Le rôle du philosophe aujourd'hui
Un article de Caverne des 1001 nuits.
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Version du 6 octobre 2007 à 14:46
On attend souvent du philosophe qu'il nous donne des réponses. Mais c'est bien mal connaître la sagesse que de s'attendre à ce que nos questions soient répondues par des réponses définitives. Si le sage répond à des questions par des questions, c'est que les questions auxquelles nous attendons des réponses sont souvent des questions mal posées.
Sommaire |
Introduction
Il est généralement admis que le philosophe se doive de poser des questions et éventuellement de donner des pistes de réponses. Or l'histoire de la philosophie occidentale, au travers de philosophes que l'on qualifie souvent de « systémiques » (parce qu'ils ont bâti des systèmes « complets »), sont à l'image des autres gens :
- ils se posent des questions qui les intéressent ;
- ils inventent des théories pour y répondre.
Par contre, là où le philosophe excède souvent ses prérogatives, c'est dans le fait de considérer que ses réponses à ses propres questions s'appliquent indubitablement à tout le monde.
Pré-requis
Il est un fait indéniable et terriblement compliqué à comprendre pour les intellectuels, dont les philosophes récents, c'est que « l'homme » au sens général du terme, est un concept ne recouvrant pas grand chose. En effet, les hommes sont différents les uns des autres, ne serait-ce que parce que leur psychologie est fondamentalement différente.
Les types psychologiques en quelques mots
Les types psychologiques de Jung sont au nombre de deux :
- introversion
- extraversion.
Ces deux notions ne sont pas à entendre tout à fait au sens où ces termes sont entrés dans le langage courant. En effet, ces types psychologiques ont une composante énergétique très forte :
- l'extraverti prend son énergie principalement du monde,
- l'introverti prend son énergie principalement de lui-même.
Il en résulte une tendance pour l'introverti à être plutôt renfermé et distant, précautionneux, et une tendance pour l'extraverti à être expansif, liant et parfois superficiel. On notera toutefois qu'il se trouve assez fréquemment des extravertis contrariés agissant comme des introvertis et des introvertis contrariés tentant d'agir comme des extravertis. Ces « contrariétés » sont souvent des sources de dissociation névrotique, soit d'une distance prise entre l'habitude de faire une chose et la réalité du soi.
Notons que ces types ne sont que des dominantes et que chacun d'entre nous possède une inclinaison plus ou moins prononcée vers l'un ou l'autre de ces types. En effet, on ne peut pas être des deux types à la fois même si certaines personnes sortent, à l'occasion de tests psychologiques, comme relativement équilibrées par rapport aux types (dominante très légère pour l'un des deux types). On a coutume de symboliser l'introverti par un “I” tandis que l'on symbolise l'extraverti par un “E”.
Les fonctions psychologiques en quelques mots
Les fonctions psychologiques sont au nombre de quatre :
- la pensée (sous-entendu l'intellect),
- le sentiment (sous entendu les affects),
- la sensation (sous-entendu notre faculté à nous placer dans le présent et à percevoir le présent),
- l'intuition (ou notre faculté à envisager l'avenir).
Ces quatre fonctions vont aussi par paire, mais d'une manière moins claire que pour les types. En effet, chaque être humain a des facultés plus ou moins développées dans les quatre fonctions psychologiques, qui sont nécessaires à son fonctionnement quotidien. Néanmoins, certaines dominantes dans des domaines s'accompagnent d'une moindre utilisation d'une autre fonction, exhibant ainsi les couples fonctionnels :
- pensée/sentiment,
- sensation/intuition.
Si une personne a une tendance naturelle à approcher les choses au travers de son intellect, le côté sentimental passera souvent mécaniquement au second plan, et vice-versa.
Le cas des personnes intuitives est aussi intéressant car ces personnes ont souvent tendance à aborder les problèmes de la vie en tentant de trouver une solution à long terme, alors qu'ils auront du mal à percevoir le problème immédiat. A l'inverse, les « perceptifs » (ceux dont l'appréhension du monde est plutôt basée sur la sensation) auront eux plus de mal à envisager des solutions qui ne répondent pas à un problème se posant dans le présent.
On reprendra la notation anglo-saxonne des fonctions (afin de donner au lecteur des moyens de continuer une éventuelle investigation sur les types psychologiques sur le net) en gardant le même vocabulaire :
- la fonction pensée : “T” pour Think,
- la fonction sentiment : “F” pour Feeling,
- la fonction sensation : “S” pour Sensation,
- la fonction intuition : “N” pour iNtuition.
La vision de Myers et Briggs
Myers et Briggs sont deux psychanalystes junguiennes qui ont ajouté une dimension d'organisation par rapport aux travaux originaux de Jung. Cette dimension juge la capacité d'organisation de la personne et son aptitude à respecter les lois.
Ainsi :
- une personne ordonnée sera dénommée Judge (J),
- une non ordonnée plus intuitive matériellement sera dénommée Perceiving (P)[1].
Cette dimension supplémentaire est quelque peu ambiguë dans la mesure où elle peut être plus acquise qu'elle n'est innée, et peut relever plus d'un inconscient collectif social que d'un trait de personnalité propre[2].
Huit types de psychés
Cependant, nous nous limiterons aux trois couples de caractéristiques définis par Jung dans le cadre de cet article même si le couple défini par Myers and Briggs pourrait éclairer des situations de couples de nationalité différente. Il est clair que passer sous silence cet indicateur illustre pour nous la volonté de se concentrer sur les problèmes de couples liés aux personnalités des protagonistes, et non sur leur aptitude à gérer ou pas un quotidien matériel[3].
