De l'instrumentalisation des intellectuels français

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Sommaire

Introduction

On parle souvent de "décadence de la pensée française", de "déclin des élites" et autres formules toutes faites. Ce "on" est le plus souvent une certaine frange des médias, frange qui, à la fois, apprécie de crier haro sur le baudet, et qui laisse tribune libre à la plupart de ces "intellectuels".

Cet article se propose de voir les intellectuels non pas comme des manipulateurs, mais comme des manipulés, des victimes, non conscientes de l'être, mais des victimes quand même. En d'autres termes, cet article se propose de montrer qu'il n'y a pas de déclin de la "pensée intellectuelle française", car cette pensée a toujours été d'un très faible niveau.

Quelque chose a changé, cependant : les gens sont mieux informés aujourd'hui qu'hier, plus alertes, et ils sont capables aujourd'hui de remettre en cause les visions partiales, incomplètes ou incohérentes des intellectuels. Ces derniers sont plus que jamais pris au piège dans le rôle le plus inconfortable qui soit : répondre à des questions que leur pose "la société" mais qui ne sont souvent pas les bonnes questions, en tous cas pas les questions qu'ils devraient se poser (ou poser à la société) s'ils étaient des intellectuels libres.

Ainsi, nous défendrons dans cet article la thèse que les intellectuels sont les victimes d'une instrumentalisation politique en première instance, et médiatique en seconde instance, instrumentalisation qui a toujours été et qui est consubstantielle à la notion de monarchie française puis d'Etat français.

Bien entendu, les intellectuels eux-mêmes se croyant libres de penser, ils ne s'aperçoivent pas qu'ils sont des victimes du système. Ainsi perdurent les différentes composantes de ce système :

  • le réputation personnelle de l'intellectuel qui le place sur un piédestal ;
  • la permanence de son état d'instrumentalisé ;
  • l'entretien de la légende de déliquescence de l'élite intellectuelle française.

L'intellectuel français, un mythe fondateur de la République

Une brève histoire du mythe

L'intellectuel français fait partie des symboles de la France, autant que la Marseillaise ou Marianne. En effet, vestige d'un genre de fou du roi moderne, l'intellectuel français a pour rôle de parler de tout, de donner son avis sur tout, grâce à la seule caution de son intellectualité. Cet intellectuel fut au cours des âges souvent philosophe (Pascal, Sartre, etc.), très souvent écrivain (Voltaire, Rousseau, Diderot, Zola, etc.) ou chroniqueur dans les médias (les Goncourt, etc.), parfois artiste.

On retrouve la notion d'intellectuel français bien avant la Révolution française comme un membre du triptyque indissociable : politique, médiatique, "intellectuels", même si à l'époque, ils ne se dénomment pas eux-mêmes des "intellectuels". Sorte de contre-pouvoir de façade, l'intellectuel peut se prononcer sur tout au risque de paraître déranger le pouvoir en place. En contrepartie, les médias le prennent à partie dans les questions de société pour éclairer les sujets d'un autre œil que celui du politique ou de la vulgate. En étant supposément au dehors du monde politique, l'« homme des Lumières » est le troisième pilier de l'opinion publique : il pense "objectivement" et ne vénère que le dieu « Raison ».

Le concept d'intellectuel, un homme des Lumières en version allégée

Des siècles plus tard, les « hommes des Lumières » sont toujours là mais on les nomme(et ils se nomment) des intellectuels. Ils écrivent des livres (romans ou essais), ils touchent plus ou moins à la philosophie, ils donnent des leçons, ils continuent à donner leur avis sur tout. A noter que le concept a perdu en force avec les siècles avec cette dénomination récente d'"intellectuel", car si l'homme des Lumières écrivait et marquait son époque la force de ses écrits, l'intellectuel d'aujourd'hui n'a pas besoin d'avoir écrit un livre majeur pour être un "intellectuel". Il lui suffit d'être "intellectuel", ce que lui garantit une bonne formation comme l'Ecole Normale Supérieure ou une profession comme celle de chroniqueur quotidien sur tous les sujets à la radio ou à la télévision.

Qui, par exemple, ne connaît pas Sollers, et pourtant qui est capable de citer deux de ses livres ? Qui ne connaît pas Glucksmann et pourtant qui est capable de citer deux de ses livres ? On connaît Sartre comme un philosophe mais peut-on seulement citer deux de ses ouvrages philosophiques ? Etc.

L'intellectuel est considéré a priori comme ayant quelque chose de pertinent à dire sur tous les sujets. Nous n'irons pas plus loin dans le détail des caractéristiques bien connues des intellectuels français actuels, car d'autres les ont analysé avec plus ou moins de finesse bien mieux que nous. Nous allons plutôt étudier quelle mythologie entoure l'intellectuel français.

