne.

Une fois cette discussion entamée, la personne extravertie aura toujours tendance à ramener les choses à sa propre expérience du monde ; aussi il faudra dans le couple une grande dose de patience de l'un par rapport à l'autre pour mener cette discussion fertile. L'alternative est, comme nous l'avons vu, la frustration et par conséquent, la sécurisation des deux protagonistes sur leurs travers de toujours : l'extraverti parle, l'introverti se tait.

Cette situation à risque peut être encore compliquée par l'intervention des fonctions psychologiques comme nous allons le voir.

Les couples de fonctions psychologiques : des façons d'appréhender le monde

Le fonction intellect/affect, notée T/F

Cette fonction donne une lecture du monde différente selon que la personne est T ou F.

Une personne T aura une approche intellectuelle du monde et donc des problèmes du monde ; elle aura une tendance naturelle à abstraire les problèmes du couple en les mettant dans une perspective intellectuelle. Ainsi, des formules du type « tous les couples font... », ou « dans un couple, on a l'habitude de... », ou encore « des études montrent que... », sont des formules montrant une approche intellectuelle du monde.

La personne affective F aura un raisonnement plus centré sur les affects en jeu entre les deux membres du couple. Elle usera de formules du type « je ressens... », « tu fais... », etc., pour parler du même type de choses que l'intellectuel, mais avec une perspective fondamentalement différente.

La personne F trouvera que les raisonnements de la personne T sont trop généraux, peu adaptés et qu'ils n'apportent rien. La personne T trouvera la personne F trop centrée sur elle-même, manquant de recul, et trop impliquée affectivement dans les faits et gestes de l'un ou de l'autre des membres du couple. La personne F tentera d'exprimer ses affects, la personne T tentera de trouver une règle abstraite de fonctionnement.

Les différences T/F dans un couple peuvent mettre le couple sous haute tension, car en cas de conflit, cette différence est un facteur aggravant. La personne T pense que la personne F fait exprès d'éviter le « coeur » du sujet, et vice versa, chacune d'entre elles attendant inconsciemment que le conflit se résolve sur sa façon propre de représenter le monde.

La fonction intuition/sensation, notée N/S

Jung définit cette fonction comme notre façon d'aborder le temps. Cette fonction est, bien entendu, aussi très importante dans la gestion des conflits de couple.

Une personne N voudra trouver une solution à long terme, tandis que la personne S voudra trouver une solution dans le présent.

Ainsi, si le problème est levé par une personne S, la personne N pourra se trouver démunie, dans la mesure où la solution intuitive à long terme n'est pas forcément facile à trouver. La personne N risquera, dans ce cas, de ne pas voir de solution à un problème qui peut être trivial et localisé dans le présent.

A l'inverse, si une personne N soulève un problème dans le futur, la personne S se trouvera démunie car elle n'a pas l'habitude de se projeter dans le futur, mais plutôt de régler les problèmes dans le présent à mesure qu'ils arrivent. Le positionnement d'une solution dans le futur est quelque chose de très complexe à comprendre pour une personne S, aussi difficile que d'envisager de résoudre très partiellement un problème dans le présent pour une personne N[6].

Cette fonction lorsqu'elle est présente de manière opposé dans le couple est aussi une cause d'aggravation du conflit. Car le conflit demande une solution à positionner dans le temps et la vision du temps de chacun des personnes n'est pas a priori la même.

Typologie des conflits

Approche

Le conflit arrive généralement dans le couple de manière normale, soit en raison d'une cause interne, soit en raison d'une cause externe. Cet article défend la thèse que beaucoup de conflits de couples sont dus à des différences de nature psychologique des personnes.

Si la genèse du conflit est complexe à discuter, une fois le conflit installé, nous pouvons tenter de brosser les facteurs aggravants dus aux différentes configurations psychologiques du couple. Nous supposerons, dans le reste de l'article, être en conditions psychologiques « normales ». Nous écarterons donc les cas de :

  • névroses,
  • psychoses,
  • complexes divers,
  • extrême fatigue physique ou psychologique[7].

Nous distinguerons trois moments dans le confit :

  • l'expression du problème : intervention des types I et E,
  • l'analyse du problème : intervention des fonctions T et F,
  • la résolution du problème : intervention des fonctions N et S.

