Histoire XV

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Hier soir, dans un café dans lequel j'ai l'habitude de passer mon temps lorsque je m'ennuie, est arrivée un incident rare. Une alerte au feu. Seule, accompagnée d'âmes contingentes en qui je savais ne pas pouvoir trouver de réconfort, le temps passait dans la musique et les conversations qui meublent. L'ennui était un palliatif aux idées plus sombres. Point de salut hormis dans un hypothétique amour qui n'arrivait pas ou dans une échappatoire de courte durée. Un sursis.
Un incendie débuta dans les toilettes du bar. Nous fûmes gentiment évacués par le personnel du bar tandis que d'aucuns s'évertuaient à crier que le danger était minime, et que mes amis en profitaient pour se défiler discrètement.
Une fois dehors, nous restâmes quelques uns à observer quasi hypnotisés les flammes qui caressaient le bâtiment comme si l'ordre des choses était indestructible voire mécanique.
Brusquement, un jeune homme échut dans mes bras après avoir trébuché dans le trottoir. Il empestait l'alcool. Il me parla dans un haleine avinée et je réussis à comprendre qu'il ne savait plus retrouver le lieu où il demeurait. Je voulus le laisser à ses problèmes alcooliques, mais quelques mètres plus loin, je fis demi-tour et retournai vers lui alors qu'il vomissait ses tripes dans un caniveau. Rien dans sa tenue ne trahissait quelqu'un dans le besoin. Lorsqu'il eut terminé, je lui essuyai la bouche avec un mouchoir en papier qu'il jeta dans une poubelle et je guidai ses pas à travers le brouillard de ses pensées.
Lorsque j'ouvris ma porte, il ne semblait pas avoir repris connaissance. Je l'installai sur le sofa où il s'endormit. Je lui liait les mains de manière à ce qu'il ne puisse pas enlever le bandeau qu'il avait sur les yeux et que j'avais solidement attaché. Mon prisonnier allait rester là tant que je l'aurais décidé.
Ce matin, je lui ai parlé. Il a un peu paniqué avant qu'il ne comprenne ce qui était arrivé. Puis il a paru trouver quelqu'intérêt à ce jeu absurde. L'intérêt léger de celui que plus rien n'étonne. Bientôt, cependant, il a commencé à se révolter, à se débattre pour briser ses liens, à gémir pour que je lui enlève au moins le bandeau. Enfin, il a tenté de me séduire, m'a parlé de la joie qu'il aurait à me contempler, voire à me toucher.
J'avais espéré qu'il se passerait quelque chose d'exceptionnel. Mais, plus le temps avançait, plus il me dégouttait. Ses réactions étaient trop prévisibles, comme son ton ou même ses mots. C'était un triste sire. Tout en lui suppurait l'envie de sauver sa peau coûte que coûte, dut-il été contraint de se renier à jamais. Le son de ma voix suffisait à trahir ce qu'il allait lui arriver. Toutes ses manipulations grossières restaient cernées sur sa personne. Il paradait, implorait, flattait, au point que j'avais envie de le tuer.
Je l'amenai dans ma voiture après de longues précautions pour ne pas qu'il se débatte bien qu'il m'ait promis de rester calme. Je le jetai dans un caniveau quelque part.
Il m'avait volé ma journée. Cette journée qui était mon luxe et que j'avais à offrir.


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