Ainsi, avec les deux types et les quatre fonctions, on obtient un ensemble de huit combinaisons de «dominantes» :
- INT : introverti intuitif intellectuel,
- INF : introverti intuitif affectif,
- IST : introverti sensitif intellectuel,
- ISF : introverti sensitif affectif,
- ENT : extraverti intuitif intellectuel,
- ENF : extraverti intuitif affectif,
- EST : extraverti sensitif intellectuel,
- ESF : extraverti sensitif affectif.
Il est bien entendu assez dérangeant de voir ainsi ses dominantes psychologiques pouvoir être placées au sein de l'une des huit boîtes que voilà[4].
Néanmoins, l'aspect positif majeur d'une telle classification est de ne pas juger de la psychologie des personnes mais de reconnaître que cette dernière existe et est différente le cas échéant de la sienne. C'est donc à une véritable leçon sur la différence et sur la tolérance à laquelle nous convie Jung, sachant que pour lui, cette classification ne fait état que de dominantes de fonctionnement et ne vise pas à être un modèle de représentation complet de la psyché, ni de la singularité des individus.
suite
pour que chaque personne puisse trouver sa propre voie [[La question de l'unicité de la voie à suivre est récurrente en philosophie chez les philosophes sytémiques. Leur approche pose de vraies questions car aucun des positionnements basiques n'est réellement satisfaisant : on peut vanter le système comme absolu sans convaincre, et l'on peut critiquer la prétention d'un système absolu d'une manière formelle en ayant des arguments très éloignés du système lui-même. Il est difficile d'avoir une approche globale par rapport aux philosophes systémiques.]].
En parcourant en dilettante une grande partie de la philosophie occidentale, on trouve beaucoup de questions posées, des questions pertinentes mais aussi un grand nombre de questions mal posées.
Ces questions mal posées supposent toujours quelques principes admis sur lesquels la réflexion aurait dû se concentrer de prime abord. Bien entendu, derrière ces principes, on découvre souvent une foi dans un dieu ou dans une morale. La formulation de ces questions en devient, logiquement, tout à fait pernicieuse : la question est issue d'une vision morale du monde, vision donc non universelle, vision partiale et subjective, vision relative mais non absolue. Elle n'est donc le plus souvent qu'une question de {philosophie relative}, et non de philosophie tout court.
La question mal posée a un autre travers : elle appelle à une solution définitive. Prenant pour hypothèse un cadre moral dans lequel des notions comme le bien et le mal sont définies et admises quoique non reconnues, les réponses à cette question sont souvent une reformulation de l'ordre moral pris pour hypothèse. La question mal posée est donc d'ordre tautologique : elle n'implique comme toute réponse qu'une reformulation des hypothèses qui la font naître.
Les {philosophes des solutions} sont friands de ces questions mal posées, non de manière consciente ou manipulatrice, non de manière volontaire, mais de manière inconsciente, et dans une optique de faire le bien, dans une optique des {bonnes intentions}.
Je préfère à ces derniers des philosophes du doute, ainsi que des philosophes dont le raisonnement tente d'être exempt de toute doctrine, en se méfiant d'eux-mêmes et de leurs certitudes en premier lieu..
On oublie trop souvent en parlant de philosophie que le philosophe lui-même ne doit se juger qu'à l'aulne de ses œuvres et de sa réputation universitaire, mais qu'il doit aussi et avant tout être considéré comme un homme avec un passé et une vie sociale. En ce sens, sa philosophie est souvent l'expression de problématiques personnelles dont il veut généraliser la formulation. Le philosophe projète comme l'être humain normal, il voit dans le monde l'illustration de ses préoccupations personnelles, de ses propres tabous, de sa morale, de sa spiritualité et, éventuellement, de ses névroses. Pourtant ce dernier vise souvent à l'absolu et tentant de gommer les complexité du monde sous des concepts généraux (comme des [concepts creux->52] par exemple) si vagues que la portée théorique de ses études en est amoindrie.
Le philosophe, dans le monde actuel, est aussi, trop souvent, un acteur médiatique : il écrit, publie, se montre dans les médias, répond à des interviews qui ne laissent que peu de temps à la réflexion. En tant qu'acteur essentiel, le philosophe (ou les écrivains assimilés aujourd'hui comme tels) se nourrit matériellement de la société, il est inclus dans un tissu qui le fait vivre ; il doit faire de la promotion, il mange souvent de la publication de ses œuvres. Certes, la plupart des derniers grands philosophes français étaient des universitaires, ce qui d'une certaine façon les dégageait de ces soucis de publier pour vivre. A l'inverse, cette situation d'universitaire ne leur donnait qu'une idée très limitée des problèmes de la société en raison du milieu très clos et très peu représentatif dans lequel ces derniers évoluaient.
D'une manière générale, le philosophe ne doit pas oublier son histoire personnelle, ni le cadre de référence qui forme son quotidien, deux dimensions qui, de manière cruciale, forge un cadre à son œuvre, qu'il le veuille ou non. Est-il possible de sortir de ce cadre, de généraliser lorsqu'on a pas l'expérience d'une chose ? Peut-être, mais rien n'est moins sûr, à part peut-être dans l'abstraction.