Nous allons, dans la suite de l'article, nous référer au tableau 2 ci-dessous.


Type 1 >

Type 2

INT INF IST ISF ENT ENF EST ESF
INT 1 - - - - - - -
INF 2 9 - - - - - -
IST 3 10 16 - - - - -
ISF 4 11 17 22 - - - -
ENT 5 12 18 23 27 - - -
ENF 6 13 19 24 28 31 - -
EST 7 14 20 25 29 32 34 -
ESF 8 15 21 26 30 33 35 36


Tableau 2 : les trente-six combinaisons de la psychologie du couple (avec couleurs).



Nous proposons au lecteur d'ouvrir le tableau 2 dans une nouvelle fenêtre, s'il le souhaite, pour une meilleure navigation entre le texte et le tableau.
Pour cela, cliquer sur le lien avec le bouton droit de votre souris et choisie "ouvrir le lien dans une nouvelle fenêtre" : tableau 2. Changer ensuite de fenêtre en utilisant les touches ALT + TAB.

Cas des profils psychologiques identiques

Dans le cas des profils psychologiques identiques (les cas en gras de la diagonale du tableau 1, soit les cas numérotés 1, 9, 16, 22, 27, 31, 34, 36), nous sommes dans des conditions que nous pourrions nommer d'« idéales » :

  • le mode de discours est le même (I/I ou E/E),
  • la façon de représenter le monde est la même (T/T ou F/F),
  • la façon d'aborder le temps est la même (N/N ou S/S).

Il y a donc a priori moins de conflits dans les couples homogènes que dans les autres, et leur résolution paraît plus facile. Nous pourrions y voir une illustration du proverbe « qui se ressemble s'assemble ».

Si l'on suit l'hypothèse statistique décrite précédemment, ce genre de couples, bien que très différents les uns des autres, pourraient représenter 1 couple sur 4.

Cas de deux caractéristiques psychologiques communes sur trois

Cas du problème exclusif d' expression du conflit dans le couple

Nous sommes dans le cas où les fonctions psychologiques du couple sont identiques, mais où le type psychologique est différent (I/E). Ces cas sont, dans le tableau 2 les cas 5, 13, 20 et 26 (diagonale en bleu clair dans le tableau 2).

Nous sommes dans ces cas, dans un problème essentiel de discours, dû aux risques que nous avons exposés auparavant sur les difficultés de communications entre introvertis et extravertis.

Cas du problème exclusif d' analyse du conflit dans le couple

Nous sommes dans le cas où les types psychologiques du couple sont identiques, où la perception du temps est identique, mais où la fonction de représentation du monde est différente, l'une étant intellectuelle et l'autre affective (T/F). Ces cas sont, dans le tableau 2 les cas 2, 17, 28 et 35 (cases en vert clair dans le tableau 2).

Nous revenons ici aussi à un cas déjà vu durant les analyses mono dimensionnelles. L'intellectuel doit faire un effort pour comprendre la douleur de l'autre, la vision affective de l'autre tandis que l'affectif doit tenter de prendre du recul pour comprendre la vision de son partenaire.

Cas du problème exclusif de résolution du conflit dans le couple

Nous sommes dans le cas où les types psychologiques du couple sont identiques, où l'analyse du conflit est identique, mais où la fonction de représentation du temps est différente, l'une étant basée sur l'immédiateté et l'autre sur le futur (N/S). Ces cas sont, dans le tableau 2 les cas 3, 11, 29 et 33 (cases en jaune dans le tableau 2).

Nous revenons ici aussi à un cas déjà vu durant les analyses mono dimensionnelles. Le couple doit trouver un terrain d'entente sur son mode de résolution de conflit, c'est-à-dire déterminer si le conflit est ponctuel (comme le sent a priori la personne S) ou structurel (comme le sent a priori la personne N). La résolution du conflit pourra donc être adaptée en commun à la réalité de la situation.

Cas d'une seule caractéristique psychologique commune sur trois

Introduction

Comme nous allons le voir en analysant les cas suivants, les cas où deux caractéristiques psychologiques sont différentes peuvent envenimer le conflit lorsqu'il arrive au sein du couple. En effet, si la différence est fertile, elle ne peut être acceptée que si l'un et l'autre des membres du couple parvient à trouver un mode de fonctionnement pour comprendre l'autre.

