Histoire de ma vie VII - La vie d'un enfant haï par sa mère, par l'Indien

Un article de Caverne des 1001 nuits.

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Quand un enfant est détesté par sa mère, il a du mal à s'en remettre et les traces demeurent longtemps chez l'indien qui vit cette situation. Dès lors que Couleuvre Agressive me portait un quelconque intérêt, j'avais en moi le pressentiment que les choses allaient mal se passer par la suite. Cela était pire quand quelqu'un me manifestait de l'amour. J'avais toujours l'impression qu'on allait me demander quelque chose d'impossible en retour.

Quand on n'a pas l'amour de sa mère, on est comme orphelin. On ne connaît pas la gratuité du don. Le don n'est jamais gratuit. Alors, derrière tout don, on se méfie. Cela a parfois des avantages : on n'attend rien des autres. Quand on a connu de multiples tribus, on ne se fie plus à personne, on ne compte plus sur personne. Car, à chaque fois que je me faisais des amis, il fallait partir avec le tipi et les chevaux. Couleuvre Agressive tenait des discours contradictoires ; parfois, elle voulait partir, parfois, elle voulait rester. Mais elle fuyait tout le temps. J'ai fait comme elle pendant longtemps : fuir. On ne fuit pas quand on prend. Quand on ne prend rien, on a peur des autres, alors on fuit.

Un chamane m'expliqua un jour la valeur du don du Grand-Esprit. Il comprit l'état de confusion dans lequel j'étais. Je toussais souvent pour un rien et il me dit que j'étais malade dans ma tête et non dans mes poumons. "C'est étrange, tu as la maladie des blancs. C'est comme si tu ne pouvais voir la Terre, ta Mère". En effet, ma mère n'étant pas vraiment ma mère, je vivais dans l'insécurité constante.

Au mieux, Couleuvre Agressive me considérait comme un jouet. J'étais précoce et on pouvait facilement me faire jouer à l'animal savant. Mais bien vite, ce jeu agaçait Couleuvre Agressive car les gens se tournaient vers moi et non vers elle. J'étais alors sévèrement rabroué pour faire le turbulent, alors que faire le turbulent semblait lui plaire, quelques secondes auparavant. La haine revenait, incontrôlable, pleine de phrases méchantes et répétées continûment : "c'est nul ce que tu fais", "arrête-ça", "tu es nul", "ce que tu aimes est nul", etc.

D'une manière générale, elle aimait bien procéder au rite du dénigrement de ce que j'étais. Tout ce que j'aimais, elle l'abimait en s'en moquant méchamment. Parfois, j'avais l'impression d'avoir une enfant en face de moi, si agressive, si méchante. Ce rite prenait toujours les mêmes formes, les mêmes mots revenaient sans cesse, les mêmes expressions blessantes. Quand on a entendu des remarques blessantes tous les jours pendant des années, cela laisse des traces.

Couleuvre Agressive faisait cela avec tout le monde, seulement, j'étais son fils et j'allais porter longtemps les poids de ces travers. Je me construisais sur ce modèle.

Etant plus précoce que les autres, j'étais aussi plus petit. Je passais mes journées avec des enfants dont tous avaient une tête de plus que moi. Pour me faire respecter physiquement, je devins agressif à mon tour, souvent vengeur, parfois vicieux. Je préférais attaquer plutôt qu'être attaqué. Certains guerriers qui nous enseignaient des choses se plaignirent à Renard Médiocre et Couleuvre Agressive de mon comportement. Mais Renard Médiocre m'encourageait à me défendre seul et à me faire respecter. Je devins vite prêt à sortir les poings.

Pourtant, dans la famille, j'étais toujours aussi sage, même si je compensais le manque d'amour par des mots qui sortaient sans arrêt de ma bouche. Je n'aimais pas le silence. Dans le silence, on peut voir les regards de haine et ressentir les choses, alors que quand on parle beaucoup, c'est la tête qui prend le contrôle et non le coeur. Je me défendais comme je le pouvais, sans m'apercevoir que c'était de la défense. J'attendais toujours le prix à payer des actes bons envers moi. Je vivais dans une confusion intérieure totale qui dura plus de trente printemps.



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