Histoire XVII

Un article de Caverne des 1001 nuits.

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{{R|Il sortit paré de son armure de guerre, drogué par les élixirs du mage, et prit la tête des hommes du camp, silencieux et concentrés pour la dernière bataille de cette conquête. Ils allaient vers le danger. Ou plutôt vers la certitude. Les dangers étaient derrière eux, ancrés dans le passé. Ils marchaient vers le futur.}} {{R|Il sortit paré de son armure de guerre, drogué par les élixirs du mage, et prit la tête des hommes du camp, silencieux et concentrés pour la dernière bataille de cette conquête. Ils allaient vers le danger. Ou plutôt vers la certitude. Les dangers étaient derrière eux, ancrés dans le passé. Ils marchaient vers le futur.}}
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La deuxième partie de la nuit avait été calme : celle où l'on dort. Sa concubine était assoupie à ses côtés. La guerre était presque terminée, et entre deux combats, il fallait savoir se reposer. Cependant, on ne savait jamais ce que préparait l'adversaire. Des rumeurs avaient couru. Mais il n'avait rien cru. Il était trop rodé aux arts de la guerre pour savoir que ce genre de pratiques ne couraient pas les plaines ventées et fertiles qu'il convoitait, par delà les montagnes.
Tout dehors était calme depuis des heures. Des lumières dansaient sur la toile de sa tente. Il ne parvenait pas à dormir. Une sorte d'angoisse latente, inexplicable. Un malaise. Il s'inquiétait de sa prestation le lendemain lors de la dernière bataille. Son mage se devrait une fois de plus de lui fournir la vigueur nécessaire pour le combat. Il connaissait le danger de ces potions pour avoir été maintes fois averti. Mais il fallait tout tenter. Et tenir une journée de plus. Une seule. Après quoi viendrait le long temps du repos.
Il avait réussi à démystifier ces contrées méconnues. Pendant un temps, les hommes avaient hésité entre superstition et autorité. Mais tout n'était que légendes. On avait trouvé dans des écrits que ses érudits avaient traduit une référence à un sorcier qui, aujourd'hui, demeurait invisible. Les cerfs de la région eux-mêmes avaient oublié les légendes. Venait le temps de l'homme et de la conquête. L'empire devait grandir et s'étendre pour nourrir une plus grande population, pour posséder une armée plus grande encore.
A ce moment, il crut sentir une ombre planer au dessus du campement. La nausée revint. Il écouta ce qui se passait dans les tentes voisines. La peur décrut soudainement. Un pressentiment le frappa. Le vent semblait balayer un campement vide. Il se retourna. Sa concubine avait disparue.
Les lampes brillaient à l'extérieur dans un silence total. Un battement d'ailes frémit à la limite de ses oreilles. Il se redressa et sortit de son lit. Allongea le bras vers l'épée. La saisit. Le contact de la garde le rassura. Il sortit de sa tente, nu. Le vent agitait les torches qui projetaient une ombre rouge sur les formes avoisinantes. Il regarda dans les tentes proches et ne fut pas surpris de n'y trouver personne. Les gardes avaient disparu ; leur matériel gisait à terre ça et là.
Un souffle d'air fit voler ses cheveux. Il leva les yeux et son épée vers le ciel pour voir une forme passer : noire sur noir. Il sortit du campement et suivit le gigantesque oiseau qui semblait l'attendre.
Un chemin caillouteux et abrupt lui meurtrit les pieds. Il s'éleva en direction d'un proche sommet surplombant le campement qui paraissait être un fagot de bougies brûlantes.
Il entendit du bruit derrière lui et se retourna couvert de son épée. Un forme vaguement humaine d'une taille considérable semblait assise. Il ne distinguait ni contours précis, ni visage si elle en possédait un. Des sons lui parvinrent et il les comprit bien qu'ils ne parussent pas appartenir à sa langue natale.


« Je suis content de te rencontrer, homme. Même s'il a fallu pour cela utiliser de puissants moyens. Je règne sur ces terres depuis plus de deux millénaires. Tu es venu me défier. Jusqu'à l'ultime moment, j'ai cru que tu serais assez sage pour t'apercevoir de ton erreur, à savoir que l'on ne peut conquérir ce qui m'appartient.
« De plus, tu es un entêté. Cette fois, la sentence est sans recours. Et demain au matin, tu prendras ta décision. Sache que pas un des engagés au combat ne survivra. Des lois existent en dehors des hommes et tu n'es rien face à ces forces. Si tu veux continuer ta stupide conquête, tu seras puni. Néanmoins, tu peux déposer les armes. Au delà de ces montagnes, la vie est un supplice que je te déconseille.
« Considère cet entretien comme un grand privilège que je n'ai que très peu de fois accordé. Je pourrais te tuer ainsi que tout le peuple de ton royaume si l'envie m'en prenait. Mais je ne suis pas belliqueux et orgueilleux comme toi, homme. Je devine ta réponse à mon offre, et je sais que dompter l'âme humaine est comme tenter de plier un chêne sans qu'il ne casse.
« Pense qu'une fois dans ta vie, tu auras maîtrisé ton destin en entrevoyant l'avenir. Si je pouvais bénéficier d'une telle chance !
« Adieu, homme mortel.»


La forme qui lui faisait face disparut dans un souffle de vent. La poussière aveugla ses yeux. Lorsqu'il les rouvrit, il était assis dans son lit. Les premiers bruits du campement qui s'éveillait lui parvenaient. Il réfléchit durant de longues minutes.
La pluie se mit à tomber, légère, chaude, une bruine régionale et moite. Laisser tomber signifiait faire aveu d'échec, alors que le danger ne s'était pas réellement présenté. De tous les possibles qui s'ouvraient à lui, la mort lui semblait le moins pénible. Il envisagea un moment de brûler les cartes de la bataille et de partir seul à la rencontre de l'armée inhumaine. Mais, son armée était son sang, son amie, la raison de ses bonheurs et de ses colères. Ils étaient là pour poursuivre l'idée de conquête, idée qui passait par la boucherie du champ de bataille, par la violence des corps à corps, par les plaisirs simples de l'alcool après le massacre, par la rage à la vue des amis tués, par la logique barbare de leur vie. Il pensaient à eux et à lui-même en tant qu'il était leur chef.


Il sortit paré de son armure de guerre, drogué par les élixirs du mage, et prit la tête des hommes du camp, silencieux et concentrés pour la dernière bataille de cette conquête. Ils allaient vers le danger. Ou plutôt vers la certitude. Les dangers étaient derrière eux, ancrés dans le passé. Ils marchaient vers le futur.


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