Cette compréhension de l'autre est étroitement liée à la fonction T/F. Ainsi, pour comprendre l'autre, la personne intellectuelle T devra « se faire violence » pour prendre en compte la dimension affective du problème, tandis que la personne affective F devra se « se faire violence » pour se faire une représentation intellectuelle de l'autre.

Cas d'une approche commune de l'expression du conflit

Le couple est dans une configuration I/I ou E/E, mais les deux autres fonctions sont opposées. Les cas sont indiqués en orange sur le tableau 2, cas 4, 10, 30, 32.

Ces cas sont particulièrement difficiles pour le couple car les deux personnes ont le même mode d'expression (elles se « ressemblent » donc objectivement), mais elles ne voient pas du tout le monde de la même façon. Chacun sera tenté d'user du langage de l'autre pour entrer dans des argumentations stériles qui peuvent être longues, dans le cas d'un couple E/E et très courtes dans le cas d'un couple I/I. Dans les deux cas, la frustration sera à la mesure des profils des personnes, les extravertis étant épuisés d'une discussion dans laquelle aucune porte de sortie ne peut être trouvée, et les introvertis étant bloqués dans une situation leur paraissant inconciliable.

Il y a, dans ce cas, une pertinence absolue à comprendre le mode de fonctionnement de l'autre et à réaliser que tous les êtres humains ne se comportent pas de la même façon et n'appréhendent pas le monde de la même façon. En effet, chacun « a raison » mais uniquement sur une partie du problème. Il ne s'agit donc pas d'accuser l'un ou l'autre de ne pas comprendre, mais de bien comprendre que les choses importantes pour l'un et l'autre ne se situent pas au même endroit.

Le monde qui nous entoure nous fait croire qu'il n'y a qu'une seule façon de penser. Il pousse sur le devant de la scène des extravertis intellectuels, ayant souvent une capacité à se projeter dans le futur (ENT). Pourtant, à charge à chacun de réaliser que le modèle social met en retrait des natures psychologiques fondamentalement différentes.

Prenons un seule exemple dans ces quatre cas, l'exemple du couple ENT/ESF. L'ENT va argumenter de manière intellectuelle et proposer un modèle théorique de résolution du conflit de couple à long terme, alors que l'ESF ne verra probablement qu'un problème ponctuel basé sur un problème d'expression des sentiments. Si chacun argumente de son côté dans la surdité de l'autre, le conflit ne peut que s'envenimer.

Ces couples sont souvent des couples instables dans la mesure où l'amour doit être assez fort, entre les deux partenaires, pour accepter de faire un pas vers l'autre, pas qui commence par l'écoute véritable et qui se poursuit par l'assimilation d'une possibilité différente de voir le monde et le temps. Ce sont des couples explosifs à tout moment.

Cas d'une approche commune de l'analyse du conflit

Le couple est dans une configuration T/T ou F/F, mais les types sont opposés et la fonction d'appréhension temporelle du monde l'est aussi. Les cas sont indiqués en bleu foncé sur le tableau 2, cas 7, 15, 18, 24.

Cette configuration est complexe dans la mesure où les personnes doivent d'abord surmonter leur problème de discours introverti/extraverti avant de pouvoir arriver sur un terrain d'entente commun. Ici, l'analyse du problème peut être faite de manière commune pourvu que :

  • l'extraverti se taise,
  • l'introverti parle.

En revanche, dès lors que la solution doit être entrevue, le conflit risque de repartir, l'intuitif proposant une solution à long terme tandis que le sensitif proposera de résoudre le cas présent.

Des combinaisons sont intéressantes à traiter, par exemple celle du couple INT/EST. Le couple est intellectuel donc débattra avec des arguments logiques une fois l'extraverti à l'écoute et l'introverti prêt à parler. Mais dès que l'on parlera solution, l'EST pourra se mettre à parler beaucoup du présent, et l'INT se taira pour trouver seul une solution à long terme.

Cette configuration de couple peut poser des problèmes à moyen terme, car l'opposition I/E en phase de résolution du conflit peut donner l'impression à chaque membre du couple que tout n'a pas été résolu, et qu'il reste des choses à débattre. Ces choses s'accumulant au travers des conflits peuvent faire se distancier les membres du couple et mettre en danger le couple lui-même, d'une manière, certes, moins visible que le cas précédent, mais tout aussi dommageable.

