Destin et Karma

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Sommaire

Introduction

Le destin, dans le monothéisme abrahamique, est une notion très discutée qui tourne autour de la liberté de l'homme dans sa relation avec Dieu. On trouve grosso modo trois types de thèses :

  • le premier est que l'homme est libre dans le monde matériel ;
  • le second est que l'homme possède une certaine liberté ;
  • le troisième que l'homme n'est pas libre du tout, même s'il en a l'illusion.

Les théologiens, à toutes les époques, se sont affrontés à coups de versets pour se « prouver » les uns aux autres que leur théorie était la meilleure et la plus conforme aux écritures. Nous allons mettre en perspective ces différentes vision par rapport à la loi du Karma.

Un problème de logique

Une voix unique et des voies multiples

En matière de spiritualité, il faut se méfier d'une représentation univoque de la vérité. En effet, nous sommes des individus singuliers qui avons, chacun, des traits différents. Or ce sont ces traits qui nous porteront ou pas sur un chemin spirituel particulier. Ce sont ces mêmes traits qui nous feront prendre un chemin spirituel ou un autre, sachant que l'un peut nous parler alors que les autres peuvent ne rien évoquer en nous. Bien entendu, ce n'est pas parce qu'un chemin n'évoquera rien en nous qu'il n'évoquera rien pour d'autres que nous.

Dans les civilisations de tradition monothéiste, la vérité se doit toujours d'être unique. Elle l'a été durant longtemps en Occident au travers du dogme chrétien, et elle perdure dans cette vision univoque au travers des divers dogmes polythéistes actuels (culte de la République, culte de la Démocratie, culte des ancêtres, des grands hommes, des idées politiques, etc.).

Or force est de constater que cette vision univoque sociale, voire même cette vision univoque religieuse (dans ce qu'il reste de tradition strictement religieuse), est antinomique avec la façon dont les individus qui ont des aspirations à Dieu vivent leur chemin spirituel. Si les chemins sont multiples, ils mènent tous en haut de la même montagne.

Il n'y a donc pas de raison a priori pour qu'une vérité unique soit applicable à toutes les sensibilités spirituelles individuelles.

Des âmes particulières sur un chemin

Pour reprendre l'analogie du chemin et de la montagne, tous les « cheminants » ne sont pas au même endroit de leur chemin. Certains restent bloqués à certains paliers, d'autres découragés descendent le chemin pour retourner vers le monde matériel, d'autres enfin progressent péniblement par des chemins qui peuvent ne pas mener directement au sommet ou ne pas y mener du tout ; d'autres enfin suivent une voie qui les mènera au sommet de la montagne, soit au face à face avec Dieu.

Parmi tous ces individus, différentes représentations ou sentiments de la divinité cohabitent, sans pour autant que l'une soit juste parce qu'elle correspond à un dogme établi et que les autres soient faux parce qu'ils sont hors du dogme. Chacun ayant un niveau de vision différent des autres, leur connaissance du divin peut les faire avoir des avis divergents des avis de leurs camarades, sans pour autant que l'un ait raison dans l'absolu sur l'autre. Ils ont tous simplement raison relativement à leur niveau de connaissance.

En ce sens, la théologie vise plus à établir la vérité dogmatique qu'à épouser la vérité vécue des individus. Cela ne signifie pas que la théologie ne propose pas une certaine vision de la vérité, mais que dire quand cette vérité est trop élevée pour pouvoir être comprise complètement ?[1] Que dire aussi lorsque cette vérité propose un chemin qui ne correspond pas aux aspirations d'un individu ? N'est-ce pas le sens de la religion de pouvoir justement répondre aux aspirations de tous les individus ?

Destin et liberté, des concepts flous

La troisième remarque formelle porte sur la relation entre destin et liberté. Dans les trois axes que nous avons présenté en introduction, le destin est systématiquement présenté par rapport à la « liberté ». Mais que signifie donc le terme liberté ?

On a pu voir, au cours du XXème siècle, des théories psychanalytiques montrer que nous agissons souvent comme pilotés par un certain nombre de paramètres intérieurs[2] parmi lesquels :

  • nos affects ;
  • nos traumatismes d'enfance et d'adulte ;
  • l'image de nos parents ;
  • le masque social ;
  • etc.

Ces entités psychologiques nous font agir sur un canevas contraint sans que notre liberté d'agir (et bien souvent notre liberté de conscience) ne soit mise en jeu. Nous sommes alors comme « pilotés » par une partie de nous-mêmes qui n'est pas entièrement consciente. Le but, d'ailleurs, de certaines psychanalyses est justement de nous libérer de ces actes automatiques qui nous mènent souvent toujours aux mêmes ornières.

Dès lors que dirons-nous : je suis libre alors que je sais être piloté par de nombreuses contraintes qui me font agir, tout le temps dans le même sens ? Ou je ne suis pas libre car je connais ces contraintes et je n'ai pas pu m'en dégager ? Nous avons ici une illustration du sentiment très relatif de la liberté d'une personne à une autre : une personne peut « découvrir » qu'elle n'était pas libre alors qu'elle croyait l'être.

A un même instant, nous avons donc des gens qui peuvent se positionner, théologiquement, différemment par rapport au destin, chacune étant marquée par ses expériences. Nous noterons qu'une même personne, à différents moments de la vie, pourra aussi répondre différemment à la même question.

Conclusion

Cette partie formelle nous a emmené naturellement dans le coeur du débat, cela parce qu'en religion, questionner la question est déjà un acte religieux. Formellement, nous pouvons donc dire que, de tout temps, il se trouvera :

  • des personnes pour défendre l'une des trois thèses présentées dans l'introduction ;
  • des personnes qui défendront alternativement l'une ou l'autre de ces thèses au cours de leur vie.



Si le concept de destin est expliqué par le concept de liberté et que nous ne savons définir cette liberté, il est illusoire de vouloir parler du destin.