Déconstruction du mythe de l'intellectuel français

Le mythe de la responsabilité de l'intellectuel face au peuple

Pourquoi y a-t-il des intellectuels ? Pourquoi certaines personnes se battent pour être considérées comme des intellectuels (surtout des journalistes actuellement) ? Pourquoi la "société" semble-t-elle avoir besoin d'intellectuels ?

Nous proposerons l'explication suivante. A la Révolution Française, le "peuple" prend le pouvoir. Il résulte de cet épisode l'appel continuel de l'Etat français à la responsabilité de générations de français par rapport à leurs concitoyens et par rapport à leur patrie. Cette appel à la responsabilité est une forme de patriotisme : il invoque l'utilité de chacun à sa meilleure place dans la patrie afin d'y remplir un rôle que d'autres ne pourraient remplir étant données leurs capacités.

Sur ce système, perdure naturellement un système élitiste créé avant la Révolution. On pourra citer deux émanations de ce système : les Grandes Ecoles d'une part, et d'autre part le système des intellectuels français, troisième pilier de l'opinion publique française. Appelés à prendre la parole pour la patrie, appelés à sauver la patrie par leurs mots, leurs opinions, la force de leur raison, les intellectuels français naissent de l'endoctrinement patriotique poussé par la société et le système d'éducation français : vous êtes intelligents, placez-vous donc au service de la nation, soyez utiles.

Comme tout système d'endoctrinement, le système qui pousse les intellectuels à produire et à penser que le monde a besoin de leur avis est totalement inconnu des intellectuels eux-mêmes qui sont tous convaincus sincèrement qu'il est utile qu'ils prodiguent la bonne parole en contrebalançant les deux autres piliers de l'opinion publique : le politique et le médiatique. Ils jouent le rôle de "lumières" modernes, et en cela, ils rendent service au peuple (ignare) de leur patrie.

L'avènement d'internet a grossi les prétentions des aspirants à devenir des intellectuels français, non pas que les "écrivants" sur le net ne soient pas des intellectuels, mais en ce qu'ils ne font pas partie du cercle très restreint des intellectuels du troisième pilier de l'opinion publique. On constate aussi que se pressent au portillon des intellectuels français "qui comptent ou compteront" les éditorialistes de la presse écrite, de la radio et de la télévision (Slama, Val, etc.).

Bien entendu, si l'intellectuel naît à la suite d'un endoctrinement patriotique, il est très aisé, par la suite de le manipuler.

L'intellectuel français face aux questions de "la société"

Nous commencerons par un pré-requis plus général concernant l'usage de l'intellect. Il existe un mythe très fortement ancré dans nos société occidentales et pourtant fondamentalement faux concernant l'intellect : l'intellect n'est, en aucune façon, une garantie à une pensée correcte (le mythe prétend bien entendu le contraire). Certes, un intellect qui pense bien est un intellect qui pense logiquement, mais, du moment que les axiomes de cette pensée sont faux ou pervertis, il est facile de faire dire à n'importe qui d'"intelligent" n'importe quoi, seulement parce que l'on a anticipé l'inférence de son raisonnement. En ce sens, il est plus facile de manipuler des intellectuels que de manipuler des affectifs, et les manipulateurs le savent[1].

Politisation inévitable positionnement binaire obligatoire Polarisation de la vie intellectuelle Dérive politique obligatoire Affrontement en direct Implique la théorie du déclin des élites

Rien n'a changé

cela a toujours été comme cela Rôle postulé de l'intellectuel Mythe français de la responsabilité de l'intellectuel Mythe à analyser au plus vite Bêtise sans nom car au nom d'un intellect alors on doit défendre des causes Si on ne le fait pas, on est prétentieux Théorie tout à fait surprenante : créer des don quichotte Romantisme et mises en scène mélodramatiques

La technique d'éliénation des intellectuels

technique de l'os à ronger : grands problèmes philosophico sociaux mal posés avec une composante généralisante républicaine qui fausse tout car tous ne rentrent pas dans le moule => il existe des vrais pièges à intellos

Pousser les intellectuels à réfélchir sur l'aliénation et le pouvoir - justement ils n'ont pas le pouvoir donc ce sont eux qui en parlent le moins bien - ressortir la déconnante théorie de BW sur l'idéalité et le pouvoir

Faire créer aux intellectuels des tabous : la shoah, etc. des problèmes très compliqués qu'il faut taire mais en même temps qui occupent ; la décolonisation, etc.

Les intellectuels sont instrumentalisés

Ce sont les plus facile à instrumentaliser On le voit aujourd'hui : rangés dans des camps (atlantistes, etc.) Moyen de rabâcher des idées reçues Les intellectuels sont des victimes sans le savoir

La décomposition des élites

C'est un mythe qui n'existe pas Maisntenant on voit les intellectuels affectifs, arbitraires, partiaux On se méfie d'eux Mais personne ne remet en question leur "posture"