Cas d'une approche commune de la solution au conflit

Le couple est dans une configuration N/N ou S/S, mais les types sont opposés et la fonction de représentation du monde l'est aussi. Les cas sont indiqués en vert foncé sur le tableau 2, cas 6, 12, 21, 25.

Dans la séquence conflictuelle que nous avons décrite, la possibilité de résolution du conflit dépend, en grande partie, que l'on ait dépassé l'expression du conflit et son analyse. Dans cette configuration de couple, l'expression de ce conflit est déjà source de blocage potentiel au travers de la difficulté de communication entre introverti et extraverti (E/I). Il faut ajouter à cela que l'analyse du conflit ne se positionne pas dans le même cadre de représentation du monde, opposant une vision intellectuelle à une vision affective (T/F). Il faut donc, pour le couple parvenir à surmonter toutes ces épreuves pour parvenir à parler sur le même terrain en ce qui concerne la résolution du conflit.

Ces couples ont de fortes chances de se mettre d'accord uniquement selon deux dimension :

  • sur le fait qu'ils doivent se séparer, car il ne se comprennent pas, ne savent s'exprimer de la même façon, et chacun aura tous les arguments du monde pour entrevoir ce futur là (cas N/N),
  • sur le fait qu'ils doivent rester ensemble malgré ses dissensions qui ne sont que présentes (cas S/S).

Le premier point peut être poussé par le côté intellectuel (T) d'un des membres du couple. En effet, dans cette configuration, il existe un membre du couple possédant le couple NT de fonctions psychologiques. Un NT en situation de conflit bloqué verra l'avenir sans la personne avec qui il est.

Une fois encore, la remise en question de l'ensemble de la communication du couple se justifie, si tant est que ce couple ressent de l'amour l'un pour l'autre. Au NT s'oppose en effet le NF, l'affectif intuitif, sachant que ce dernier ne s'exprime pas de la même façon. Nous dirons que ce genre de couples est assez instable, si les deux personnes restent persuadées, inconsciemment, que le monde devrait être à leur image.

Cas des caractéristiques psychologiques totalement opposées

Le couple est dans une configuration où toutes les caractéristiques psychologiques des deux personnes sont opposées. Les cas sont indiqués en rouge sur le tableau 2, cas 8, 14, 19 et 23.

Le couple n'use pas de la même façon de s'exprimer et il ne voit pas le monde de la même façon, ni en termes de représentation, ni en termes temporel.

Nous dirons que ces couples sont a priori les plus instables, dans la mesure où lorsque le conflit arrive, la nature de chacun a de multiples occasions pour rendre ce conflit inextricable. Nous laisserons au lecteur le soin de faire des simulations personnelles en consultant le tableau 2.

Nous pourrions y voir l'illustration stricto sensu du proverbe « les opposés s'attirent ».

Le couple, endroit fertile pour la connaissance de soi

Introduction

Si cette analyse montre sur quels points les conflits dans le couple peuvent s'envenimer en fonction des profils psychologiques des personnes, elle ouvre aussi la porte à une compréhension plus nuancée de la différence de l'autre. En effet, l'amour ne suffit pas dans le couple, même si le Romantisme peut nous laisser présumer du contraire[8]. Il est aussi nécessaire d'aborder la différence de l'autre dans toute sa complexité.

Or, aborder la différence de l'autre n'est possible que si l'on se connaît soit-même. En effet, si nous voyons l'autre comme nous-mêmes, nous sommes, en cas de conflit, en incompréhension devant les réactions de l'autre, incompréhension car, inconsciemment, l'autre est supposé se comporter de manière « normale », soit comme nous-mêmes. Ainsi, utiliser les types psychologiques est-il un bon moyen de nous indiquer qui l'on est dans notre différence à l'autre.

L'humour dans le conflit de couple

Nous n'insisterons jamais assez sur le rôle de l'humour dans le conflit de couple. Une fois que les deux personnes se connaissent assez bien, chacune peut voir en l'autre, notamment au travers des oppositions des fonctions et des types, des « travers » qui, en conditions de stress, peuvent être démultipliés (logorrhées, fermeture complète, hyper intellectualisation, réaction affective sur-dimensionnée, envolée lyrique sur le futur, prosaïsme, etc.).

Une formule de mis en perspective humoristique du type « je n'aurais jamais dit cela », ou « ça, c'est bien ta façon de voir », dispensée avec amour, tue souvent le conflit dans l'oeuf, tout comme la caricature aimante, dispensée sans cynisme ni agressivité.

Apprendre de l'autre

Si l'on pourrait présupposer que le couple doit être un terrain d'entente de facto et que l'on devrait choisir celui ou celle qui nous ressemble, cela afin de minimiser les risques, nous faisons probablement fausse route.

En effet, si l'on veut apprendre de soi-même, si l'on veut s'enrichir de manière personnelle, le couple aux caractéristiques psychologiques identiques peut être vu comme un cauchemar. Car, vivre avec son alter ego peut avoir un côté relativement déprimant, voire quasiment narcissique.

En revanche, vivre avec quelqu'un de très différent de nous-mêmes, qui nous aime et que l'on aime, est une opportunité unique dans la vie de l'individu et du couple, pour comprendre la différence des personnes les unes par rapport aux autres. Dans un couple en parfaite opposition de caractéristiques psychologiques, la totalité des caractéristiques psychologiques existe et est vivante (dans le cadre des caractéristiques de Jung, bien sûr).

Si les problèmes de conflits de couples peuvent être surmontés par le fait d'apprendre sur l'autre et sur soi, les personnes vivant dans des couples de nature profondément différentes ont un avantage manifeste pour vivre en société : à chaque nouvelle rencontre, elles peuvent retrouver une partie de ce qu'elles connaissent déjà, chez elles-mêmes ou chez leur conjoint. La façon d'aborder le monde est donc a priori plus sereine dans la mesure où « l'autre » ne fait plus peur.

Le couple devient un « monde miniature » d'une richesse extraordinaire, qui ouvre à la tolérance des autres en ce que toutes les variations majeures psychologiques des personnes du monde sont déjà, virtuellement, présentes dans le couple.

Extension du débat à la relation à l'autre dans le cadre social

Les « modèles de couples » dans l'inconscient collectif

On notera que l'analyse des types psychologiques et de leur combinaison dans les couples montre qu'il n'est pas aussi simple que certains le prétendent d'avoir un modèle de couple générique, comme le « couple philosophique », voire de s"appuyer sur des modèles de couples connus pour tenter d'imiter leurs recettes. Il faut toujours garder à l'esprit qu'il existe a priori au moins 36 types de couples différents et que ces couples ne peuvent donc trouver des solutions à leurs problèmes qu'en sachant qui ils sont et non en imitant un couple idéologique ou un couple physique.

Toute cette étude a montré que les problèmes se posaient de manière différente entre les personnes des divers couples, et cela suivant leurs caractéristiques psychologiques. La standardisation des messages autour des couples dits « normaux » peut provoquer des perturbations de couples qui tentent d'être ce qu'ils ne sont pas, ou d'appliquer des modèles qui ne répondent pas aux problèmes auxquels ils font face.

Il en est ainsi pour le couple des parents[9] : même si ce dernier fonde une « matrice » de couple dans notre inconscient, imiter le couple de ses parents n'a aucun sens. Cela ne veut pas dire que nous ne le faisons pas inconsciemment, mais cela signifie qu'à la lumière de la connaissance de soi, cette influence peut être neutralisée.

Le cas du « couple hédoniste »

Dans le cas du modèle du « couple hédoniste » selon Michel Onfray, il est nécessaire de noter que ce modèle ressemble au philosophe, dans la mesure où il est basé a priori sur des présuppositions que nous allons typer avec les types et les fonctions de Jung de manière très transparente :

  • le couple doit débattre afin de passer un « contrat hédoniste », cela suppose un débat intellectuel basé sur la faculté de parler et de disserter facilement, de négocier : les deux membres du couples doivent donc être ET, extravertis et intellectuels ;
  • le couple est capable de comprendre, de manière commune, l'intérêt d'une projection intellectuelle dans un futur sur lequel ils ont explicité des règles de fonctionnement intellectuel : les deux membres du couple sont donc N, intuitifs.

Nous en arrivons donc à la conclusion que le modèle de couple vanté par le « contre-philosophe » est un couple homogène de profil ENT. Si l'on reprend l'hypothèse, dont nous parlions en début d'article, selon laquelle chaque combinaison est équi-répartie sur les couples (voir tableau 1), nous comptons une possibilité théorique de constitution de ce couple de 1 cas sur 36. Notons que, pour la plupart des couples, ce que propose le philosophe est parfaitement irréalisable.

Si nous allons un peu plus loin dans l'analyse, Michel Onfray est un extraverti (E), intellectuel (T) et se projetant sur l'avenir (N). Son « couple hédoniste » ressemble donc à s'y méprendre à lui-même : ENT/ENT. Son « modèle de couple » est donc une image projective de lui-même, un pur narcissisme. Le fait qu'il vante cette image nous montre à quel point la différence de nature de l'autre lui est inconnue, même s'il étudie les « idées » des autres. Car, se placer dans le domaine purement intellectuel est déjà une fermeture au monde.

Des modèles simplistes en philosophie

Comme tous les modèles trop simplistes portés par une certaine « philosophie », on comprend bien que les « modèles de couples philosophiques » ne sont, bien entendu, pas applicable à la plupart des couples. On notera aussi que cette simplicité affichée est provoquée par le fait que la plupart des philosophes n'aient jamais compris que les personnes se divisaient en catégories psychologiques et que le « moi » du philosophe était tout sauf représentatif de l'état du monde. Nombre de philosophes étant en effet des cas patents d'ENT ou d'INT, ils ont une fâcheuse tendance à imaginer le couple comme Narcisse et son miroir[10].

Il faut donc mettre en garde les lecteurs contre des représentations trop simplistes des différences fondamentales de psychés entre les différentes personnes. S'il est possible de bâtir n'importe quelle théorie intellectuelle sur le couple, cela ne signifie pas que cette théorie soit applicable, ni pertinente, au delà des fantasmes de son auteur de trouver un homme ou une femme qui serait son clone parfait.

Destinée sociale et logique de couple

Si l'on reprend une de nos remarques sur l'attirance bien connue de certains types psychologiques pour des postes professionnels particuliers, nous pouvons voir dans quelle mesure les personnes qui, faisant les mêmes études et plus tard le même métier, et fondant un couple ensemble, ont plus de risques que les autres de former des couples homogènes.

Ce risque implique un certain nombre de corrolaires :

  • le couple peut s'ennuyer rapidement,
  • il risque de se fermer au monde extérieur en ne fréquentant que des gens qui lui ressemblent quitte à rester bloqué dans le même milieu (avocats, médecins, fonctionnaires, informaticiens, comptables, etc.),
  • il peut expliquer des adultères, des séparations, etc., qui peuvent être vues comme de véritables évasions de la morosité de n'être qu'avec des gens semblables à soi-même[11]

Comprendre son conjoint avant de comprendre les autres

Nous finirons cet article en mentionnant le fait que la plupart des gens ne connaissent pas leur conjoint, du moins ne le connaissent pas tel qu'il est vraiment. Si le mode projectif est sécurisant (je ne vois en l'autre que ce que je suis), il est à la base du mode de fonctionnement au sein du monde. Car si l'on ne tolère pas les différences de la personne qu'on aime, comment tolérer les différences de la personne que l'on aime pas, de l'inconnu, de l'étranger, du passant ?

C'est pourquoi les philosophes ont une certaine responsabilité dans le fait de penser que l'autre est accessible « d'emblée ». Car, ce n'est, la plupart du temps, pas vrai : il faut se connaître pour connaître l'autre et les types psychologiques peuvent aider dans cette démarche, tout comme le fait d'identifier ses projections peut être d'un grand secours.

Le cas des divorces

Selon un sondage[12], les principales causes de divorce sont en France :

  • l'infidélité,
  • la routine,
  • les disputes,
  • la jalousie,
  • le travail,
  • la sexualité.

Si nous tentons une brève lecture de cette étude au travers des caractéristiques psychologiques, nous nous apercevons que nous avons grandement étudié le troisième point. Nous avons, par ailleurs, brossé une explication du premier, l'infidélité pouvant se produire dans des cadres de trop grande homogénéité psychologique du couple. Le second point fut aussi mentionné : on s'ennuie quelque part avec soi-même, même si les ET ont l'avantage de pouvoir meubler l'ennui avec des conversations intellectuelles sans intérêt. La jalousie peut être motivée pour diverses critères mais, bien entendu, par des critères psychologiques. Combien sont les homme introvertis (I) à être jaloux des hommes extravertis (E) et à projeter cette jalousie sur leur épouse qui serait séduite plus facilement par les « beaux parleurs ».

Pour les deux derniers points, nous entrons respectivement dans un cadre social et physique, moins en relation avec la psychologie des personnes. Tout cela pour dire que, si cette étude n'a aucunement la prétention de tout expliquer par la psychologie analytique, elle apporte des éléments qui complexifient un débat philosophique sur le couple empli de poncifs et de simplifications très dommageables.

Conclusion

Dans cette approche basée sur les types de Jung, nous avons tenté de mettre en exergue le fait que des couples puissent avoir plus de dispositions psychologiques structurelles pour entrer en état de conflit. Dans l'étude très rapide que nous venons de mener, et qui mériterait à elle seule un ouvrage, nous avons tenté de travailler sur des couples qui se situaient hors pathologie psychique, tout en notant que ces pathologies étaient, bien entendu, néfastes à la stabilité du couple lui-même.

Le but de cette étude était donc de tenter de décrire de manière logique, suivant un modèle qui nous vient du psychanalyste suisse Carl Gustav Jung, les conflits dans les couples sans intégrer des poncifs sociaux tels que : - un jugement moral sur le fait que des couples se séparent, - un jugement sexiste, voire un jugement sexuel[13], - des images archétypales des conflits du couple.

Au contraire, cette étude vise à montrer que les conflits du couple sont souvent légitimes et normaux et que tous les couples n'ont pas à faire face aux mêmes types de conflits. Dès lors, on réalisera qu'il est bien aisé de donner des conseils à des gens dont la psychologie est différente de la nôtre et dont le partenaire a une psychologie différente de celle du nôtre.

L'amour, en effet, touche de manière assez aléatoire des personnes pour que les couples aient à faire face à des éléments conflictuels dépendant de leur nature psychique. La plupart de ces risques structurels sont gérables si les deux membres du couple sont prêts à un long apprentissage de l'ouverture à l'être aimé.

C'est ce but que recherche toute la nature, et elle le trouve dans l'homme et seulement dans l'homme le plus conscient. Chaque pas infime en avant sur le chemin de la réalisation de la conscience est créateur de monde.[14]

Notes

  1. Ces deux psychanalystes ont inventé un test très réputé (MBTI) qui s'utilise un cadre très précis et qui est d'une justesse assez notable. Ce test est payant et peut être utilisé dans de nombreux domaines, notamment dans le cadre des rapports en entreprise (ce test est interdit d'emploi durant les entretiens d'embauche par l'éthique d'utilisation définie par Myers et Briggs).
  2. Si l'on opère un certain nombre de tests statistiques sur les types psychologiques, la thèse selon laquelle cette nouvelle fonction serait une combinaison des deux couples précédents et des deux types psychologiques est aussi défendable.
  3. Ironiquement, cette dimension semble souvent plus importante dans les pays anglo-saxons que dans les pays latins.
  4. Le test de Myers and Briggs en construit seize ce qui n'est pas tellement mieux.
  5. Voir L'amour fusionnel, par exemple.
  6. Les études sur les types psychologiques montrent que les emplois des personnes N et S ne sont pas, statistiquement les mêmes. Les personnes S, par exemple, sont attirés par la comptabilité et les personnes N par la recherche et le développement.
  7. Dans ces cas, les études MBTI tendent à montrer que les fonctions inverses et le type inverse est sollicité dans les comportements des personnes.
  8. Cf. L'amour fusionnel.
  9. Cf. Connaître l'autre et se connaître soi.
  10. Cf. La psychanalyse comme rupture épistémologique majeure.
  11. Nous invitons les lecteurs à consulter l'imposante littérature anglo-saxonne sur le sujet de la corrélation des profils psychologiques et des métiers.
  12. Source : Sofres, pour Le Nouvel Observateur
  13. En effet, l'étude ne porte pas en elle la supposition que le couple soit formé d'un homme et d'une femme.
  14. In Les racines de la conscience, C. G. Jung, Buchet/Chastel 1971.